La tentative d’OPA de Hamon sur l’électorat écologiste

«   Nous avons appris que les beaux discours en matière d’écologie ne suffisaient pas, qu’il fallait des écologistes pour faire de l’écologie   », défend Yannick Jadot, candidat EELV. Photo : François Guillot/AFP

« Nous avons appris que les beaux discours en matière d’écologie ne suffisaient pas, qu’il fallait des écologistes pour faire de l’écologie », défend Yannick Jadot, candidat EELV. Photo : François Guillot/AFP

Pressé par ses militants de sceller rapidement un accord avec Benoît Hamon, Yannick Jadot invoque les ambitions écologiques du programme socialiste. Le projet de la France insoumise s’avère pourtant beaucoup plus ambitieux.

« Projet commun », « coalition », « majorité gouvernementale cohérente et durable »… les formules ne manquent pas pour pousser les trois candidats de gauche à se rassembler, avec cet espoir d’une qualification au second tour de la présidentielle. Pour justifier son probable ralliement à Benoît Hamon, EELV fait valoir le volet écologiste du programme du candidat socialiste.

« Une bonne partie de son projet, c’est notre projet, note Yannick Jadot, candidat EELV. Je remarque qu’une partie des électeurs qui ont voté pour lui à la primaire ne sont pas chez EELV… » Pourtant, selon Alain Coulombel, chargé du programme « Bien vivre », « EELV porte le seul projet 100 % écologique quand beaucoup aujourd’hui se réclament de l’écologie politique », que les Verts peinent à faire fructifier. D’autant que nombre de sympathisants écologistes seraient tentés aujourd’hui par le député PS, qui a, selon Cécile Duflot, cette qualité d’avoir « entamé le grand virage vers l’écologie (qu’elle appelait) de (s)es vœux », et selon David Cormand, secrétaire national d’EELV, une position « au centre de gravité de toute la gauche ». Même Nicolas Hulot loue sa « vision lucide, clairvoyante et ambitieuse sur l’écologie ».

« Je ne serai plus jamais socialiste sans être écologiste ! »

Une « vision » écologiste, disons-le, très fraîche. Car si Benoît Hamon a en effet porté, dès 2014, l’idée d’une politique économique « intense en emploi et sobre écologiquement », il ne s’est jamais particulièrement démarqué sur ce terrain-là. Depuis sa candidature à la primaire, Benoît Hamon a trouvé la formule : « Je ne serai plus jamais socialiste sans être écologiste ! » D’après lui, cette prise de conscience a eu lieu lors de son passage à l’économie sociale et solidaire : « Je suis revenu à une deuxième gauche (en référence à celle de Michel Rocard – NDLR) qui aurait évolué avec le monde », explique ce défenseur de la COP21. « Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Dès qu’il y a de la lumière et que ça brille, tout le monde va papillonner vers cette lumière. Mais nous avons appris que les beaux discours en matière d’écologie ne suffisaient pas, qu’il fallait des écologistes pour faire de l’écologie », tempère Yannick Jadot. En effet, le programme de Jean-Luc Mélenchon est beaucoup plus ambitieux sur ces questions. Déjà comme sénateur PS en 2008, l’actuel candidat de la France insoumise évoquait une « planification écologique nécessaire », avant d’en faire une priorité dans ses campagnes de 2012 et 2017. Le programme « l’Avenir en commun » préconise l’objectif de 100 % d’énergie renouvelable en 2050, la fermeture de Fessenheim et la mise à l’arrêt du projet de Flamanville… autant de propositions inscrites dans le projet d’EELV. Yannick Jadot tente de pousser Benoît Hamon à aller plus loin sur le nucléaire – lui vise l’arrêt à 100% d’ici 2035, quand le socialiste vise la réduction à 50 % en 2025, comme l’actuel gouvernement. Autres points d’entente : l’inscription de l’écologie dans la Constitution et l’instauration d’une taxe carbone. Mais là où Jean-Luc Mélenchon propose de nationaliser EDF et Engie (ex-GDF), l’ex-ministre de François Hollande envisage que « l’État pousse EDF à renforcer ses recherches sur la production et le stockage d’énergies renouvelables ». Quand le candidat de la France insoumise ambitionne l’isolation de 700 000 bâtiments chaque année, le socialiste parle d’un « plan massif d’investissements dans la rénovation énergétique des bâtiments ». Hamon veut « investir dans les transports en commun » quand « l’Avenir en commun » propose de bloquer l’ouverture à la concurrence des TER d’ici à 2023… Preuve que le choix d’un ralliement de Yannick Jadot au candidat socialiste n’est pas uniquement motivé par les exigences écologistes. Le candidat EELV justifie cette option par ses désaccords avec Jean-Luc Mélenchon, notamment sur la remise en cause des traités européens. Mais jeudi, il a réaffirmé l’urgence de « dépasser les appareils » et « les ego » pour nouer d’ici deux semaines un accord sur un projet commun avec Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Ce nouvel appel du pied sera-t-il suivi d’effets ?

« le téléphone rose n’a pas sonné »

Dans une note de blog, le candidat de la France insoumise dit avec ironie ne plus attendre de coup de fil de Hamon, le plaçant dans le camp « des politiciens qui ne comprennent rien à cet état d’esprit protestataire » envers le PS « quel que soit l’emballage ». Il conclut : « La conscience du ridicule d’un programme commun imaginé et signé soixante-dix jours avant l’élection n’a pas l’air d’effleurer ceux qui s’y abandonnent. »

Audrey Loussouarn


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