Remaniement. Emmanuel Macron met Matignon au pas

Samedi, au lendemain de sa nomination, Jean Castex s’est rendu dans l’usine X-Fab, à Corbeil-Essonnes, pour promouvoir le « travailler plus » macroniste. Jacques Witt/Sipa

Samedi, au lendemain de sa nomination, Jean Castex s’est rendu dans l’usine X-Fab, à Corbeil-Essonnes, pour promouvoir le «travailler plus» macroniste. Jacques Witt/Sipa

En nommant Jean Castex premier ministre, le chef de l’État entend reprendre ses réformes à marche forcée et se place en hyperprésident avant 2022.

Trop populaire. Trop d’influence à droite. Trop ambitieux. Édouard Philippe, crédité de 50 % d’opinions positives, ne pouvait pas rester à Matignon. Il risquait de faire de l’ombre à un président de la République déjà en campagne pour sa réélection. Emmanuel Macron a donc préféré s’en séparer, « d’un commun accord », nous dit-on. À sa place, il a préféré installer un illustre inconnu : Jean Castex, ancien « M. Déconfinement » de l’exécutif et délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Jupiter pousse à son paroxysme la monarchie élyséenne

Un exécutif à deux têtes ? Très peu pour Emmanuel Macron. Avec 2022 en ligne de mire, le chef de l’État occupera tout le terrain politique, laissant les miettes à un nouveau premier ministre au poids politique proche de zéro. Jupiter concentrera les pouvoirs, poussant à son paroxysme la monarchie présidentielle : il sera à la fois président, premier ministre et candidat. À peine nommé, le technocrate Jean Castex doit se défendre d’être le simple exécutant des décisions élyséennes. « Ma personnalité n’est pas soluble dans le terme de “collaborateur” », assure-t-il au Journal du dimanche (JDD). Il sera pourtant surveillé de près par deux proches d’Emmanuel Macron : Nicolas Revel et Mathias Ott. Le premier, ancien secrétaire adjoint de l’Élysée sous François Hollande que le président a tenté d’imposer sans succès à Édouard Philippe en 2017, est nommé directeur de cabinet et le second, conseiller « cohésion des territoires et logement » du chef de l’État, prend le poste de chef de cabinet. Le président de LR, Christian Jacob, pourtant ancien parti de Castex jusqu’à vendredi, voit déjà en lui un « non-premier ministre ».

Aucun virage à gauche, cap à droite

Ce changement à la tête du gouvernement est censé lancer l’acte II du quinquennat d’Emmanuel Macron. Un prétendu virage plus social et vert, dont le coup d’envoi devait être le discours présidentiel devant la convention citoyenne pour le climat. Beaucoup s’attendaient à un (léger) coup de barre à gauche, répondant aux aspirations exprimées par les Français aux élections municipales, avec une figure de l’écologie pour premier ministre. Il n’en sera rien. « Jean Castex est dans une parfaite continuité politique avec Édouard Philippe. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais marqué un quelconque intérêt pour le climat ou la biodiversité », tacle Yannick Jadot, eurodéputé EELV, qui ne semble pas croire un mot du mantra « agir pour l’environnement n’est pas une option, c’est une obligation », énoncé par le nouveau premier ministre dans le JDD.

Lire aussi : Emmanuel Macron choisit l’économie plutôt que le climat

Macron garde donc le cap à droite, et bien à droite. À Matignon, un élu local juppéiste laisse le poste à un élu local sarkozyste. Le choix de Jean Castex, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée et conseiller social de Nicolas Sarkozy, n’augure en rien une métamorphose de l’exécutif. Lors de sa première interview pour TF1, ce « gaulliste social », comme il aime à se définir, a exposé ses « valeurs » : responsabilité, laïcité et sécurité. Un triptyque bien loin de la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité ».

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Au cœur d’une crise sanitaire sans précédent et avec des soignants à bout de nerfs alors que les négociations sur le Ségur de la santé s’enlisent, Jean Castex aurait pu réserver la primeur de sa première visite à l’hôpital public. Mais il a choisi un autre symbole : se rendre dans l’usine de semi-­conducteurs X-Fab, à Corbeil-Essonnes, pour être le visage du « travailler plus » macroniste, et ainsi promouvoir la « relance économique ». « La rentrée sera très dure », a d’ailleurs prévenu le président comme pour préparer le terrain à son offensive sur le Code du travail, vendredi dernier, dans un entretien à la presse quotidienne régionale. « Nous ne pouvons pas être un pays qui veut son indépendance, la reconquête sociale, économique et environnementale et être un des pays où on travaille le moins tout au long de la vie en Europe », avertit-il.

Vieilles recettes libérales et nouvel acte de décentralisation

« Le cap sur lequel je me suis engagé en 2017 reste vrai », persiste le chef de l’État. Dans cette interview, il fixe la feuille de route qu’il confie à son futur gouvernement, avant même la nomination de Castex : santé, grand âge et dépendance, jeunesse et égalité des chances, relance économique et emploi. Pour répondre à de nouveaux maux, Macron garde les mêmes recettes libérales, la réforme des retraites en tête (voir encadré). Autre gros morceau pour lequel le premier ministre, en tant que maire de Prades (Pyrénées-Orientales), a été recruté : un nouvel acte de décentralisation. « Je suis favorable à ce qu’on ait plus de différenciations, parce que je pense que cela correspond à la fois à la demande des collectivités territoriales et au besoin des territoires », a déclaré le président.

Jean Castex aura donc pour rôle de mettre en œuvre les desiderata de l’hyperprésident Emmanuel Macron, dans la droite lignée de la politique menée depuis trois ans. Et il ne devrait pas trop avoir à forcer sa nature technocratique pour le faire. Le « nouveau chemin » dessiné par le chef de l’État ressemble donc de plus en plus à une impasse…

Emilio Meslet

La réforme des retraites toujours sur les rails

Face à la rue, Emmanuel Macron est resté inflexible sur sa réforme des retraites. Le Covid-19 n’a rien changé. « Il n’y aura pas d’abandon. Je suis ouvert à ce qu’elle soit transformée », a-t-il dit à la presse régionale. Un dossier que Jean Castex veut régler « à court terme ». De quoi agacer Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : « S’il s’agit de nous dégoter un premier ministre qui met en œuvre la même politique libérale et valide cette réforme, pas la peine de faire tant de bruit ! »


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