Soins dentaires, le reste-à-charge c’est trop !
La sécu, les mutuelles et les dentistes n’arrivent pas à s’entendre pour faire payer moins chers les soins dentaires. Voici pourquoi et comment diminuer le reste-à-charge.
Qu’est-ce qui se passe entre la sécu et les chirurgiens-dentistes ?
L’UNCAM (union nationale des caisses d’assurance maladie), les chirurgiens dentistes et l’UNOCAM (union nationale des complémentaires santé) négocient la future convention nationale CPAM/Chrirugiens-dentistes.
La sécurité sociale (UNCAM) propose aux chirurgiens-dentistes une hausse des tarifs des soins les plus courants (caries, détartrage, reconstitution de dents etc.) en échange d’un plafonnement des prix des couronnes, bridges et prothèses.
Pas d’accord, les chirurgiens-dentistes ont quitté la table de la dernière négociation conventionnelle du 19 janvier
Leurs syndicats estiment dans un communiqué que ces propositions de tarification-sécu sont « déconnectés parce qu’ils ne tiennent pas compte des innovations techniques et plus onéreuses ». Ils n’acceptent pas non plus qu’un règlement arbitral se substitue à la convention en cas d’échec des négociations. En conséquence, ils appellent à une manifestation le 3 mars.
C’est également pour cette raison que les étudiants en chirurgie dentaire sont en grève depuis le 13 janvier. Ils considèrent selon une dépêche AFP qu’une telle proposition de l’UNCAM « ne nous donne pas les moyens d’appliquer ce que l’on apprend depuis six ans à l’université. » Cependant, conscients que les coûts des soins dentaires, des prothèses, bridges et couronnes sont un frein pour les patients, ils demandent « un vrai investissement dans les soins de prévention ».
A propos de la prévention, l’UNOCAM (mutuelles), premier financeur des soins dentaires, s’est donnée pour but, lors de ces négociations conventionnelles, « d’améliorer son accès ainsi que la qualité des soins ». Pour atteindre cet objectif, elle estime que « les partenaires conventionnels (sécu, mutuelles et dentistes) doivent rééquilibrer le modèle économique de l’activité dentaire, entre prévention et soins conservateurs et chirurgicaux d’une part et prothétiques et d’implantologie d’autre part. » Elle désapprouve également la nomination d’un arbitre pour imposer une convention nationale.
Et les patients dans tout ça ?
Les tarifs prohibitifs des couronnes, bridges, prothèses dentaires et implants ajoutés au dépassement d’honoraires ont pour effet de priver de soins de plus en plus de patients ou de les envoyer vers des centres low cost voire se faire soigner à l’étranger parce que c’est moins cher.
Surtout que la sécu rembourse peu comme nous le précions dans notre article « soins dentaires, combien remboursent la sécu et les mutuelles ? »
On peut aussi s’interroger sur le fait que ces tarifs engendrent des inégalités territoriales. Exemple : le tarif moyen d’une couronne varie de 327 à 686 euros en Province contre 369 à 1 090 euros à Paris.
Certes les mutuelles compensent la faible prise en charge de l’assurance maladie en remboursant, en tout ou partie, le reste à charge. Mais il faut avoir une mutuelle haut de gamme et donc coûteuse pour être bien remboursé. Ce qui n’est pas le cas des mutuelles d’entreprise puisque le minimum prévu par la loi est fixé à 125% du tarif conventionnel de l’assurance maladie ! Et bien évidemment tout dépend de la mutuelle souscrite comme l’atteste, encore une fois, cet exemple de remboursement d’une couronne dentaire
De toute façon, ce sont les patients qui cotisent et donc financent les mutuelles et tous n’en ont pas !
Question : les mutuelles sont-elles en train de compenser l’écart entre la faible prise en charge par l’assurance maladie dont le taux moyen est passé de 36% il y a 10 ans à 33% aujourd’hui et les coûteux soins et honoraires des dentistes ?
Le reste à charge en question ?
Le reste-a-charge des soins dentaires vient d’être chiffré à 1 920 euros en moyenne par le CISS (Collectif inter-associatif sur la santé).
Dans un manifeste des droits des malades, ce collectif interpelle les candidats aux Présidentielles « que préconisez-vous pour réduire le reste-à-charge? » notamment des soins dentaires. Il se fait l’écho des patients et leur suggère quelques propositions.
Cet important reste à charge du patient est confirmé par un rapport de la DREES-Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques qui atteste que si le reste à charge des assurés sociaux a légèrement diminué, ce n’est pas le cas pour les soins dentaires.
Rappelons quand même que la Cour des comptes a épinglé les tarifs pratiqués par les chirurgiens dentistes au chapitre VIi du rapport 2016 relatif aux soins bucco-dentaires
Dans son rapport annuel 2017 qui montre du doigt le train de vie de leur Ordre national, elle leur demande de « retrouver le sens de leurs missions de service public » et leur rappelle les obligations auxquelles ils sont tenus par leur code de déontologie : « Le chirurgien-dentiste doit toujours déterminer le montant de ses honoraires avec tact et mesure. »
Egalement les devoirs auxquels ils sont tenus en matière de médecine sociale à l’égard des plus démunis notamment les titulaires de la CMU-C
Quelles conséquences pour les assurés sociaux ?
17,5% des assurés sociaux renoncent aux soins dentaires de base, 68% renoncent à la pose d’une couronne, d’un bridge ou d’un implant… soit 4,7 millions de personnes. Et encore, tous ces chiffres extraits du rapport de la Cour des comptes datent de 2012.
De plus en plus d’assurés sociaux se tournent vers l’un des 700 centres dentaires « low cost ». Ce qui n’est pas toujours sans risque comme nous l’avions écrit dans nos colones victimes-de-dentexia-les-sans-dents-refusent-de-rester-sans-voix
Autre pratique pour se soigner moins cher : le « tourisme dentaire » dont les principales destinations sont l’Espagne, la Hongrie et le Portugal comme indiqué dans ce TABLEAU
Ce d’autant que c’est remboursé par la sécurité sociale et par les mutuelles dans certaines conditions que nous rappelons ici soins-dentaires à l’étranger-comment-se-les-faire-rembourser ?
Ces soins low cost (en France comme à l’étranger) concernent surtout les implants, inabordables en France et non remboursés sauf par certaines mutuelles.
Existe-t-il des solutions pour une meilleure prise en charge ?
Vous l’avez lu ci-avant, la sécurité sociale propose un plafonnement des tarifs des prothèses, couronnes et bridges. But : rendre les soins plus abordables et lutter contre le renoncement. Mais son taux moyen de prise en charge a baissé de 36 à 33% et il reste faible.
Les patients ont également des attentes sur un certain nombre de soins encore « hors nomenclature » et donc non pris en charge. Il s’agit de soins de prévention comme la parodontie pour éviter que les gencives se détériorent, engendrant la nécessité de soins lourds comme les implants dont les tarifs sont inabordables.
Autres recommandations préconisées par la Cour des comptes :
– « plafonner par la voie législative les tarifs des actes prothétiques les plus fréquents,
– mettre en place un conventionnement sélectif des chirurgiens dentistes comme le permet la loi de financement pour 2016 (non appliquée NDLR),
– publier sans délai le décret fixant, dans les contrats responsables, des plafonds aux tarifs pris en charge par les organismes d’assurance complémentaire en matière de soins bucco-dentaires,
– réorganiser les financements entre l’assurance maladie et les complémentaires santé, les premières finançant à 100% un suivi annuel obligatoire et les soins conservateurs associés, les secondes prenant à charge le financement des soins prothétiques au premier euro. »
Sans oublier les propositions du CISS indiquées ci-avant.
Complément d’information
– convention actuelle CPAM/Chirurgiens dentistes
– campagne présidentielle et témoignages de 66 millions d’impatients sur le reste-à-charge des soins
– soins-dentaires-combien-la-secu-et-les-mutuelles-les-remboursent ?
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