Régularisation des travailleurs étrangers : une liste des métiers en tension pleine d’aberrations qui porte la patte de Bruno Retailleau

Les syndicats condamnent la liste restrictive et arbitraire des métiers en tension, publiée jeudi 22 mai au Journal officiel, censée permettre de régulariser des travailleurs étrangers.

Longtemps attendue, la nouvelle liste des métiers en tensions a été publiée dans le Journal Officiel, ce jeudi 22 mai. Prévue officiellement pour faciliter la régulation de travailleurs sans papiers, sa publication a été retardée à plusieurs reprise, notamment par Bruno Retailleau, qui ne voulait pas que ce sujet ‘’parasite’’ sa campagne interne à l’élection à la présidence des Républicains. Condamnée par les syndicats, cette liste répond, selon eux, plus à des choix politiciens et idéologiques du ministre de l’Intérieur qu’aux réalités du marché du travail et aux besoins des travailleurs.

Programmée par la loi immigration de janvier 2024 et censée être actualisée chaque année, la liste des métiers en tension, qui répertorie les secteurs dans lesquels le nombre d’offres d’emploi est supérieur à celui des candidats, n’avait pas été rafraichie depuis 2021. “Enfin ! Ça faisait des mois et même des années qu’on l’attendait“, s’est donc exclamé Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR). Ce dernier pointe cependant des aberrations, s’étonnant par exemple “qu’à Paris, seul le métier de cuisinier figure dans la liste, mais pas celui d’aide cuisinier, plongeur ou de serveur’’. La fonction de serveur est d’ailleurs également absente de la liste pour les zones touristes clés tel que le Corse ou la région PACA.

“C’est ubuesque!”

Des incohérences dues à un changement de pilotage ces derniers mois, du ministère du travail vers celui de l’intérieur. “Depuis la concertation avec la ministre du travail le 28 février dernier, aucune de nos remarques ni ajouts ultérieurs n’ont été pris en compte. On nous a fait poireauter jusqu’à la publication de la liste dont on a appris l’existence dans la presse, pointe Gérard Ré. Pour le membre du bureau confédéral de la CGT, “la question des emplois non pourvus et le problème de la lutte contre le travail dissimulé devrait revenir au ministère du travail car il faut les régler en fonction des besoins des entreprises et des travailleurs, avec la délivrance de titres de séjour pérennes. Au lieu de ça, les choix de Bruno Retailleau ont prévalu. On les connaît depuis les débats sur la loi Immigration de Darmanin. Pour lui, il faut couper les vannes des régularisations et les employeurs n’ont qu’à embaucher des gens aux chômage. C’est ubuesque, hors sol!”

‘’Depuis le début, il y a une forte pression du ministre de l’Intérieur, qui ne voulait pas de titre de séjour pour les métiers en tension’’, corrobore Lydie Nicol, secrétaire nationale de la CFDT. Un sentiment partagé par la vice-président de la Confédération des PME, Eric Chevée: “On demandait simplement au moins de la cohérence nationale. On est face à une position totalement dogmatique. Notre discours est toujours le même: il faut arrêter de faire de la politique avec ce sujet.

La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a toutefois défendu une liste “articulant les exigences du marché du travail, les réalités humaines et les priorités économiques du pays”. Elle insiste sur le fait que cette publication et son utilisation “vont de pair avec la poursuite de nos efforts pour lutter contre le chômage des étrangers en France et le remplissage des postes non pourvus par une immigration du travail régulière, sélective, régulée et conforme à nos intérêt nationaux.’.

Une régulation encadrée, mais limitée

En vertu de la loi immigration de janvier 2024 qui doit “contrôler l’immigration et améliorer l’intégration”, les travailleurs sans papiers peuvent demander une régularisation après trois ans de présence en France et douze mois d’emploi, à condition d’exercer un métier en tension. Mais, contrairement aux premières versions du texte, la régularisation n’est pas automatique : elle reste soumise à l’appréciation des préfets. Ce qui ne laisse pas d’inquiéter Gérard Ré, de la CGT: “Les aides à domicile ou aides ménagères figurent bien sur la liste. Encore faut-il que les bulletins de salaire existent dans ces secteurs où le travail dissimulé est très présent. Et comment les préfectures se comporteront face à des CDI à temps partiel, alors qu’elles exigent des temps plein? Il y a enfin le sujet de la maîtrise de la langue: les travailleurs sans papier n’ont jamais eu accès à la formation professionnelle.”

A l’instar de la CFDT, qui exigeait dès février ” l’inscription dans la loi de critères clairs et objectifs pour la régularisation des travailleurs sans papiers, sans dépendre d’une liste de métiers fluctuante et d’un examen discrétionnaire des préfectures”, Force ouvrière se dit, dans un communiqué publié ce vendredi, “fortement opposée à l’idée d’une immigration sélective induite par cette liste qui aura pour effet de maintenir bon nombre de travailleurs migrants dans l’illégalité et dans une grande précarité.”

“Cette liste ne sert à rien. Il serait temps de reconnaître l’apport des travailleurs immigrés dans le monde professionnel et la vie économique du pays”, conclut Gérard Ré


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