Risque de coup de froid en Atlantique nord

Le phénomène de transfert de chaleur vers la surface pourrait s’interrompre. Rezac/Réa

Le phénomène de transfert de chaleur vers la surface pourrait s’interrompre. Rezac/Réa
Jiri REZAC/REA

climat. Publiée jeudi, une étude du CNRS revoit à la hausse la probabilité d’un refroidissement rapide de l’Atlantique nord. Entretien avec l’un de ses coauteurs, Giovanni Sgubin (1).

Le risque de refroidissement de l’Atlantique nord est identifié depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous conduit à conclure qu’il est plus proche de nous qu’envisagé ?

Giovanni Sgubin Cette possibilité d’un refroidissement dans l’Atlantique nord avait, jusqu’à présent, toujours été étudiée au regard d’un éventuel ralentissement de la circulation des courants marins à grande échelle, la circulation thermohaline. La plus connue de ses composantes est le courant du Gulf Stream : il entraîne de l’eau chaude en surface au nord, et favorise ainsi la douceur climatique qui caractérise l’Europe. Puis il tombe en profondeur et repart vers le Sud. Une des possibilités étudiées consistait à envisager un ralentissement de cette circulation induite par le réchauffement climatique. Tout indique que ce processus serait lent. Notre étude, elle, porte sur la possibilité plus localisée d’un ralentissement du phénomène de convection en mer du Labrador. Et, dans ce cas, le processus pourrait être plus rapide.

Pouvez-vous nous le décrire ?

Giovanni Sgubin La mer du Labrador est située au sud-ouest du Groenland. Elle est un siège majeur de convection de l’océan Atlantique : pendant l’hiver, lorsque les températures de l’atmosphère sont très froides, les eaux superficielles, déjà relativement salées, donc denses, se refroidissent. Ce refroidissement augmente encore leur densité et elles finissent par tomber en profondeur. S’opère alors un mélange des eaux superficielles et de fond, plus chaudes. Tout cela conduit au final à un transfert de chaleur vers la surface. Le changement climatique va bouleverser deux choses : d’abord, la température va sensiblement augmenter. Mais surtout, du fait d’un accroissement des précipitations dans cette région, l’eau de surface va ­devenir moins salée. Cela va réduire sa densité. Passé un certain seuil, elle ne plongera plus au fond, et le transfert de chaleur n’aura plus lieu.

Quel impact cela peut-il avoir sur l’ensemble du climat ?

Giovanni Sgubin Si cette interruption de la conduction devait se produire, elle pourrait aboutir, localement, à un refroidissement brusque – en moins de dix ans – des eaux de surface qui perdraient 2 à 3 °C. Cela pourrait avoir des effets sur les températures des côtes ouest de l’Europe et est de l’Amérique du Nord. Nous avons étudié 40 modèles climatiques, dont 11 particulièrement fiables. Sept de ces 40 modèles, soit 17,5 %, montrent que cette interruption pourrait se produire. Parmi eux, 5 figurent au rang des modèles les plus fiables. Autrement dit, 45 % des modèles fiables nous indiquent qu’une baisse rapide des températures en Atlantique nord pourrait se produire avant la fin du siècle. Jusqu’alors, cette probabilité était quasiment nulle.

Complique-t-elle notre capacité à construire une stratégie d’adaptation aux bouleversements climatiques ?

Giovanni Sgubin Tous les modèles d’adaptation étudiés aujourd’hui se réfèrent à l’hypothèse d’un réchauffement de cette région. Cela dit, nos résultats n’augmentent pas profondément le niveau ­d’incertitude quant aux climats futurs : le Giec (Groupe intergouvernemental ­d’experts sur le climat – NDLR) le prend déjà en compte dans ses conclusions. Nous ne faisons qu’établir un lien entre cette incertitude et un phénomène ­océanographique.

(1) Océanographe-climatologue, EPOC, université de Bordeaux.
Marie-Noëlle Bertrand, Chef de rubrique Planète

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