point de vue. Profs à tout faire au lycée Blanquer

Philippe Boursier Professeur de sciences économiques et sociales, Fondation Copernic

Philippe Boursier Professeur de sciences économiques et sociales, Fondation Copernic

Avec la réforme, les métiers, notamment féminisés, deviennent plus « invisibilisés » et précarisés.

La réforme Blanquer du lycée général se heurte à la révolte lycéenne. La révolte du monde enseignant est imminente. Car la réforme précarise les salariés qui le font vivre, et notamment les femmes.

La plupart des emplois enseignants et administratifs stables sont des emplois de femmes. Les postes mis au concours au Capes externe en 2019 s’effondrent dans les disciplines les plus féminisées. Pour les enseignants en poste, la charge de travail sera démultipliée. Plus de classes et des classes de plus en plus en plus surchargées. De fait, la disparition des séries simplifie le « remplissage » des cours communs à tous les élèves et des cours de spécialité organisés à l’échelle d’un bassin. Et ce trop-plein risque d’être aggravé pour les disciplines les plus féminisées. Ce surcroît de pénibilité est induit par la multiplication des tâches prescrites par la réforme Blanquer. Construire de nouveaux cours conformes aux nouveaux programmes en seconde et première. Organiser les examens qui vont scander le quotidien des lycéens avec l’entrée en vigueur d’un système de partiels dès la première. Etc. Ces tâches complexes alourdiront la charge de travail. Dans nos métiers aussi, la gestion et la coordination des activités professionnelles repos ent d’abord sur le travail « invisibilisé » des femmes. L’élargissement des missions des professeurs principaux actionne les mêmes mécanismes.

Comment dès lors obtenir le consentement pour remplir des missions qui relèvent du volontariat ? Par l’insécurité. Quand les postes sont fragilisés, il devient plus aisé d’obtenir le consentement des salariés. Quand les nouvelles formes d’évaluation complètent les dispositifs dissuasifs, le dévouement est plus facilement extorqué. Avec le nouveau système de promotion qui s’installe, la pression sur les enseignants se fait plus forte. Les activités chronophages assumées en dehors du temps d’enseignement deviennent décisives pour le déroulement de la carrière. Les promotions sont soustraites à la régulation du paritarisme. L’évaluation d’un monde professionnel très féminisé est à la discrétion de proviseurs et d’inspecteurs, le plus souvent des hommes, prédisposés à naturaliser le surtravail des femmes que l’institution à la fois exige et « invisibilise ». Au lycée Blanquer des précarités cumulées et du dévouement extorqué, nous avons tout à perdre. Notre santé et notre dignité. Nous avons aussi toutes les raisons de nous révolter.

Philippe Boursier

Professeur de sciences économiques et sociales, Fondation Copernic


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