Parlement. Loi « sécurité globale », la police municipale change de missions
Censées mieux protéger les Français, les dispositions adoptées par les députés, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de LaREM, vont surtout aggraver les inégalités territoriales. La majorité renonce toutefois à l’obligation d’armement.
Les députés ont adopté une mesure phare de la loi « sécurité globale ». Par 137 voix contre 11, ils ont donné leur feu vert à la réforme des polices municipales, un projet au cœur du « continuum de sécurité » que la majorité appelle de ses vœux. À l’ouverture des débats, l’élu LaREM Jean-Michel Fauvergue, corapporteur du texte avec sa collègue Alice Thourot, s’est voulu rassurant. « Le but est de conserver aux polices municipales leur fonction de proximité et de continuer à cultiver un voisinage efficace qui leur permettra de combattre les incivilités et les petits délits », a-t-il lancé.
Mais, concrètement, les polices municipales comptant plus de 20 agents vont disposer, dans le cadre d’une expérimentation de trois ans, de pouvoirs de police judiciaire. Ceux-ci pourront ainsi constater certaines infractions, comme les squats de halls d’immeuble, l’usage de stupéfiants ou la vente à la sauvette, les tags ou encore l’occupation illégale d’un bâtiment public.
Le risque d’une sécurité à géométrie variable
Une disposition qui suscite l’inquiétude de l’opposition. « L’expérimentation risque, si on n’y prend garde, dans ce transfert de fonctions régaliennes de l’État vers les polices municipales, de vous faire passer de la République en marche à la République en miettes, c’est-à-dire, à une inégalité de l’accès au droit fondamental que représente la sécurité », a mesuré Sébastien Jumel (PCF), qui pointe le risque d’une sécurité à géométrie variable selon les territoires. Puisque chaque commune pourra organiser sa propre police municipale en fonction de ses moyens, et de sa volonté politique.
Opposé à cette logique, le député de Seine-Maritime estime que ce droit à la sécurité « doit être égal quel que soit l’endroit où l’on habite ». « Si on veut des moyens correspondant aux besoins de sécurité, il va falloir intégrer les effectifs des polices municipales à la police nationale, pour les redéployer ensuite sur tout le territoire en tant que police de proximité », plaide Ugo Bernalicis (FI), qui juge que ce texte « vient flouter les différences entre police nationale et polices municipales, entre fonctions régaliennes et sécurité privée ».
La crainte d’une nouvelle polémique
Loin de répondre à ces inquiétudes, une partie de la majorité veut aller encore plus loin dans le renforcement des pouvoirs accordés aux agents municipaux. Défendant un amendement sur l’armement des policiers locaux, Sylvain Maillard (LaREM) s’est dit favorable à son caractère obligatoire. Pourtant, une telle disposition remettrait en cause le principe constitutionnel de la libre administration des communes. « L’histoire montrera que, pour mieux les protéger, nous armerons un jour tous les policiers municipaux des grandes métropoles, dont Paris », a-t-il cru bon de dire, en défendant un amendement visant à « rendre systématique une formation » liée à cet armement. S’appuyant sur l’exemple de l’attentat survenu à Nice, la députée UDI Agnès Thill a également argué que « le contexte actuel donne aux policiers municipaux un nouveau rôle et leur confère un positionnement décisif dans le combat contre le terrorisme ».
Mais les corapporteurs LaREM et le gouvernement ont émis un avis défavorable. « Les polices municipales ne seront armées que si le maire en décide ainsi », a ainsi répondu Jean-Michel Fauvergue, qui se disait pour une telle obligation dans un rapport parlementaire de 2018. « Nous n’imposerons pas les polices municipales armées aux collectivités locales », a abondé le ministre de l’Intérieur, lui aussi pourtant « favorable » à la mesure. Mais le locataire de la Place Beauvau est soucieux d’éviter une nouvelle polémique alors que l’attendait jeudi soir une rencontre à Matignon pour amender l’article 24 sur la diffusion de vidéos de policiers, et tenter de convaincre qu’il ne met pas en cause la liberté de la presse. Le rétropédalage à toutefois ses limites. S’agissant de la création de la police parisienne, votée jeudi, Gérald Darmanin a jugé qu’elle devait être armée, tout en précisant laisser le soin à la maire de Paris de décider. Laquelle s’est empressée de refuser via un communiqué de l’équiper d’armes létales.
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