Le Salon de l’agriculture fermera ses portes dimanche soir. Les visiteurs seront repartis emportant avec eux le souvenir des bêtes de concours, notamment les races bovines les plus lourdes et les mieux adaptées pour la production de viande. Les éleveurs retrouveront leurs fermes et les soucis du quotidien dont le plus inquiétant est le manque de rémunération du travail en raison de prix souvent trop bas pour couvrir les coûts de production.
Il faudrait aussi parler attaques contre l’agriculture comme des conséquences écologiques, aggravées par le libre échange et la politique de l’offre. Dans le premier cas, les syndicats Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale, FNSEA et Confédération paysanne ont publié cette semaine un texte commun pour constater que « le Salon international de l’agriculture semble être un occasion de choix pour plusieurs associations vegan d’intensifier leur campagne de culpabilisation des consommateurs et de stigmatisation des éleveurs ». Evoquant la situation difficile de l’élevage confronté à des prix trop bas les quatre syndicats déclarent : « Nous ne dénonçons pas le véganisme en tant que tel : chacun est libre de choisir le régime alimentaire qu’il souhaite pour lui-même. Mais le prosélytisme orchestré autour du véganisme n’est pas acceptable(…) l’élevage participe au dynamisme économique et culturel des territoires, façonne les paysages (…) Les protéines animales ont toute leur place dans notre équilibre alimentaire d’omnivore, comme l’affirment de nombreux médecins et nutritionnistes. Pour toutes ces raisons, nous n’acceptons pas les insultes proférées en direction des éleveuses et des éleveurs par une minorité de provocateurs à l’occasion du Salon de l’agriculture. Nous, syndicats agricoles, demandons ensemble le respect de nos métiers », dit le texte en conclusion.
Quelle part de protéines d’origine animale dans notre bol alimentaire ?
Chaque jour, les militants hostiles à la consommation de viande ont été présents aux portes du Salon pour développer leur propagande auprès du public. Cela ne pouvait que contrarier les éleveurs en proie à d’importantes difficultés économiques, qu’ils aient un troupeau de vaches laitières, de bovins à viande, de moutons, voire un élevage de porcs et plus encore de canards abattus en raison de la grippe aviaire. Toutefois, sans être des partisans du véganisme, il ne faut pas s’interdire de s’interroger aujourd’hui sur ce que doit être une part juste et raisonnable de protéines d’origine animale dans notre bol alimentaire en ce XXIème siècle marqué par le réchauffement climatique. Cela nous renvoie à d’autres questions relatives aux systèmes d’élevage mis en place, au commerce de la viande et aux accords de libre échange, à l’acceptation ou pas sur nos territoires de prédateurs comme le loup dont la prolifération peut faire reculer l’élevage écologique à l’herbe au profit d’un élevage en bâtiments où les animaux consomment plus de grain que d’herbe , ce qui augmente le bilan carbone de chaque kilo de viande.
Certaines de ces questions ont fait l’objet de la publication récente d’un petit document à l’issue d’une concertation qui s’est déroulée de l’année 2014 à la fin de 2016 entre l’Interprofession Bétail et Viande (INTERBEV) et les quatre organisations environnementales que sont France nature environnement, la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, Green Cross France et territoires, ainsi que WWF. Selon le ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, « la concertation menée a mis à jour de nombreux points d’accord sur les leviers à mettre en œuvre ». D’après le ministère, la demande de renforcement des politiques publiques en faveur de l’autonomie alimentaire et de la diminution des engrais se synthèse à travers un meilleur soutien au développement de la culture des protéagineux peut notamment être relevée. Cette proposition pourra nourrir les discussions qui viennent de s’ouvrir sur l’avenir de la Politique agricole commune », poursuit le ministère de Ségolène Royal. Mieux vaut pourtant ne pas attendre de miracle de ces discussions quand des pays comme l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne et quelques autres poussent plus que jamais au développement de l’élevage industriel des porcs, des volailles et des bovins en important toujours plus de nourriture du continent américain. Surtout que, parallèlement, les pays membres de l’Union mandatent la Commission européenne pour négocier des accords de libre échange avec les pays du Mercosur, mais aussi les Etats-Unis après avoir déjà conclu un accord avec le Canada pour qu’il vende plus de viande de bœuf et de porc en Europe.
Ne pas opposer le véganisme à l’élevage industriel
Notons encore qu’INTERBEV inscrit sa démarche commerciale dans une stratégie de l’offre toujours plus segmentée dans le but de gagner des parts de marché dans les différents segments du marché de la viande. Ce qui se traduit aussi par de promotions permanentes chez les distributeurs. Une telle stratégie va à l’encontre de la nécessité de parvenir à une consommation plus raisonnable de viande par an et par personne dans un pays comme la France. Autant le véganisme aboutirait à laisser l’herbe pourrir sur pied dans les zones non labourables si on ne produisait plus de lait et de viande issue des troupeaux laitiers de vaches de brebis et de chèvres, autant l’élevage industriel avec une alimentation du bétail toujours plus granivore servie à l’auge aura un bilan carbone toujours plus désastreux. Sur ce terrain là les désaccords subsistent entre l’Interprofession Bétail et Viande et les organisations environnementales.
Dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres, la politique de l’offre est désormais incompatible avec la lutte contre le réchauffement de la planète.
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