Entretien. Chaque jour de la semaine à venir, l’Humanité interroge les responsables de gauche sur leur vision du « jour d’après ». Aujourd’hui, le coordinateur de Génération.s., Guillaume Balas.
De nombreux responsables politiques, syndicaux et associatifs appellent à préparer dès à présent le « monde d’après » la pandémie. Quels chantiers doit ouvrir la crise sanitaire ?
Guillaume Balas. C’est l’ensemble des sociétés humaines telles qu’elles fonctionnent qui doit être remis en cause. Une phase de l’histoire de la mondialisation s’achève. On ne peut plus continuer avec des interconnexions sans contrôle, ni avec un modèle qui étend sans cesse les activités humaines sans respecter les territoires naturels. Mais, nous ne pouvons pas rompre avec le productivisme sans remettre en cause la doctrine néolibérale du libre-échange absolu, voire le modèle capitaliste et son exaltation de la propriété privée comme valeur première. Il nous faut réfléchir à des sociétés postcapitalistes à la fois démocratiques – face à la tentation de l’autoritarisme et du nationalisme –, écologiques, et avec une nouvelle forme de répartition des richesses et de la protection sociale.
Le revenu universel peut-il être un rempart face à la crise économique à venir ?
Guillaume Balas. En cas de crise, alors que nous avons la chance d’avoir une protection sociale encore assez forte, des gens passent à travers les mailles du filet et n’ont pas les moyens de leur survie. Un revenu inconditionnel serait un filet de sécurité important. C’est aussi une part du contrat social : le signe que chacun appartient bien à la société et qu’il est reconnu en tant qu’individu indépendamment de sa production, de son statut de salarié ou non.
En 2008, les banques ont été sauvées et les peuples ont eu à payer la facture. Redoutez-vous un tel scénario ?
Guillaume Balas. Le capitalisme est libéral quand tout va bien et, en cas de crise, il demande à l’État de socialiser les pertes, puis c’est aux peuples de rembourser les dettes. Aider l’appareil productif est parfois nécessaire. Mais il faut faire preuve de sélectivité. Plutôt qu’aider les banques en pensant qu’elles vont aider l’économie réelle, il faut des aides directes de la part des pouvoirs publics aux secteurs les plus en difficulté. Il ne faut pas non plus oublier les individus. Au Canada, se discute par exemple, un revenu de quarantaine.
Comment éviter un retour en force de l’austérité à l’échelle de l’Union européenne ?
Guillaume Balas. Le vrai problème, c’est qu’il manque un budget d’investissement qui contrebalance les effets de la monnaie unique. Faute de cela, la dévaluation sociale est la solution pour rester compétitif. Un Green New Deal est nécessaire : écologiques, un grand plan d’investissement européen orienté vers les transitions écologiques et la reconversion de la production et la réduction des inégalités. Pour cela, il faut un budget européen avec des recettes propres, mutualiser certaines dettes. C’est le nœud du débat avec l’Allemagne et ses alliés.
Le gouvernement fait un appel à la générosité avec une plateforme de dons, que proposez-vous en matière de fiscalité ?
Guillaume Balas. Ceux qui ont défiscalisé les riches massivement invitent maintenant l’ensemble de la population à contribuer. C’est délirant. Des mesures simples doivent être prises : la limitation via une taxe des dividendes pour que cet argent serve à la préservation industrielle ou encore le rétablissement d’un ISF ultra-redistributif. Nous avons besoin de socialiser une grande partie des profits pour répondre à l’augmentation des inégalités, investir massivement, notamment dans les services publics, et garantir la protection sociale.
L’issue de la pandémie appelle-t-elle des changements démocratiques ?
Guillaume Balas. Le rôle du Parlement est complètement sous-évalué. À terme, un changement de nos règles constitutionnelles pour redonner un pouvoir réel aux représentants de la nation est absolument essentiel. C’est tout le débat autour de la VI e République. Mais, à l’issue de cette crise, comment ne pas reposer l’ensemble des questions de notre organisation nationale sur le plan politique comme des services publics ? Pour cela, il faut inviter à des états généraux l’ensemble de la société civile, puis organiser une consultation plus vaste, pourquoi pas à travers un référendum.
La gauche, souvent divisée, notamment aux municipales, a-t-elle une carte à jouer ?
Guillaume Balas. Je parlerai des écologistes et des gauches. L’écologie, le social, l’égalité, les services publics… tout ce qui a fait l’histoire de la gauche revient au premier plan, mais doit s’accompagner aujourd’hui d’une rupture avec le productivisme. Nous proposons de mettre en place, très rapidement, une rencontre permanente des organisations écologistes et de gauche, des syndicats et des grandes associations sur l’évaluation de la crise et les moyens d’y répondre.
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