Maryam Madjidi est une écrivaine franco-iranienne. Elle a reçu le prestigieux Prix Goncourt du Premier roman 2017 pour Marx et la Poupée, livre qui est davantage un récit qu’un roman. Il retrace en effet les grandes étapes de sa vie, depuis le ventre de sa mère en Iran, jusqu’au Paris de l’exil où se réfugient ses parents, militants communistes, après la Révolution islamique. Elle offre ici un regard différent sur son pays natal, à la fois intime et distant, et s’interroge sur les espoirs, les combats et les désillusions du peuple persan, éternel objet de fantasmes pourtant si mal connu.
Propos recueillis par Mathilde Harel. Entretien préparé par Mathilde Harel et Clément Houdart.
©Gregory Augendre-Cambon
Groupe d’études géopolitiques: « Je voudrais me taire quand on me demande mes origines. Je voudrais raconter autre chose, n’importe quoi, inventer, mentir. Je voudrais aussi qu’on me pose d’autres questions » écrivez-vous dans votre roman Marx et la poupée. Pourtant aujourd’hui encore, nous allons parler d’Iran. Quelles sont donc les autres questions que vous voudriez que l’on vous pose ?
Maryam Madjidi: La question de l’origine n’est pas en soi une question insultante ou agaçante, c’est lorsqu’elle est systématique qu’elle le devient. Quand je rencontre une personne et que je soupçonne qu’elle puisse venir d’ailleurs, ce n’est pas une question que je vais lui poser directement, parce que je sais d’expérience que derrière cette question, il y a une remise en cause implicite du fait qu’elle puisse être française. Il y a l’idée d’une exclusion, qui ramène l’autre à son altérité, même lorsqu’elle est évoquée d’un point de vue « exotique ». C’est contre cela que je m’érige dans le roman. Les questions que j’aimerais que l’on me pose, ce sont des questions ordinaires, sur ma vie, mon travail, mes loisirs, sans que soit perceptible cet orientalisme qui est toujours à l’affût. D’autant plus que les gens oublient que l’origine peut être douloureuse, qu’elle peut renvoyer à des souvenirs malheureux voire traumatiques. La naïveté et la maladresse avec lesquelles on me pose cette question m’agacent. Il y a presque une injonction, un ordre, « dis-moi d’où tu viens ». Continuer la lecture de Nous avons rencontré Maryam Madjidi, candidate sur la liste de IAN BROSSAT