Paroles de Gilets jaunes (Paris)

Samedi, 1 Décembre, 2018

Avenue des Champs Elysées, nous y étions. Petits échanges au hasard des rencontres. Autant le dire. Accueil chaleureux et respectueux pour l’équipe de l’Humanité. Tous se disent « écœurés par BFM » qui « veut uniquement des images de violence » ou se débrouille « pour faire parler les plus bêtes ». Nous avons rencontré et parlé avec plusieurs des manifestants. Il y a de la colère. De l’amertume. On y décèle la peur de l’avenir. De la méfiance à l’égard des politiques, des syndicats. Retrouvez leurs paroles sur le web et le facebook de l’Humanité. Reportage.

Les Champs Elysées, 10h du matin samedi 1er décembre. La plus belle avenue du monde est sous très haute surveillance. Les magasins barricadés. Toutes les stations de métro – Etoile, Georges V, Champs-Elysées Clémenceau, Concorde, Argentine, Kléber… sont fermées « sur ordre de la préfecture » répète en boucle les hauts parleurs du métro. Barrages filtrants dans toutes les rues perpendiculaires qui mènent aux Champs. Beaucoup de Gilets jaunes se sont retrouvés sur les avenues qui aboutissent en étoile à l’Arc de Triomphe. Les avenues Foch, Kleber, Mac Mahon ou Marceau sont jaunes de gilets portés par des manifestants venus le plus souvent d’Île-de-France, parfois d’un peu plus loin.
En couple, entre ami-e-s. Des petits groupes se forment. Ça discute sec. Des petites agoras spontanées qui se font et se défont. Damien, 29 ans, et Alison, 24 ans, viennent de Moselle. Ils ont un enfant de 5 ans. Ancien gardien de prison, « je gagnais 1500 euros, c’est pas mal, mais plus suffisant. Alors je suis devenu travailleur frontalier au Luxembourg ». Alison est auto-entrepreneuse dans le toilettage. Ils s’estiment pas trop mal dans l’échelle sociale mais voient bien qu’autour d’eux, leurs parents futurs retraités, leurs copains, « ça devient de plus en plus dur de joindre les deux bouts ». « L’essence augmente, mais aussi les péages, les timbres, les patates… Même acheter une fenêtre pour mieux isoler ta maison ça devient impossible ». Ils sont là « pour notre gosse, son avenir. Quel sera son avenir ? Les mômes sont à peine nés qu’ils sont déjà endettés ». Damien conclue : « les politiques sont déconnectés de la réalité. Ils ne savent même pas à combien est le Smic ».
Muriel, secrétaire, Rémi, pompier et Jean-Paul cheminot se connaissent depuis 5 minutes. Ils viennent de l’Essonne et de la Seine-et-Marne. Muriel a dû prendre un deuxième travail (vente à domicile) pour s’en sortir. Tous trois parlent de « ras le bol général. Dans nos campagnes, tout ferme : la poste, le centre des impôts. Tout se déshumanise, tout passe dans les mains du privé ». Pourquoi ne se sentent-ils pas représentés par « les corps intermédiaires » ? « Les syndicats ne nous écoutent pas. Les gouvernants non plus. Les politiques parlent un jargon pour qu’on ne comprenne pas. Mais on comprend très bien. Que je vote ou pas, ça change quoi ? Pourquoi n’y a-t-il pas la proportionnelle ? Pourquoi ne pas organiser davantage de référendum ? »
Sylvie et Philippe, deux jeunes retraités. Elle de l’enseignement. Lui de la fonction publique hospitalière. Philippe a pris sa retraite en mars 2017 et un nouveau travail en mars 2018. « Macron nous a trompés. Je m’en mords les doigts d’avoir voté pour lui. Il a réussi à faire voler en éclat tous les repères. C’est un président ultra-libéral qui roule uniquement pour les capitalistes » dit Philippe. Sylvie elle a voté « Marine », sans état d’âme. « Macron, je ne le sentais pas ». La surprise se lit sur le visage de Philippe. « Depuis 2002, dit-il, on nous demande de choisir entre la peste et le choléra. Et la gauche, à part les premiers mois du septennat de Mitterrand, elle nous trahit… »
Plus haut, arrêtés par un déploiement de CRS, Yves, Antoine et François sont en grande discussion. « Il faudrait repenser un nouveau contrat social. Je bosse 39 heures, raconte Yves. J’estime que je fais mon boulot. Il faudrait qu’on ait de quoi vivre dignement  sans avoir peur des fins des mois difficiles. Je ne cherche pas à être riche. Je n’ai pas des goûts de luxe. Je veux juste de quoi vivre décemment, me faire plaisir de temps en temps en m’offrant un petit resto et pouvoir partir un peu en vacances. Jusqu’ici,  on vivait mieux que nos parents et que nos grands-parents. Mais là, on recule au niveau social. Les gens sont de plus en plus dans la misère. Il y a de plus en plus de pauvres, de plus en plus de riches. Mais des gars comme Carlos Ghons, qu’est-ce qu’ils foutent de tout leur argent ? ça vire à l’horreur. Faire de l’argent à tout prix, au détriment de la planète… Il faut redistribuer l’argent, taxer le capital». Gérard, à la retraite, le reprend : « On va pas sortir du capitalisme… » « J’ai pas dit ça. Mais il y a eu un capitalisme créateur. Dorénavant, c’est un capitalisme de prédateurs ».
Antoine, étudiant, est venu de Lyon. « Je vis avec ma copine. Notre loyer s’élève à 700 euros. L’an dernier, on nous a baissé les APL. 30 euros, c’est une semaine de course au Lidel, un abonnement de transport! ». « Les gens en ont marre de Macron, de son arrogance. Il demande des efforts à tout le monde… sauf à ses proches. On a supprimé l’ISF. Pourquoi ? Pour qui ? ».

marie josée sirach

[ENQUÊTE SNES-FSU] #PasDeVagues 9 agents sur 10 concernés


#PasDeVagues : l’enquête du SNES-FSU pour comprendre et agir

Grâce à une enquête réalisée auprès de ses adhérents, le SNES-FSU a souhaité mettre des chiffres sur le phénomène #PasDeVagues. 9 répondants sur 10 affirment avoir déjà été confrontés à des situations d’incivilité ou de violence. Trois-quart d’entre eux jugent la réponse apportée par l’administration inadaptée.
Faits minimisés, affaire étouffée, reproches suite à un dépôt de plainte… Les témoignages recueillis par le SNES-FSU dans le cadre de son enquête #PasDeVagues expriment sans fard le malaise des enseignants, face aux phénomènes de violence vécus dans le cadre de leur métier.
Plus d’un mois après l’apparition du hashtag #PasDeVagues, le SNES-FSU a souhaité questionner ses adhérents, pour poser des chiffres sur cette lame de fond, qui a déferlé sur les réseaux sociaux suite à l’agression par un élève d’une enseignante du lycée Branly de Créteil.

>>>> Consultez les résultats détaillés de l’enquête <<<<

Comprendre et agir
Premier enseignement de l’enquête, qui a recueilli près de 600 réponses : 9 agents sur 10 ont été confrontés plusieurs fois à des situations d’incivilité ou de violence dans le cadre de leur activité professionnelle. 3 sur 10 affirment même avoir “souvent” subi ces situations.
S’ils sont également 9 sur 10 à avoir signalé les faits à leur administration, plus de 8 sur 10 jugent la réponse de leur hiérarchie inadaptée

Méthodologie de l’enquête #PasDeVagues : l’enquête a été réalisée par le SNES-FSU auprès de ses adhérents, via un questionnaire en ligne ouvert du 4 au 11 novembre 2018.

L’Education nationale confie la pédagogie à un colonel

Ingénieure en chef de l’armement avec grade de colonel, Rachel-Marie Pradeilles-Duval est nommée cheffe du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique à la Dgesco, un poste occupé jusque là par Yves Cristofari. La nomination d’une militaire à un poste aussi stratégique à l’Education nationale est une première.

Le chef du service de l’action pédagogique porte à la Dgesco les réformes ministérielles. Numéro 2 de la Dgesco, il pilote les examens, dirige les écoles et établissements du socle commun et des lycées. Il dirige aussi la formation des enseignants.

C’est donc un poste hautement stratégique pour le ministre puisque concrètement c’est lui qui fait appliquer les réformes pédagogiques sur le terrain. JM Blanquer l’avait confié à un de ses fidèles , Yves Cristofari, un IPR conseiller de G de Robien, fait inspecteur général sous Darcos.

Evidemment ce qui frappe c’est le profil singulier de Rachel-Marie Pradeilles-Duval pour un poste de cette nature qui a toujours été occupé par une personne venue de l’Education nationale.

Car le parcours de RM Pradeilles-Duval a peu à voir avec la maison éducation. Auteure d’une thèse sur  » les micromécanismes et comportement macroscopique d’un élastomère fortement chargé » elle a longtemps travaillé dans la mécanique. « Pendant plusieurs années, j’ai travaillé sur les problèmes de compréhension de l’endommagement », explique-t-elle dans la revue de l’Ecole polytechnique. Son terrain d’action c’est alors la mécanique, plus précisément l’automobile et l’usure des boites de vitesse et des  pneus.

Sa découverte de l’enseignement se fait d’abord dans les écoles militaires puis à partir de 2012 au ministère de l’enseignement supérieur. En 2014 elle y est chargée de la stratégie des formations et de la vie étudiante. Jusqu’à ce qu’un arrêté publié au Journal officiel du 23 novembre la nomme cheffe de service de l’instruction publique et de l’action pédagogique.

On peut s’interroger sur le choix de JM Blanquer. Souhaite-il donner une coloration militaire à son action pédagogique ? Veut-il renforcer le lien lycée – supérieur au moment de la mise en place de la réforme du lycée ? Dans tous les cas, Rachel Marie Pradeilles Duval sera attendue sur ses décisions pédagogiques.

F Jarraud

L’arrêté

Article de La jaune et la rouge