Tandis que 80% des Français∙es ne reçoivent aucune donation du vivant et que parmi celles et ceux qui héritent, 9 sur 10 touchent moins de 100 000€ au cours de leur vie, Oxfam France publie un nouveau rapport alertant sur l’émergence d’une minorité d’ultra-riches touchant des super-héritages insuffisamment taxés.
Ce rapport montre notamment que le top 0,1% des héritiers ne paye qu’environ 10% de droits de succession – contre 45% en théorie – et met en lumière un système de taxation des successions opaque et inadapté.
Super-héritages : les chiffres-clés
- Les super-héritier∙es français∙es, soit le top 0,1% des héritier∙es, reçoivent environ 13 millions d’euros – soit 180 fois l’héritage médian – et ne paient, en moyenne, que 10% d’impôt dessus.
- Dans les 30 prochaines années, 25 milliardaires français transmettront à leurs héritier∙es plus de 460 milliards d’euros de super-héritages sur lesquels l’Etat risque de perdre 160 milliards en raison des niches fiscales existantes, si rien n’est fait.
- Les parents fortunés peuvent transmettre plus d’un demi-million d’euros tous les 15 ans à leurs héritier∙es sans payer le moindre impôt.
- 7 des 9 Français∙es devenu∙es milliardaires en 2024 sont des super-héritier∙es.
- Près de 60% des Français se montrent favorables à une taxation plus forte des héritages les plus élevés (sondage réalisé par Verian pour Oxfam France).
En France, un avenir radieux pour les super-héritages
En France, l’héritage est un profond facteur d’inégalités. La nouvelle étude d’Oxfam révèle que 7 des 9 Français∙es devenu∙es milliardaires en 2024 sont des super-héritier∙es, et qu’un quart des milliardaires du pays est issu des 3 mêmes familles.
Tandis que près de la moitié de la population n’hérite pas ou de très peu, le top 1% des héritier∙es d’une génération reçoit en moyenne plus de 4,2 millions d’euros net, et le top 0,1% reçoit environ… 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian !
Niches fiscales, abattements : des super-héritier∙es largement favorisés par la fiscalité
Si en théorie les super-héritages devraient se voir appliquer un taux marginal de 45% au-delà de 1,8 million d’euros, il a été estimé que le top 0,1% de ces super-héritier∙es ne s’acquittent en moyenne que d’à peine 10% de droits de succession grâce aux diverses niches fiscales et exemptions existantes.
Le pacte Dutreil est un cas emblématique de niche fiscale bénéficiant aux super-héritier∙es. Il permet, sous conditions, d’exonérer 75% de la transmission des parts ou d’actions de certaines entreprises. Si le coût de cette niche fiscale est officiellement estimé à 500 millions d’euros environ par les pouvoirs publics, cette évaluation est contredite par le Conseil d’Analyse Économique qui chiffre plutôt son coût annuel pour les finances publiques à jusqu’à 3 milliards d’euros.
Dans son rapport, Oxfam a calculé que, dans les 30 prochaines années, les 25 milliardaires français de plus de 70 ans transmettront à leurs héritier∙es plus de 460 milliards d’euros, sur lesquels l’Etat risque de perdre 160 milliards d’euros si les niches fiscales et exemptions actuelles sont maintenues. Une somme colossale qui représenterait un chèque de près de 7000€ pour chaque personne atteignant la majorité dans les trois prochaines décennies, soit le coût moyen d’une année d’études supérieures en France.
Une fiscalité inadaptée à la diversité des structures familiales actuelles
Le système français de taxation des successions présente aujourd’hui de grandes disparités en fonction du lien de parenté officiel avec le donateur. Car si le taux moyen d’imposition est de 5% en ligne directe (grands-parents ou parents et enfants) avec un abattement de 100 000 euros, il explose dès que l’on sort du premier cercle familial.
Par exemple, si l’héritage provient d’une tante ou d’un oncle, l’abattement chute à 7 967 euros et le taux de taxation s’envole à 55%. Ainsi, tandis que les super-héritages passent sous les radars de l’imposition, certaines petites transmissions payent injustement le prix fort.
Nos recommandations pour réformer la fiscalité des super-héritages
Pour une fiscalité de l’héritage plus juste, Oxfam France appelle à :
- Réformer le système de taxation pour le rendre plus clair, lisible et transparent
- En finir avec les exonérations et niches fiscales inutiles en supprimant et/ou en réformant les niches fiscales permettant aux super-héritages d’échapper à l’impôt, à commencer par l’assurance-vie et le Pacte Dutreil.
- Mettre en place un barème plus progressif qui cible les super-héritages avec un abattement unique et la suppression du cumul des abattements.
- Repenser le système de taxation des successions pour répondre aux enjeux climatiques.
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