Délinquants Solidaires : « Ce qui nous rassemble, c’est le refus de l’intimidation »

Ce jeudi 9 février,  place de la République à Paris ils étaient plusieurs centaines, militants associatifs, travailleurs sociaux, syndicalistes ou simples citoyens à s’être rassemblés à l’appel d’un collectif de plus de 400 organisations afin de protester contre le délit de solidarité.

« Si la solidarité avec les étrangers est un délit, alors nous sommes tous délinquants », tel était le mot d’ordre de ce rassemblement  qui s’inscrivait dans le cadre de trois jours de mobilisation citoyenne dans plusieurs villes de France. A l’heure où le rejet des étrangers et le « contrôle des flux », s’impose dans les discours politiques et médiatiques, et s’agissait de faire la démonstration que les citoyens n’adhèrent pas à ces idées et prônent un accueil digne et humain.
Par un froid vif, tandis que des groupes de jeunes réalisaient des fresques et des banderoles et que des dizaines de participants arboraient des pancartes indiquant « Délinquant solidaires », au  micro plusieurs responsables de la Cimade, d’Emmaüs et d’autres organisations à l’initiative de cette manifestation se sont succédé pour en expliquer le contexte.
« Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers les exilés, Roms, sans-papiers… Au-delà, c’est le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l’expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble de l’ordre public », précise Geneviève Jacques, la présidente de la Cimade.
Une corde rouge serpentait parmi la foule à laquelle chacun était invité à s’attacher symboliquement.
Effectivement le nombre de citoyens arrêtés, placés en garde à vue, et contre lesquels des procès sont intentés parce qu’ils ont aidé des migrants ne cesse d’enfler de manière dramatique, et les quelques cas médiatisés comme celui de Cédric Herrou, symbole de l’acharnement judiciaire, en cachent en réalité bien d’autres. Plus d’une dizaine de procès sont encore en cours et depuis juin 2015 les associations ont dénombré une trentaine de procédures judiciaires, garde à vue et intimidations en tous genres, visant des personnes ayant apporté de l’aide ou du secours à des personnes en détresse.
Si l’article 622-1 vise à lutter contre les filières de passeurs et contre ceux qui profitent, de près ou de loin, du trafic d’êtres humains. A plusieurs reprises, les associations ont pourtant dénoncé une utilisation de cet article contre des citoyens. « Le fait d’avoir aidé une personne, sans s’inquiéter de savoir si elle était ou non en situation irrégulière, ne devrait pas pouvoir être puni », dénonce Violaine Carrère, chargée d’études au GISTI, le groupe d’information et de soutien des immigrés.

Certains « délinquants solidaires » étaient présents pour témoigner ce jeudi matin place de la République.  Ils ont apporté leurs témoignages, qui prouvent l’inventivité des autorités qui diversifient toujours davantage les motifs d’interpellation et inventent de nouveaux chefs d’accusation pour condamner les actions solidaires.
Parmi eux, Ibtissam Bouchaara, l’éducatrice spécialisée aujourd’hui menacée de licenciement pour avoir alerté sur les conditions indignes réservés à aux jeunes mineurs étrangers du foyer Bellevue, à Châlons-en-Champagne où le 6 janvier dernier, un jeune Malien, Denko Sissoko, est décédé après s’être jeté de la fenêtre de sa chambre. « Je ne regrette pas mes propos », affirme avec détermination la jeune femme qui risque de perdre son emploi.
Avant elle, c’est un monsieur d’une soixantaine d’année, venu du Havre qui a témoigné : ce militant de la LDH a signé en 2011, une attestation de logement à  une personne dont la demande de titre de séjour était en cours d’examen. Depuis plus de cinq ans, il subit un véritable acharnement judiciaire…
Venu d’Angleterre, Rob Lawrie, qui a été jugé en France pour avoir tenté de faire passer une fillette Afghane de 4 ans de la jungle de Calais en Angleterre, était aussi présent pour apporter son témoignage. Il a conclu son intervention par ses mots : « quand la loi est injuste, les citoyens ont le devoir de la changer. »
Un appel à la résistance citoyenne très applaudi. Et, assurément suivi d’actions. Car tous l’ont rappelés : « Ce que nous risquons n’est rien par rapport à ce qu’ont vécu ceux qui, fuyant les guerres, les persécutions ou la misère, ont risqué leur vie pour atteindre l’Europe. »
Et tout particulièrement la France dont la tradition d’accueil, a(vait ?) fait le pays des droits de l’Homme.
 Eugénie Barbezat, Journaliste

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