La Saint-Valentin célèbre les couples et l’amour, mais dans une relation, même en 2017, il est parfois encore question de violences plus que d’amour.
À l’occasion du 14 février, la fête des amoureux, un collectif féministe agissant en soutien au site ilsnoustuent.org s’est réuni ce matin devant le palais de justice à Paris, pour rappeler que l’amour n’est pas une circonstance atténuante… d’un meurtre.
En 2014, en France, 118 femmes sont mortes à la suite des violences conjugales, 122 en 2015 et au moins 119 en 2016, soit une femme qui meurt des mains de son compagnon tous les trois jours.
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Derrière ces chiffres, des noms, des personnes et des situations différentes mais un constat qui lui ne bouge pas.
Quand les violences faites aux femmes sont décrites de manière glamour, façon « crime passionnel »
Je suis allée à la rencontre de ces féministes qui se sont réunies devant le palais de justice. Sur place, Fatima, 33 ans et porte-parole du collectif des Effronté-e-s m’explique :
« Le 14 février, c’est l’occasion de faire parler des violences faites aux femmes. En général, ce que l’on retrouve dans les médias, le cinéma, la littérature, les opéras… c’est la notion de « crime passionnel », summum de l’amour et de l’érotisme.
C’est Johnny Hallyday qui chantait d’ailleurs « Je l’aimais tant que pour la garder je l’ai tuée ».
Il y a une glamourisation, une érotisation des violences faites aux femmes, qui entretient l’idée qu’il s’agit d’amour. On ne voit pas le sang couler quand on en parle de cette façon. »
Il s’agit donc d’une part de rappeler que les euphémismes romantiques de violences conjugales façon « drame passionnel » sont dommageables, comme l’illustrait le Tumblr Les mots tuent.
Or, dans une relation amoureuse, une vraie, la violence n’a pas sa place, quelle qu’elle soit (physique, psychologique, économique…).
Chaque année, en moyenne, 223 000 femmes sont victimes de violences conjugales, et les plus jeunes femmes sont surexposées à ce risque, selon ce rapport de l’Observatoire national des violences faites aux femmes.
Interpeller la justice sur le sujet des violences faites aux femmes
Mais alors pourquoi choisir de se réunir devant le palais de justice, si le problème concerne la société toute entière ? Pour Fatima, il y a aussi une responsabilité particulière de la justice :
« Quand on est victime de violences conjugales, c’est plutôt au monde de la justice que l’on a affaire, c’est cet organe qui a les meilleurs leviers.
Mais c’est aussi à la justice de se poser les bonnes questions : on estime que seules 15 à 18% des femmes concernées portent plainte contre leur conjoint violent.
Pourquoi un pourcentage si bas, comment ces femmes sont-elles accueillies ? Sont-elles crues ou culpabilisées ?
Ce n’est pas tout, nous souhaitons aussi voir la justice respecter les engagements de la France pris à la Convention d’Istanbul [voir paragraphe ci-dessous, NDLR].
À titre d’exemple, cette convention a interdit de proposer une médiation quand il y a des cas de violences conjugales.
Pourtant, l’an dernier, une femme a été brûlée vive par son compagnon, alors qu’une semaine avant elle avait porté plainte contre lui, et la seule chose qui lui avait été proposé, c’était une médiation. »
Il incombe à l’État, sous peine d’être en faute, de lutter efficacement contre cette violence sous toutes ses formes en prenant des mesures pour la prévenir, en protégeant les victimes et en poursuivant les auteurs. »
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Un manque de moyens dans la lutte contre les violences faites aux femmes ?
La lutte contre les violences faites aux femmes souffre-t-elle d’un manque de moyens ? Pour Fatima, c’est même l’une des principales barrières :
« On avait popularisé, l’an dernier, le chiffre de 0,0066% du budget de l’État qui correspond à la part allouée aux droits des femmes en général, avec donc une proportion encore plus faible pour la lutte contre les violences faites aux femmes.
Mais ce n’est pas le seul frein, l’affaire Jacqueline Sauvage a également été assez révélatrice, car dans cette situation, tout le village savait ce qu’il se passait au domicile Sauvage. Il y a une sorte de tolérance sociale à ce sujet.
Dans tel village, tel quartier, tel immeuble, on sait que Monsieur frappe Madame, « mais bon, ce sont leurs affaires privées ».
Ce sont surtout ces deux éléments qui font que le nombre de décès de femmes liés à ces violences reste assez inébranlable d’années en années. »
Au pied des manifestantes, sur chaque feuille, le nom et l’identité d’une femme morte des mains de son compagnon en 2016
Parler des violences conjugales, encore et toujours
Le premier pas à faire pour la lutte contre les violences faites aux femmes, ce serait donc avant tout d’en parler, et pas qu’à l’occasion du 25 novembre (la journée internationale dédiée), mais à chaque fois que la société tend à oublier la réalité de ces milliers de femmes (et de ces hommes). Et Fatima de conclure :
« Si le 14 février était si propice pour rendre visible la question des violences faites aux femmes, c’est parce que les fêtes liées aux femmes ou aux couples (fête des mères, 8 mars, Saint-Valentin…) sont aussi l’occasion pour une société consumériste de revenir vers le sexisme.
Paradoxalement, le 8 mars est la journée où l’on observe le plus de pubs sexistes, comme celles qui prônent d’offrir des fleurs et du chocolat, alors que c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ! »
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