Miguel Hernandez : « Ce que réclament les gens à Aulnay, c’est d’abord du travail »

Pour l'élu communiste Miguel Hernandez" personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants." Photo : François Guillot/AFP

Pour l’élu communiste Miguel Hernandez » personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants. » Photo : François Guillot/AFP

Elu PCF au conseil municipal d’Aulnay-sous-Bois, Miguel Hernandez revient sur la caractère sécuritaire de la politique mise en place par le maire (LR) Bruno Beschizza et sur la souffrance de ses quartiers les plus touchés par le chômage.

Comment avez-vous réagi à l’agression du jeune Théo ?

Miguel Hernandez. Je condamne bien sûr la façon inqualifiable dont la police est intervenue sur ce jeune homme. C’est ignoble car on a atteint quelqu’un dans sa chair et dans sa dignité. Son attitude et celle de sa famille est très digne, très responsable, et j’espère que cela aidera à ce que justice aille vite. Personne n’a intérêt à l’escalade, parce que si les quartiers sont en feu, les premières victimes seront leurs habitants. Cette situation n’est pas nouvelle. Nous avons eu plusieurs incidents à Aulnay. En 2012, un jeune est décédé à la cité Balagny. En juillet 2013, il y a eu aussi une intervention des forces de police dans la cité de l’Europe, avec des tirs de flash ball. Le problème, en réalité, c’est la façon dont la police intervient: toujours violente pas forcément ciblée. Evidemment, je suis favorable à ce qu’on arrête les délinquants ; mais bien souvent, autour d’eux, beaucoup de gens subissent les conséquences de ces interventions violentes.
Comment jugez-vous l’attitude du maire ?
Miguel Hernandez. Bruno Beschizza n’est pas n’importe qui. C’est un ancien policier, ex secrétaire général d’un syndicat (Synergie) de droite. Aujourd’hui délégué sécurité des Républicains, il a fait d’Aulnay la tête de pont de la politique de reconquête de la droite en Seine saint Denis. C’est pourquoi il ne peut pas se permettre aujourd’hui que ça pète. Mais sur la ville, sa politique est surtout sécuritaire et d’affichage. Il a doublé les effectifs de police municipale, qui est active sept jours sur sept et 24 heure sur 24. Cette police est surarmée : gilets de protections, matraques télescopiques, bombes lacrymogènes, et même un pistolet spécial. Le maire souhaite aussi, à terme, installer 300 caméras de surveillance, c’est à dire une tous les 600 mètres. Il a aussi remis en place un centre urbain de supervision. Il dit que comme la police nationale ne joue pas son rôle, il met en place une police municipale. Mais celui qui a supprimé la police de proximité et réduit les effectifs de la police nationale, c’est quand même son mentor, Nicolas Sarkozy !
Comment agit la police municipale sur le terrain?
Miguel Hernandez. C’est quand même une police un peu particulière, aux ordres d’un exécutif politique. Elle intervient sur les missions que le maire définit. Ce n’est pas une police préventive ni une police qui accompagne les gens. C’est une police qui sert à courir derrière les délinquants. Et aussi, comme on l’a vu dernièrement, à arrêter des opposants qui protestaient contre la décision du maire de censurer une campagne de prévention anti-sida. C’est elle aussi qui interpelle les Rom parce qu’ils mendient – jusqu’à ce que l’arrêté anti mendicité du maire ne soit cassé. Cette police sert aussi à verbaliser les réfugiés syriens qui font la manche aux carrefours de la ville, sous prétexte qu’ils ne sont pas sur des passages piétions. Voila une partie des missions de la police municipale, aujourd’hui à Aulnay sous bois…
Cette politique a eu un coût. Quelles en sont les conséquences ?
Miguel Hernandez. C’est difficile à évaluer complètement mais ça représente pas mal d’argent. Par exemple, la police municipale, c’était 3 millions d’euros en 2015, rien qu’en salaires sur un budget global pour la ville de 200 millions d’euros. Faire ce choix sécuritaire quand on a un budget doublement contraint, d’un côté par des baisses de dotations de l’Etat, et de l’autre, par le dogme de la non augmentation des impôts locaux, cela oblige à faire des économies ailleurs. Ca s’est traduit par pratiquement plus aucun investissement en équipement sur la ville. Les subventions allouées aux associations, qui font du lien social dans les quartiers, ont aussi été réduites de 5% par an. Sans parler de la privatisation de certains services : deux crèches sur huit sont ainsi passées en délégation de service public. Et ce sera bientôt le cas pour le nouveau centre nautique.
Que faudrait-il faire dans ces quartiers ?
Miguel Hernandez. Ce sont des quartiers qui ont été mis en politique de rénovation urbaine. C’est très bien, sauf qu’on ne peut pas se contenter de remettre un coup de peinture et de disperser les populations les plus paupérisées. On a investi des millions d’euros dans le quartier de la Rose des vents, mais le chômage n’y a pas baissé. Les gens tiennent toujours les murs et le pouvoir d’achat des familles est resté le même. Les questions sociales n’ont pas évolué. C’est pour ça que chaque fois qu’il y a une montée d’adrénaline dans les cités, ça fait ressurgir toute cette difficulté de vie que la rénovation urbaine n’a pas modifié en profondeur. Quand on demande aux gens ce qu’ils veulent, ils répondent d’abord : « Je veux du travail ».

Camille Bauer, Journaliste rubrique Société

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