Montauban : le cheminot qui veut « faire dérailler Macron »
Thomas Portes, membre du PCF et délégué CGT, a choisi, en plus du terrain, les réseaux sociaux pour combattre la réforme de la SNCF. Portrait.
De notre correspondant à Toulouse, Stéphane Thépot in Le point.fr
« En 1995, j’avais 10 ans et j’ai passé trois semaines sur les épaules de mon père », se souvient Thomas Portes. Vingt-trois ans plus tard, le jeune homme a repris le flambeau. Fils de cheminot, il est responsable national de « la bataille du rail » que mène le Parti communiste sur les réseaux sociaux. Son compte Twitter affiche clairement la couleur : « Faire dérailler Macron. » « Ça va être long, le gouvernement ne va pas plier en trois semaines », pronostique le militant, qui mène le combat à grands coups de hashtags. « On touche plus de monde sur Facebook qu’en distribuant des tracts », affirme le jeune geek communiste.
Délégué CGT, il distribue aussi le journal de 24 pages inspiré des quotidiens gratuits que le syndicat des cheminots a édité pour l’occasion. « On éditera peut-être un livre avec L’Humanité, comme à l’époque de la campagne contre le traité européen (en 2005, NDLR) », anticipe le jeune homme dans la petite maison isolée au milieu des voies à l’arrière de la gare de Montauban qui sert de local syndical.
De nouveau en grève ce dimanche et lundi, Thomas Portes défend le principe d’un mouvement « perlé » plutôt que la grève reconductible que proposait, en vain, le syndicat Sud-Rail, principal concurrent de la CGT à gauche. « En 2014 et en 2016, on avait fait quatorze et vingt jours de grève et on a perdu. » À Montauban, 60 agents de la SNCF sur la centaine qui travaillent sur le site ont participé à la première assemblée générale. « Même l’encadrement était là. La SNCF a été tellement montrée du doigt que ça a mobilisé », analyse le syndicaliste. Il estime injuste de faire peser l’énorme poids de la dette de l’entreprise publique sur le dos de ses agents. « Dire qu’on coûte 700 euros par Français, c’est démagogique. » Lui préfère souligner la dégradation du service. « Sur les 13 trains Intercités qui passent à Montauban, seulement 4 s’y arrêtent. » Thomas Portes cite les gares fermées sur la ligne qui file vers Agen et Bordeaux ou ce glissement de terrain qui a coupé la ligne vers Cahors et Paris le mois dernier. C’est une entreprise privée qui a été choisie pour faire les travaux, s’indigne-t-il.
Risque de fermeture de milliers de kilomètres de « petites lignes »
La CGT et le PCF mettent en avant le risque de fermeture de milliers de kilomètres de « petites lignes » et le spectre d’une « privatisation » de la SNCF pour s’opposer au projet de loi du gouvernement. La présidente (PS) de la région s’apprête pourtant à signer officiellement, lundi 9 avril, la nouvelle convention sur les trains régionaux (TER) avec la SNCF. Carole Delga a pris soin de choisir deux élus communistes comme adjoints pour les transports en Occitanie. « Nous sommes une région progressiste. La convention régionale nous met à l’abri de la concurrence jusqu’en 2024 », se félicite Thomas Portes. Mais, en Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, lui aussi socialiste, n’est pas sur la même ligne. « Il s’apprête à ouvrir Bordeaux-Arcachon à la concurrence et pourrait remplacer les trains par des bus entre Niort et Saintes », peste le jeune Montalbanais, qui suit de près la région voisine. Il travaille aussi en tant qu’attaché de presse d’Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF et élu local à Pau.
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Politiquement, le jeune cheminot communiste de Montauban confesse se sentir plus proche du facteur trotskiste Olivier Besancenot que de Jean-Luc Mélenchon et sa France insoumise. « Le dégagisme me dérange un peu », dit-il. Pour résister au gouvernement, Thomas Portes mise de toute manière moins sur les alliances politiques que sur la « convergence des luttes » sur le terrain. Mais, à Montauban, pas question de manifester, comme à Toulouse, avec des étudiants en grève : « On n’a qu’une petite antenne de la fac de droit. » Pas question non plus de sortir de la gare pour aller manifester sur la rocade, comme les agriculteurs au début de l’année. Ou même de bloquer les voies de chemin de fer, comme le font régulièrement les usagers du rail mécontents dans le nord du Lot. « Il ne faut pas se bercer d’illusions, on ne rejouera pas Mai 68 », conclut Thomas Portes.
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