Chili. Les universités s’insurgent contre les violences sexistes

Le 6 juin, pour la troisième fois, les rues de Santiago et des principales villes du Chili ont connu des défilés en faveur d’une éducation non sexiste. Claudio Reyes/AFP

Le 6 juin, pour la troisième fois, les rues de Santiago et des principales villes du Chili ont connu des défilés en faveur d’une éducation non sexiste. Claudio Reyes/AFP

Depuis un mois, plusieurs manifestations et occupations de facultés réclament une éducation basée sur l’égalité de genre pour en finir avec le harcèlement et les inégalités.

L’affaire de « la meute » en Espagne a traversé l’Atlantique. Fin avril, un tribunal espagnol avait délibérément écarté la notion de viol au profit d’abus sexuel perpétré par cinq hommes contre une jeune femme de 18 ans, en 2016. La sentence avait alors déchaîné une vague de colère dans tout le pays. Elle a gagné le Chili avec une force inédite après qu’à cette même date un enseignant chilien, soupçonné de harcèlement sexuel sur une employée, a été renvoyé tout en bénéficiant d’une importante prime de licenciement.

L’université australe de Valdivia a aussitôt été occupée, et le mouvement s’est propagé comme une traînée de poudre. Pour la troisième fois, les rues de Santiago et des principales villes ont connu des défilés en faveur d’une éducation non sexiste, la fin des violences machistes et l’égalité de genre, à l’appel de la Coordination féministe universitaire et des principales fédérations lycéennes et étudiantes. Plus d’une quinzaine d’universités ont connu des sièges, dont la très guindée université catholique.

Le président contraint de présenter un « Agenda de la femme »

En 2011, déjà, un précédent mouvement avait contribué à la création de porte-parolats et de secrétariats de genre dans les universités. Trois ans plus tard, la démarche avait abouti à une première rencontre nationale pour une éducation non sexiste. Mais, depuis 2014, les choses se sont tassées, si on excepte l’adoption d’une loi autorisant l’IVG sous condition. L’effervescence de ces dernières semaines a contraint le gouvernement à se positionner. Le président de droite, Sebastian Piñera, a présenté un « Agenda de la femme » en 12 points qui impliquerait une réforme de la Constitution afin de garantir la pleine égalité des droits et des devoirs entre les femmes et les hommes. Le chef de l’État cherche ainsi à étouffer l’actuel conflit afin de ne pas répéter les mêmes erreurs que lors de son précédent mandat (2010-2014), où il avait superbement ignoré les revendications féministes. Mais, pour l’heure, il peine à convaincre en raison même de ses politiques, alors que la différence salariale entre les femmes et les hommes dépasse les 31 %. « Le gouvernement profite des mobilisations pour lancer un agenda mais il approfondit la précarité, la double exploitation et le système néolibéral chilien », estime Valentina Gatica, la présidente de la Fédération des étudiants de l’université australe dans un entretien à Nodal.

Les organisations ont annoncé la poursuite de leur mouvement

Les déclarations du ministre de l’Éducation qui, pour disqualifier les manifestations de ces dernières semaines, a évoqué de « petites humiliations et discriminations » subies par les femmes, ont été vivement critiquées par les initiatrices du mouvement. « Ils n’ont écouté aucune de nos problématiques », tance Amanda Opazo, porte-parole de la Coordination des étudiants du secondaire. Même sentiment pour Francisca Ochoa, porte-parole de la Confédération des étudiants du Chili. « Les annonces de Piñera sont plus emphatiques que précises. Elles mettent l’accent sur les mesures punitives concernant les violences déjà consommées, sans s’occuper de leur prévention. Il ne se préoccupe que d’enseigner aux femmes à dénoncer et non aux hommes à ne pas violenter. Il y a besoin d’une réforme structurelle, à travers une éducation non sexiste à tous les niveaux qui ne reproduise plus les stéréotypes et offre une éducation sexuelle appropriée », enjoint-elle. Et les principales organisations ont annoncé qu’elles poursuivaient leur mouvement jusqu’à parvenir à un « changement culturel ».

Cathy Dos Santos, Journaliste à la rubrique Monde


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