Le courriel, particulièrement injurieux et suintant la haine, a été posté anonymement le mardi 7 février à l’adresse de Carole Delga via un formulaire de contact du site internet de la région. Ce message à l’orthographe approximative est ainsi rédigé : «honte à toi Carole Delga qui ose enlever le micro à un élu du Front national. Cette info sera relayée dans tous les médias, bande de pourris, de gauchiasses. Vous êtes une honte pour la France et un jour, on vous massacrera tous, socialos de merde, en espérant que la famille Delga se fasse égorger dans un attentat».
Son auteur fait référence à un incident qui s’est produit la semaine dernière lors d’une séance plénière du conseil régional à Montpellier. Un élu lotois du FN, Emmanuel Crenne, avait revisité l’histoire en lançant aux socialistes : «vos prédécesseurs ont voté les pleins pouvoirs à Pétain», avant que la présidente ne lui coupe le micro, suscitant l’indignation des élus régionaux du FN (lire ci-dessous) et une avalanche d’injures sur les réseaux sociaux.
Face aux menaces proférées par l’auteur du message, la région Occitanie a déposé une plainte contre X au commissariat du Mirail, à Toulouse, pour «outrage à une personne chargée d’une mission de service public», et «menaces de mort matérialisée par écrit, image, ou autre objet».
Tout au long de la journée d’hier, les réactions de soutien venues de tous les bords politiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux, à commencer par les élus de gauche.
De nombreux messages de soutien
Nadia Pellefigue (PS) et Sylvia Pinel (PRG), vice-présidentes du conseil régional, ont apporté son «soutien total» à Carole Delga, «mobilisée à ses côtés pour combattre avec détermination l’extrême droite et ses pratiques nauséabondes».
Les élu-e-s du groupe Socialiste, Républicain et Citoyen ont tenu à manifester leur soutien sans faille à la Présidente et à rappeler leur pleine mobilisation contre les idées porteuses de haine et de violence.
A droite, Jean-Luc Moudenc (LR) a tweeté : «Honte aux auteurs, lâches car anonymes, des menaces de mort contre @CaroleDelga. Je souhaite qu’ils soient rapidement identifiés».
«Je ne me laisserai pas impressionner»
Le Front national a également pris ses distances avec l’auteur des menaces, qualifiées «d’ignobles» par Emmanuel Crenne, selon qui il doit «être recherché et condamné à la peine maximale».
Joint par téléphone hier, la présidente de la région n’a pas souhaité commenter cette affaire, se contentant d’expliquer qu’elle ne se laisserait pas impressionner et qu’elle continuerait à travailler au service de ses concitoyens. Une enquête est en cours pour tenter de retrouver l’auteur de ce courriel.
Sursaut
D’aucuns trouveront peut-être à ricaner de ce qui arrive à la présidente socialiste de la Région Occitanie. La vie politique, il est vrai, est faite de passions, d’emportements, d’outrances, de prise à partie et parfois d’insultes vociférées dans les hémicycles, de la plus petite commune jusqu’à l’Assemblée nationale. «La démocratie, c’est aussi le droit institutionnel de dire des bêtises», soupirait d’ailleurs François Mitterrand.
Mais dans cette affaire, nous sommes dans un tout autre registre que le débat musclé. Le courriel haineux qu’a reçu Carole Delga est tout sauf anodin et ne doit pas être pris à la légère. Par ses propos orduriers, par son ton belliqueux, par les menaces de mort explicites lancées à un élu de la Nation, c’est la démocratie que l’on atteint. De tels propos, ignobles, ne peuvent rester sans réponse et Carole Delga a évidemment eu raison de porter plainte.
Mais les menaces reçues par la présidente de la Région s’inscrivent aussi dans un inquiétant mouvement observé depuis déjà plusieurs mois, en France comme à l’étranger. Un mouvement exacerbé par la présidentielle. Un mouvement parfois encouragé par les ambiguïtés de ceux qui s’arrangent avec la simple vérité des faits. Un mouvement dont le vocabulaire que l’on croyait réservé à des groupuscules extrémistes s’étend de tweets en tweets sur les réseaux sociaux, sur l’air du «tous pourris» appliqué aux politiques, aux médias, aux femmes, etc. Face à ce déferlement de haine qui veut diviser les Français, il est temps que vienne le temps d’un sursaut et que s’exprime la majorité qui se reconnaît dans les valeurs de la République.
«L’incident de trop» en séance plénière
«Cet incident est l’incident de trop, avait déclaré Carole Delga, après le clash avec un élu régional FN. Vendredi dernier, lors d’une assemblée plénière à Montpellier, Carole Delga sortie temporairement était revenue dans l’hémicycle au moment ou cet élu, Emmanuel Crenne, lançait : «Mon arrière-grand-père a fui le fascisme en Italie (…) et figurez-vous que mon grand-oncle est mort fusillé par les SS alors que vous, les socialistes, vos prédécesseurs ont voté les pleins pouvoirs à Pétain».
La présidente du conseil régional s’était alors dirigée vers l’élu et avait coupé son micro avant de suspendre la séance, provoquant l’indignation des élus du Front national. «Face à l’ignominie, il faut avoir des actes forts» avait-elle déclaré. Et d’ajouter : «depuis un an, des insultes sexistes, des propos nauséabonds, des attaques personnelles sont prononcés. Certains conseillers régionaux cherchent à créer volontairement des incidents».
Elle avait également dénoncé «une stratégie politique condamnable destinée à faire le buzz. Je le dis avec force : notre assemblée, au sein de laquelle l’expression est libre, ne peut être le lieu de débats politiciens ou historiques, avec la tentation de refaire l’Histoire ou les élections régionales».
En évoquant le vote des «prédécesseurs» de Carole Delga, l’élu a en effet quelque peu revisité l’histoire. Selon l’historien Olivier Wievorka, spécialiste de la seconde guerre mondiale, «La SFIO (l’ancêtre du Parti socialiste, NDLR) a finalement eu le taux de Résistance le plus important parmi les partis représentés à l’époque au sein de l’Assemblée nationale» lors du vote du 10 juillet 1940.
En outre, de nombreux parlementaires socialistes ou radicaux élus dans l’actuelle région Occitanie, parmi lesquels Vincent Auriol (député de la Haute-Garonne), Vincent Badie (député de l’Hérault), Léon Blum (député de l’Aude), Jules Moch, (député de l’Hérault qui sera déporté), ou Paul Ramadier (député de l’Aveyron) ont, le 10 juillet 1940, précisément refusé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, certains ayant ensuite rejoint la résistance.
L’épisode mouvementé de vendredi dernier traduit aussi l’ambiance particulièrement électrique depuis le début du mandat entre les 40 élus du groupe FN et Carole Delga, qui n’a jamais caché son combat contre les idées de l’extrême-droite.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.