L’éditorial de Patrick Le Hyaric.
Fermez les ports ! Voilà le nouveau cri du gouvernement italien, joignant à ses paroles racistes des actes xénophobes. Le nôtre botte en touche avec hypocrisie. La Commission européenne bafouille. Et le Conseil européen ferme les yeux. Il pourrait être passible de la Cour de justice en vertu de l’article 265 des traités qu’il défend avec tant de zèle.
En violation des conventions internationales, du droit maritime et des principes les plus élémentaires de respect de la personne humaine, ils ont délibérément laissé l’Aquarius empli de 629 exilés, dont 123 mineurs esseulés et 7 femmes enceintes, dériver dans la souffrance, des conditions d’hygiène indignes, tenaillés par la faim et la soif, brûlés par le soleil et le sel. Le cœur et la moindre parcelle d’humanité les ont quittés au profit d’une politique de courte vue. Heureusement, le nouveau gouvernement espagnol de gauche et les mairies progressistes du pays ont lavé l’affront en proposant immédiatement leur secours.
Si prompte à imposer par la force austérité et sacrifices aux peuples du continent, la Commission européenne s’est montrée bien pusillanime devant le torse bombé des nostalgiques du fascisme, au risque de laisser M. Salvini, le ministre de l’Intérieur d’extrême droite italien, gagner son bras de fer à quelques jours de la prochaine réunion du Conseil européen, qui aura à discuter des migrations.
Le silence pesant et glaçant du gouvernement français, qui n’a pas daigné proposer son aide au navire humanitaire, tend à prouver qu’il refusera, au risque du déshonneur, de se hisser à hauteur de sa mission historique, comme, du reste, le laissaient prévoir les régressions inédites portées par le texte de loi sur l’asile et l’immigration.
Les dirigeants politiques du prétendu « Nouveau Monde » s’avèrent aussi froids, déconnectés, calculateurs et égoïstes que leurs prédécesseurs ; incapables de prendre la mesure des ébranlements sociaux, humanitaires, sécuritaires, écologiques, démocratiques qu’ils contribuent à dessiner en toute irresponsabilité avec les désastres guerriers et les bouleversements climatiques, les misères et les famines au bout de leurs traités de libre-échange. Oui, l’Europe est requise par un impérieux devoir d’hospitalité et un nouveau codéveloppement humain durable et mondial. Les peuples doivent faire irruption sur la scène pour l’exiger. Ils peuvent pour cela s’appuyer sur des votes récents du Parlement européen afin d’imposer les mesures nécessaires pour faire respecter le droit maritime et humanitaire en sécurisant les parcours en mer et en assurant l’accueil digne de ces vies en détresse.
Les accords de Dublin doivent laisser la place à un système de solidarité entre les pays et de garantie des droits des migrants et exilés. Le projet de répartition des demandeurs d’asile entre États selon des critères humains doit être mis en pratique. L’effort de solidarité internationale avec les pays d’émigration et les aides au développement doivent être considérablement augmentés, et le pacte mondial pour les migrations, engagé sous l’égide des Nations unies, conforté. La main-d’œuvre immigrée ne peut être laissée à la merci des logiques patronales de concurrence. C’est le choix de l’égalité et de la sécurité sociale du travail et des formations qu’il faut porter solidairement. Une politique de visas doit être enfin développée pour mettre fin à l’insécurité dans laquelle est maintenue la misère humaine. Jetons des ponts. L’hospitalité est un devoir !