Emmanuel Macron va à la messe. L’information, en soi, est sans intérêt. Sauf qu’Emmanuel Macron est président de la République, jusqu’à nouvel ordre, et qu’en cette qualité il se pose en garant de la Constitution. La Vème vaut ce qu’elle vaut, elle n’en demeure pas moins une République. Et, jusqu’à preuve du contraire – sait-on jamais –, la République française est laïque, ce qui signifie notamment que l’Etat est séparé de l’Eglise (et vice versa) depuis 1905.
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Le Président s’est donc rendu, dimanche 21 avril 2019, à la messe. Loué soit-il. Et ceux qui y voient une égratignure faite à la République n’ont qu’à ruminer leur rancœur ailleurs. Ainsi, dans Le Monde, pouvait-on lire :
« En la circonstance, le président doit faire ce qu’il ressent, éprouver comment est le pays, démine par avance un proche. Comme il ne va pas à la messe tous les dimanches, sa présence n’aurait de toute façon de signification que par rapport au drame. »
Le « drame » en question, c’est l’incendie de Notre-Dame de Paris, ne cherchez pas plus loin. Quant au fait que le Président n’aille pas à la messe tous les dimanches… Nous nous passerons ici de tout commentaire.
Néanmoins, pas plus tôt que le 2 avril dernier, Emmanuel Macron a bien assisté à une messe à Paris pour l’anniversaire de la mort de Georges Pompidou. En juillet 2017, ce même Président, accompagné du Premier ministre Edouard Philippe et du ministre de l’Intérieur de l’époque Gérard Collomb, s’est rendu à une messe à Saint-Etienne-du-Rouvray en hommage à Jacques Hamel, victime du terrorisme.
Chaque messe à sa justification, mais promis, pas tous les dimanches !
La laïcité, c’est pour les autres
L’événement n’est pas majeur, certes, mais il revient régulièrement, comme une petite musique d’ascenseur qu’on oublie une fois sorti, mais qui s’entête malgré tout. Nous n’évoquerons même pas ici le titre de Chanoine honoraire de Latran qu’Emmanuel Macron n’aurait jamais osé refuser.
Ainsi, le 14 avril, un communiqué de Nathalie Loiseau, tête de liste LREM aux élections européennes, annonçait sa participation à une messe sur l’île de La Réunion, messe « ouverte à la presse ». Face au tollé, l’ex-ministre chargée des Affaires européennes annule ladite messe – grands dieux ! – et justifie une « erreur humaine » de communication : sa participation à la messe était de l’ordre du privé. Curieux, alors, d’y avoir convié la presse, n’est-ce pas ?
Plusieurs cadres de La France insoumise s’étaient émus de voir ainsi Nathalie Loiseau faire fi de tout esprit laïc. Celle-ci finira par lancer à Jean-Luc Mélenchon, sur Twitter :
« Oui, je me suis rendue à la messe pour les Rameaux à la Réunion. Comme je l’aurais fait à Paris et aussi parce que c’est une fête importante sur l’île. Fallait-il me cacher ou vous demander la permission ? La laïcité, c’est la liberté, de croire ou de ne pas croire. »
Passons.
Que vaut la photo que Christophe Castaner, actuel ministre de l’Intérieur, a posté sur les réseaux sociaux peu après l’incendie de Notre-Dame ? On le voit de dos, seul dans la cathédrale, en train de se recueillir.
Prit-il ? Pour qui se prend-il ? Est-ce là le rôle du ministre en charge des Cultes ? Est-ce alors aussi son rôle que d’assister à une messe à Saint-Sulpice « pour dire notre solidarité aux catholiques de France, qui ne peuvent se recueillir ce soir à Notre Dame » ?
On évoquera encore le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui, lors d’un voyage au Vatican le week-end du 20 avril, en profita pour assister à une messe de Pâques…
Tant d’exemples pour exprimer une seule et même chose : la nécessité de bien expliquer ce qu’est la laïcité – aux jeunes et aux moins jeunes –, mais aussi la séparation de l’Eglise et de l’Etat, bref, ce qu’est la République, afin que ceux qui pourraient un jour la gouverner en connaissent les grandes lignes directrices.
Macron is the new God
En décembre 2017, lors de la cérémonie en hommage à Johnny Hallyday, si Emmanuel Macron avait eu la décence de ne pas prononcer son discours à l’intérieur de la Madeleine – « monument religieux contre-républicain », rappelait alors Mélenchon –, il s’en était fallu de peu pour qu’il bénisse le cercueil du chanteur.
Cette scène était pour le moins cocasse, s’il fallait démontrer que le siège n’était taillé que pour un général, pas pour un républicain. Emmanuel Macron se rêve de la même lignée. N’a-t-il pas ajouté au logo de l’Elysée la croix de Lorraine ?
Passons.
Rappelez-vous, en avril 2018, du Macron face aux évêques de France parlant d’un « lien entre l’Eglise et l’Etat [qui] s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ». C’est que le bougre est très attaché à la religion catholique. N’a-t-il pas souhaité se recueillir devant la basilique Saint-Denis, crypte des rois et des reines de France, le soir de son élection, avant même d’aller à la rencontre de ses électeurs au Louvre ?
Passons.
Mais jusqu’à quand passerons-nous ces affronts à ce qui fait l’essence même de la République ? Pendant que la gauche s’esquinte la voix à crier au scandale, la droite se gausse. Ainsi, Valeurs actuelles titrait un de ces récents articles : « « Au secours, une femme politique à la messe ! » Les inutiles lanceurs d’alerte de la France insoumise ».
Comme le précise Marianne : « Le projet de réforme de la loi de 1905 porté par le gouvernement – pour l’heure mis en sommeil par Emmanuel Macron – pourrait comporter un renforcement de l’application de l’article 26, qui interdit de « tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte ». »
C’est si pratique de changer les lois à sa guise.
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