Texte collectif. Combien de Théo souffrirons-nous encore ? Parce que ça ne peut plus durer, parce que rien ne se fera sans implication citoyenne, nous lançons aujourd’hui cet appel : Debout pour la justice et l’égalité !
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Un témoignage nous hante depuis le 2 février : celui d’un jeune travailleur aulnaysien hospitalisé depuis lors, Théo Luhaka. Les constats médicaux sont dramatiquement clairs : le jeune homme est blessé au niveau du visage et du crâne, porte « une plaie longitudinale du canal anal » et a subi une « section du muscle sphinctérien », ce qui a nécessité une prescription de 60 jours d’incapacité totale de travail. Une matraque l’a atteint gravement sur une dizaine de centimètres, ce qui pourrait entraîner une infirmité permanente. Nul doute que la vie de Théo Luhaka est bouleversée à jamais.
Qui est responsable de ce crime abject, de ce viol intolérable ? Le témoignage de Théo Luhaka, appuyé par de nombreuses vidéos, est sans appel : des fonctionnaires de police, chargés d’assurer la sécurité de notre peuple, sont accusés. Et remontent ces mots d’Émile Zola : « La France a sur la joue cette souillure » (« J’accuse »). Assurément, on ne saurait sombrer dans les amalgames visant à faire penser que tous les policiers du pays sont des violeurs en puissance ou des complices malfaisants. Cependant, 12 ans après la mort de Zyed et Bouna fuyant des forces de police perçues comme des agresseurs à Clichy-sous-Bois, quelques mois après celle d’Adama Traoré dans le Val-d’Oise, nul ne pourra plaider le « dérapage d’individus isolés », le nuage égaré dans un ciel serein.
La situation est grave et appelle une réaction.
En premier lieu, la justice doit faire son travail, tout son travail, avec la fermeté qui s’impose.
Le viol n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Il est, selon l’article 222-23 du Code pénal, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». On le sait, le sentiment d’impunité face au viol et aux violences sexuelles en général est massif. Il est difficile d’en parler, d’être pris au sérieux par les autorités lorsqu’on se décide à porter plainte, a fortiori quand l’accusé est un agent des forces de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions. Nous saluons le courage de Théo et nous mettons en garde tous ceux qui minimisent ce crime qu’est le viol : banaliser le viol nous met en danger toutes et tous.
Le racisme n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Un fonctionnaire de police, en aucun cas, quelles que soient les circonstances, quelle que soit la personne à laquelle il s’adresse, ne peut proférer d’injures racistes. Non, « bamboula », ça ne reste pas « à peu près convenable » comme l’a prétendu un policier du syndicat Unité SGP Police. Ces paroles qui minimisent et justifient l’intolérable sont une honte pour ceux qui les prononcent et pour ceux qui ne les condamnent pas ; elles disent aussi la profondeur du problème raciste qui concerne, on est contraint de le constater, plus que quelques individualités policières marginales. Le racisme est une arme de destruction massive : quand on est au service de la République, on ne le minore pas, on le combat avec la dernière des énergies.
L’homophobie n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Des humoristes en quête d’audience croient utile à leur carrière de faire rire sur ce drame et de donner dans une homophobie tranquille, associant viol et relation homosexuelle. C’est abject. Théo a été victime de sévices et d’insultes (« fiotte », « salope ») qui n’ont rien d’une relation homosexuelle mais tout d’un sadisme phallocratique.
La discrimination n’est pas une anecdote, un malentendu, un accident. Comment ne pas constater que ces abominations ne concernent pas indistinctement tous les habitants de notre pays ? A-t-on jamais entendu qu’un vieux banquier du 7e arrondissement de Paris avait eu l’anus accidentellement ravagé par une matraque policière lors d’un contrôle d’identité impromptu ?
Ça suffit ! Ne laissons pas faire. Le peuple de France a fait 3 Révolutions, a fait surgir la Commune de Paris, a lutté dans la Résistance et mené tant de combats pour que ce mot figure au plus haut : l’égalité.
Ce chemin révolutionnaire et républicain, tout montre que nous nous en sommes écartés. Il est grand temps de le reprendre. C’est un nouveau contrat qu’il faut forger, entre la police républicaine et notre peuple, entre les citoyens de ce pays quels que soient leur passé, leur couleur, leur sexe, leur lieu de vie, leur classe. C’est urgent et ça ne se fera pas sans notre implication déterminée : debout pour la justice et l’égalité !
Premiers signataires :
Guillaume Roubaud-Quashie (professeur d’histoire-géographie, directeur de La Revue du projet), Gilles Dehais (président de SOS Homophobie), Augustin Grosdoy (coprésident du MRAP), Emmanuelle Piet (présidente du Collectif féministe contre le viol), Suzy Rojtman (coporte-parole du CNDF), Louis-Georges Tin (président du CRAN), Abdelkrim Branine (rédacteur en chef de BEUR FM), Frédéric & Guillaume Coyère (graphistes), Didier Daeninckx (écrivain, prix Goncourt de la nouvelle 2012), Seloua Luste Boulbina (philosophe), Alain Ruscio (historien), Alice Zeniter (écrivaine, prix littéraire de la Porte Dorée 2010), Malik Zidi (acteur, César 2007), Éliane Assassi (sénatrice de Seine-Saint-Denis), Hélène Bidard (maire adjointe de Paris), Sidi Dimbaga (maire adjoint de Bagneux), Camille Lainé (SG MJCF), Denis Ömur Öztorun (maire adjoint de Bonneuil-sur-Marne), Philippe Rio (maire de Grigny).
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