Les perturbateurs endocriniens en question

La commission des affaires européennes du Sénat préconise d’appliquer le principe de précaution, qui consiste à interdire toutes substances présumées perturbateurs endocriniens. Photo : Robert Kluba/Réa

La commission des affaires européennes du Sénat préconise d’appliquer le principe de précaution, qui consiste à interdire toutes substances présumées perturbateurs endocriniens. Photo : Robert Kluba/Réa

L’Union européenne doit tenter, aujourd’hui, de se mettre d’accord sur une définition des perturbateurs endocriniens, ce qui permettrait de prendre des mesures réglementaires pour limiter leur impact.

C’était en décembre dernier. La Commission européenne devait voter – enfin – un texte pour réglementer les perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui troublent le fonctionnement hormonal des êtres vivants et représentent donc un risque majeur pour la santé et l’environnement. Mais faute de recueillir une majorité au sein des États membres, le vote a été repoussé. Un nouveau texte, suivi d’un possible vote, devrait être à nouveau présenté aujourd’hui par la Commission européenne.

De quoi est-il question exactement ? L’enjeu est d’adopter une définition des perturbateurs endocriniens qui permettrait de rendre effectives les mesures réglementaires sur les pesticides, votées en 2009. Celles-ci prévoyaient qu’une substance ne pouvait être approuvée que si « elle n’est pas considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour les organismes non ciblés ». Or la dernière proposition de la Commission, inspirée par des études sponsorisées par l’industrie, stipulait que les pesticides conçus pour être des perturbateurs endocriniens soient l’objet d’une dérogation… En outre, la proposition de définition demandait un niveau de preuve (de nocivité) tellement élevé qu’il était susceptible de ne jamais être atteint.

Ce qui fait débat, ce sont donc les exigences du niveau de preuve demandé pour établir s’il y a effet sanitaire. La logique de la loi de 2009 du Parlement européen est une logique de gestion par le danger, c’est-à-dire une logique d’exposition zéro aux substances qui auront été définies comme perturbateurs endocriniens. Les industriels lui opposent une logique de gestion par le risque, c’est-à-dire une logique de dose limite au-dessus de laquelle ne pas être exposé.

Des risques de cancers du sein et de la prostate…

Dans la perspective de ce nouveau vote, la commission des Affaires européennes du Sénat a adopté une résolution, le 18 janvier dernier, espérant que le gouvernement soutiendra leurs orientations auprès de la Commission européenne. Elle préconise d’appliquer le principe de précaution qui consiste à interdire, outre les perturbateurs endocriniens avérés, les substances présumées perturbateurs endocriniens dans le but de protéger la santé publique et ce, sans attendre une démonstration scientifique. Cependant, les sénateurs ne suivent pas l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et de l’environnement qui préconisait une troisième catégorie, les perturbateurs endocriniens suspectés, jugeant qu’elle était trop peu étayée scientifiquement et aurait pour conséquence « de diminuer la production et la rentabilité des exploitations agricoles ».

« Les perturbateurs endocriniens peuvent provoquer des cancers du sein et de la prostate et sont d’autant plus dangereux qu’ils sont omniprésents dans la nourriture, l’eau, les produits phytosanitaires, les biocides mais aussi les crèmes et les cosmétiques », rappelle la sénatrice (PS) du Haut-Rhin, Patricia Schillinger. La commission des Affaires européennes demande donc que l’on puisse s’appuyer sur des études reconnues par les scientifiques mais qui ne font pas encore l’objet d’une standardisation internationale. Pour ce faire, les élus « encouragent la création d’un groupe international et de haut niveau qui permette aux décideurs de disposer d’informations objectives sur les perturbateurs endocriniens ». « Une sorte de Giec, comme pour le climat », précise Jean Bizet, sénateur (LR) de la Manche et président de la commission des Affaires européennes. C’était d’ailleurs aussi la conclusion de la centaine de chercheurs qui ont publié une tribune dans le Monde en novembre, dans laquelle ils dénonçaient les atermoiements de la Commission européenne et la « fabrication du doute » sur la dangerosité de ces substances par le lobby de l’industrie.

Les connaissances scientifiques (il existe plus de 1 300 études indépendantes) semblent en effet suffisantes pour mener une action forte contre les perturbateurs endocriniens. « L’Union européenne a l’occasion unique de montrer qu’elle se soucie réellement de la santé de ses concitoyens », insiste François Veillerette, président de l’ONG Générations futures, qui alertait, mi-janvier, sur le fait que les perturbateurs endocriniens sont aussi présents dans l’eau du robinet…

Alexandra Chaignon, Rubrique Une planète et des hommes

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