La Division nationale révolutionnaire, groupuscule fasciste né des cendres de la dissoute JNR, compte ouvrir un local « culturel » dans la ville martyre. L’opposition appelle à manifester samedi à 11 heures, place Faucher.
Pire que du chiendent, l’extrême droite reprend toujours racine. Après Lyon, Lille ou Strasbourg, c’est à Tulle que la plus radicale de ses engeances entend refleurir. La Division nationale révolutionnaire (DNR), résurgence des Jeunesses nationales révolutionnaires dissoutes en 2013 après la mort à Paris de Clément Méric, voulait y ouvrir un local « culturel » le 11 mars.
L’annonce avait été faite sur Facebook par Sébastien Dudognon, ancien secrétaire départemental des jeunes du Front national, démissionnaire resté – en français dans le texte – « en très bonne relation avec (les) amis que je me suis fait au Front national et avec qui j’ai passer de très bon moment » (sic). « On est plus concret dans nos idées que le Front National qui essaie de se mélanger aux autres partis. On fait du social pour défendre le national », expliquait Dudognon à France info. La salle se veut un lieu de rencontre « des patriotes qui veulent défendre les intérêts de leur pays, de leur Nation, de leur région, de leur culture, de leurs traditions ». Un « local de résistance », dans le quartier du Trech, non loin de la cathédrale, où pourrait se développer « une certaine idée de la France », expliquait Romain, l’un des membres de la DNR, à France Bleu Limousin fin janvier.
Plus de 2 300 signatures pour la pétition
Une « certaine idée » ? Le groupuscule prône une « révolution sociale et nationale identitaire » qui tiendrait en trois idées : « anti‐immigration, anti‐république, anti‐laïcité », écrivent les rédacteurs d’une pétition « contre l’ouverture d’un local fasciste à Tulle » sur internet (avaaz.org), qui a recueilli plus de 2300 signatures. A priori, c’est bien ce triptyque qui les définit. D’abord parce qu’ils « s’oppose(nt) à une forme de remplacement de peuple ». Ensuite parce que pour eux, la République « telle qu’elle est aujourd’hui, elle ne représente pas vraiment le peuple ». Enfin, parce qu’ils n’ont « pas de ligne religieuse mais c’est sûr que la France est un pays de culture catholique qui doit le rester », lâchaient-ils au micro de France Bleu. Tous les ingrédients semblent réunis pour un cocktail dont l’historien de l’extrême droite Nicolas Lebourg donnait la recette en 2009 sur le site internet Temps présent. Selon lui, le nationalisme révolutionnaire (NR) « équivaudrait à un néo-fascisme qui serait un fascisme de « gauche », économiquement socialiste », qui se construit « via une propagande sur le thème du fascisme de gauche et une stratégie qui se veut un léninisme de droite ». Entre ces deux lignes, il leur faut « chercher une nouvelle voie tant en leurs pratiques qu’en leur idéologie ». Ce que l’idéologue Dominique Venner, a mis en œuvre avec Europe-Action, la revue qu’il avait fondée avec le philosophe Alain de Benoist, comme lui référence de l’extrême droite, note Lebourg : « Au nom du « socialisme-européen », ils tentent d’opérer la jonction avec la gauche et la mouvance régionaliste ». « La vision du monde des NR est fasciste et le fascisme est d’extrême droite. » Les nationalistes révolutionnaires se vivent comme « un mouvement de libération nationale en lutte contre les pouvoirs colonisant l’Europe ». CQFD.
99 habitants ont été pendus le 9 juin 1944 par les nazis à Tulle
« Ils ne se disent pas fascistes mais ils publient des images de SS. Comment on peut faire ça à notre époque ?», s’interrogeait Guillaume, un membre du collectif des sept collines à l’origine d’une manifestation dans la capitale corrézienne le 17 février dernier. Le Parti communiste français, la CGT et la France insoumise s’y étaient associés, interpellant dans une motion commune le préfet. De son côté, la municipalité avait adopté à l’unanimité un texte contre l’ouverture du local. Le maire socialiste de Tulle, Bernard Combes, s’y disait d’ailleurs, sur France Bleu, « totalement opposé ». Il faut dire qu’à Tulle, ville « résistante et martyre », cette installation passerait mal. Ici, 99 habitants ont été pendus le 9 juin 1944 par les nazis. Des hommes entre 16 et 60 ans choisis comme otages par les Allemands de la division Das Reich parce que la Résistance avait tué une quarantaine de soldats allemands dans une tentative de libérer la ville la veille. L’œuvre des « bandes communistes » pour qui « il n’y a qu’une peine, le supplice de la pendaison », avait écrit le général SS Lammerding. Ce jour-là, sur plusieurs centaines de mètres, « des cordes terminées par un nœud coulant accrochées aux arbres, aux réverbères et aux balcons », diront des témoins. Et « pendant toute l’opération, Paula Geissler (surnommée la chienne de Tulle) et un groupe de SS, assistent aux pendaisons en vidant de bonnes bouteilles à la terrasse du café Tivoli, au son d’un phonographe »… Des 120 otages que les nazis avaient prévu de pendre, 99 ont été assassinés de manière inhumaine. 149 autres ont été envoyés à Dachau, et 101 n’en sont pas revenus. C’est de cette idéologie que « ces personnes se réclament », se lamente Alain Guilbert, le secrétaire départemental du PCF. D’ailleurs le choix du nom « Division », hommage à la Division Das Reich, n’est sans doute pas anodin… Les mêmes ont « l’an passé en Moselle » installé une plaque « célébrant la 17e Panzer division SS qui a été responsable du massacre de Maillé », lançait à l’Echo l’ancien député communiste de la Corrèze et député honoraire européen Pierre Pranchère, lors de la manifestation du 17 février. Il y a fort à parier qu’avec l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance, il sera à nouveau de la manifestation de samedi (à 11 heures, place Albert Faucher, dans le quartier de Soulhac). La première avait déclenché des commentaires haineux de l’auteur d’un blog : « Tout le monde se fout de la centaine de pinpins rouges pendus par les SS en 1944 », avait écrit « Capitaine Harlock », qui qualifiait ainsi « l’avant-garde révolutionnaire » qui manifestait : « des punks à chiens et des nègres » ! Une prose qui lui vaut une plainte de l’Anacr, et mobilisera certainement au-delà de la cinquantaine de participants du 17 février : « Les fachos, les nazillons, à chaque fois qu’ils ont sorti le nez, on était en face, et on y sera encore », prévient Alain Guilbert dans l’Echo de Corrèze, début février. « Ils ne passeront pas ! »
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.