Dans toute l’Europe, des dizaines de millions de personnes vivent confinées, les relations sociales sont drastiquement réduites. Des mesures contraignantes, sans précédent sur notre continent, sont prises un peu partout. La situation appelle de la part de chacune et de chacun esprit de responsabilité et de solidarité. Mais, ne parlons pas de « guerre » ! Car, dans le meilleur des cas, il s’agit d’un abus de langage, peu respectueux des peuples soumis à une guerre réelle. Et dans le pire, d’une tentative de susciter des réflexes de discipline aveugle, de culte du chef et de repli sur soi.
Nul ne pouvait être surpris d’entendre Marine Le Pen marteler avant tout le monde : « Nous sommes en guerre ! » Mais, si l’on imagine aisément la délectation que peut procurer une ambiance guerrière à des politiciens d’extrême-droite, on est en droit d’attendre plus de circonspection de la part d’un Chef d’Etat. Aussi ne cacherais-je pas le malaise ressenti en entendant Emmanuel Macron reprendre à son compte, avec une lourde insistance, la formule en question.
Interrogé sur l’opposition entre la posture délibérément martiale du Président français et celle de la Chancelière allemande, évoquant, quant à elle, « le plus grand défi » que son pays ait à relever depuis la seconde guerre mondiale, un expert reconnu des affaires militaires de ce côté-ci du Rhin a apporté sur la question un éclairage qui doit nous faire réfléchir. Selon lui, « la France est une nation guerrière (…) L’Allemagne a rejeté la guerre depuis 1945. Son image reste très négative dans la psyché des Allemands, alors qu’elle peut être productive dans celle des Français » ! (1)
Gardons-nous de nourrir, fût-ce à notre corps défendant, une « image productive » de la guerre dans notre société en crise ! La guerre doit être un repoussoir ! Pensons-y quand des ministres ou des commentateurs s’enorgueillissent du record historique enregistré par notre pays en matière de ventes d’armes ! Réévaluons à cette aune la spécialité revendiquée par la France en matière d’intervention militaire, en particulier en Afrique ! Quand la sixième puissance économique du monde s’avère incapable de fournir des masques de protection aux personnels soignants en prise directe avec le coronavirus, il est temps de redéfinir les priorités : pour la France-même, pour notre rôle en Europe et pour notre coopération internationale, en particulier vers les pays du Sud !
Non, décidément, nous ne sommes pas « en guerre », mais nous sommes engagés dans un combat mondial, qui ne s’arrêtera pas avec la fin de cette pandémie.
NB : AU-DELÀ DE LA FRANCE, L’UE CONNAÎT, AVEC CETTE CRISE SANITAIRE INÉDITE , UNE ÉPREUVE DE VÉRITÉ DÉCISIVE : L’ITALIE AUJOURD’HUI, D’AUTRES PAYS DEMAIN LA JUGERONT DURABLEMENT SUR LA SOLIDARITÉ EFFECTIVE QU’ELLE SERA CAPABLE DE LEUR APPORTER DANS LES JOURS SOMBRES QU’ILS TRAVERSENT !
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(1) Général Vincent Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre (Figaro, 20/3/2020)