Municipales. L’ombre du RN plane sur Moissac… in l’Humanité

Entretenant un climat xénophobe à l’encontre des ouvriers agricoles bulgares, le parti de Marine Le Pen est aux portes de la mairie. Depuis vingt ans, les transformations de l’agriculture y ont favorisé l’extrême droite aujourd’hui combattue par la liste de gauche d’Estelle Hemmami.

Jusqu’au 15 mars le scrutin municipal de Moissac ne suscita qu’un intérêt assez local. Mais le soir du premier tour, où plus d’un électeur sur deux n’a pas voté, le candidat RN Romain Lopez écrase la concurrence avec 47,02 % des voix. Il ne lui manque que 123 bulletins pour être élu. Stupeur. Un fort vote d’extrême droite n’est pourtant pas nouveau dans la petite ville tarn-et-garonnaise (14 000 habitants). Lors de la présidentielle 2002 Le Pen vire ici en tête au premier tour (22,61 %). En 2017 la fille Le Pen dépasse le père : 28,19 % au premier tour, 44,48 % au second. Le score de la liste RN ne fait donc qu’amplifier un danger qui vient de loin.

Moissac est réputé pour son cloître roman, son chasselas et ses fruits. Pour cultiver cet immense verger il est fait appel de longue date à des ouvriers agricoles immigrés, une main-d’œuvre bon marché. La présence de travailleurs marocains engendra déjà des réactions xénophobes. Désormais leurs homologues bulgares, recrutés plus récemment, sont à leur tour stigmatisés. Ils seraient près de mille quatre cents dans la ville, soit 10 % de la population. Et rendus responsables des tapages nocturnes et dépôts sauvages d’ordures dans les rues. Quant aux épiceries bulgares, elles ne seraient qu’un paravent pour de la prostitution et divers trafics. Le poison de la rumeur parcourt la jolie petite ville de Moissac. En février 16 voitures immatriculées en Bulgarie ont été endommagées. Des affiches « Révolution nationale », en référence à Pétain, ont été collées une nuit sur les murs, tandis que le militant communiste Maximilien Reynès-Dupleix a été insulté par Romain Lopez (1).

NDLR de Mac voir le communiqué de PCF82 Alerte contre les agissements d’un candidat à Moissac   avec à la clé peut-être « une plainte contre ce monsieur pour injure publique par voie de presse et médias ».

L’extrême droite surfe sur ce climat nauséabond tout en avançant masquée pour ratisser encore plus large : aucun sigle RN ne figure sur la propagande de son candidat. Pourtant celui-ci a été attaché parlementaire de Marion Maréchal – Le Pen et se trouve aujourd’hui attaché du groupe RN au conseil régional d’Occitanie.

« Plutôt que de stigmatiser la population bulgare la priorité doit être de pérenniser l’hôpital », dénonce Séverine Couteau, syndicaliste FO dans l’établissement. « Il est menacé depuis longtemps, enchaîne Mireille Riol (CGT). La maternité a fermé en 2003 et un chirurgien décédé en 2018 n’est toujours pas remplacé ». Jean-Luc, lui, ne comprend pas non plus. Il a dans sa rue de nombreux voisins bulgares : « Je n’ai pas beaucoup d’échanges avec eux car ils ne parlent pas français. Mais il n’y a pas de nuisances. À 22 heures, on n’entend plus un bruit. »

« On constate des incivilités mais la délinquance et les cambriolages sont ici en baisse », rappelle également Estelle Hemmami. Celle-ci conduit une liste divers gauche, soutenue notamment par le PCF, qui a obtenu 23,09 % au premier tour. Le maire sortant Jean-Michel Henryot (LR) ne se représentait pas et son adjointe Maryse Baulu n’a réalisé que 13 %. Elle s’est retirée sans donner de consigne de vote, tout comme le macroniste Gérard Vallès (9,7 %).

Seule la liste d’Estelle Hemmami peut empêcher le RN de faire main basse sur la ville. Selon la jeune enseignante les transformations de l’agriculture moissagaise ont accéléré la poussée de l’extrême droite : « La surface de production du chasselas a diminué de moitié en vingt ans, au profit des pommes, pêches, abricots… et d’une agriculture intensive. » Les propriétaires de ces stations fruitières, qui font venir une main-d’œuvre immigrée, se targuent fréquemment de voter à l’extrême droite, selon plusieurs témoignages recueillis.

La paupérisation du centre-ville a aussi contribué au vote lepéniste. Aussi Estelle Hemmami a-t-elle fait de la lutte contre l’habitat dégradé sa priorité, avec le développement économique et la création d’un centre de santé, en complément de l’hôpital. Mireille Riol s’inquiète pour ce dernier : « Si Romain Lopez l’emporte, il sera aussi président du conseil de surveillance de l’hôpital. »

Bruno Vincens

(1)

Romain Lopez
@RLZ82

En réponse à

Maximilien, le pestiféré du #PCF82, agite le « no pasaran » Dis, l’abruti, pendant que ton parti appelait à fraterniser avec les nazis, mon arrière grand-pére mourait à 33 ans dans un camp de prisonniers avec l’uniforme de l’armée française sur le dos.


 

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