Nous appelons à placer La Poste sous protection citoyenne

Situation et avenir de La Poste

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Nous appelons à placer La Poste sous protection citoyenne

Notre groupe a tenu à demander l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat car la dégradation du service public postal est au cœur des préoccupations de nos concitoyens et des élus. Ce qui ne touchait encore il y a quelques années que les milieux les plus ruraux affecte aujourd’hui tout le territoire, sans distinction. Partout, nous rencontrons les mêmes luttes, qui associent les personnels, les élus et les usagers : nous avons pu le constater, tout à l’heure, devant le Sénat.

La direction de La Poste nous explique qu’il faut restructurer, pallier la baisse du courrier. D’ailleurs, si l’on en croit Philippe Wahl, P-DG du groupe, le courrier aura totalement disparu dans quinze ans. Déjà au cours de la décennie précédente, certains nous annonçaient que les courriers allaient disparaître, que le papier serait obsolète et que nous passerions au tout-numérique.

Nous ne nions pas une baisse du courrier, de l’ordre de 5,8 % en 2015. Pour autant, la couverture numérique n’est pas totale, loin de là, et le courrier a encore de l’avenir.

La couverture des zones blanches, au grand regret de tous, tarde à venir pour une simple et bonne raison : nous n’avons plus France Télécom, qui a été transformé en Orange. Un bel autocar vante la fibre optique aujourd’hui dans la cour du palais du Luxembourg, mais cela ne suffira pas à couvrir les zones blanches !

En l’absence d’opérateur public, il n’y a pas d’égal accès au réseau, il n’y a pas de solidarité. Si nous ne voulons pas faire de La Poste le nouveau France Télécom, nous devons agir.

Le constat est clair : La Poste organise aujourd’hui les funérailles du service public, avec l’assentiment de l’État.

En effet, au nom de la dématérialisation et de la transition vers le numérique, les services assurés en bureau de poste deviennent progressivement plus chers et sont de plus en plus pris en charge par des opérateurs privés.

Tout est organisé pour que les usagers ne se rendent plus dans les bureaux de poste : réduction des amplitudes horaires, fermetures sauvages pendant l’été, mises en travaux qui se terminent en une fermeture définitive. Même l’intérieur des bureaux de poste est pensé de manière que les usagers ne veuillent plus y venir. Progressivement, les machines ont remplacé les agents et les sièges ont disparu, alors que les files d’attente se sont allongées.

Or il est clair que les gouvernements successifs ont organisé, ou du moins laissé faire, cette dégradation du service public.

Au passage, saluons la sagacité de nos collègues députés, qui ont supprimé l’article 52 du projet de loi de finances pour 2017 visant à dématérialiser la propagande électorale d’ici aux élections législatives. L’adoption d’un tel article aurait eu pour conséquences la perte de 70 millions d’euros pour La Poste et un nouveau recul de la démocratie.

À cela s’ajoutent les retards de courrier, voire les non-distributions, que subissent quotidiennement les usagers. Ces dysfonctionnements sont la conséquence directe des restructurations et, notamment, de celle du tri postal. Ils ont des incidences pour les particuliers, pour nos collectivités, mais aussi pour les entreprises et l’attractivité du territoire.

À Montataire, ville dont je suis maire, en août, nous n’avons reçu quasiment aucun courrier, avant que tout ne nous arrive d’un coup, en deux jours, au début de septembre ; pour certains envois, on comptait jusqu’à 28 jours de retard ! J’ai reçu de nombreux autres témoignages de ce type. Par exemple, le courrier d’une entreprise arrive régulièrement dans la bonne rue, au bon numéro, mais pas dans la bonne commune ! Un cabinet d’huissiers de justice, excédé par les disparitions de courrier et les retards, qui impactent lourdement son activité, a déposé plainte.

Ces problèmes récurrents et inhérents aux multiples réorganisations de services, ainsi qu’à la précarisation des emplois, interrogent sur les missions de La Poste aujourd’hui. Le groupe propose en effet de nouveaux services : passer l’examen du code de la route – projet cher à M. Macron –, livrer des pizzas, prendre soin des personnes âgées, et j’en passe ! Son P-DG se targue d’en faire la « première entreprise de proximité humaine du pays ». Mais elle faillit à l’une de ses missions premières, à savoir distribuer correctement le courrier ; le peu de courrier qui lui resterait !

La même logique d’épuisement est appliquée pour la transformation progressive des bureaux de poste en « points de contact ». Oui, dans la novlangue postale, un bureau de poste est devenu un point de contact !

Pourtant, au même titre que la distribution du courrier, l’aménagement du territoire est l’une des missions de service public confiées à La Poste après la réforme de son statut, en 2009.

Le maillage territorial qui fait la force et la qualité du service public postal est toutefois sans cesse remis en cause. Les fermetures de bureaux continuent ; on les remplace par des « points de contact » ou des maisons non pas de service public, mais de services au public.

D’après le journal Les Échos, 46 % des points de contact seraient assurés par des structures autres que des bureaux de poste et payés, pour une partie d’entre eux, par les communes.

Nous pouvons pousser plus loin le parallèle avec France Télécom, au regard de la crise sociale que connaît le groupe La Poste.

Ces changements, ces restructurations permanentes, ont des conséquences terribles sur les agents de La Poste, qui est, rappelons-le, l’un des premiers employeurs de France.

Au moment même où nous débattons, des salariés, des syndicats, des usagers et des élus sont rassemblés devant le Sénat pour protester contre les fermetures de bureaux de poste et les réorganisations. Les personnels sont en grève, à l’appel de trois syndicats, la CGT, SUD et l’UNSA – certains sont présents dans les tribunes de cet hémicycle –, pour dénoncer les conditions de travail dégradées et les pressions subies par les salariés, conséquences directes des réorganisations. Toute la presse évoque aujourd’hui cette situation.

Pour preuve, huit cabinets d’expertise indépendants ont écrit à Philippe Wahl pour le mettre en garde quant à l’ampleur de la crise sociale à La Poste ; ils le préviennent de conséquences désastreuses pour la suite. Une copie de ce courrier a été adressée à la ministre du travail et au ministre de l’économie. Ils dénoncent : « Du courrier au colis, du réseau à la banque, les agents de La Poste subissent des réorganisations permanentes qui réduisent chaque fois les effectifs, et soumettent les agents qui restent à des cadences accélérées. »

D’après SUD-PTT, 20 % à 40 % des tournées sont intenables pour les facteurs, et les accidents se multiplient. Comment ne pas penser à cette jeune femme, dans le Nord, victime d’un accident vasculaire cérébral sur son lieu de travail, à qui l’on a imposé de finir son travail avant d’appeler les secours – le syndicaliste qui l’a aidée a en outre été sanctionné –, ou aux suicides de salariés, qui incriminent directement La Poste, mais ne font pas partie des indicateurs de suivi social ?

À notre connaissance, ni la ministre du travail, ni le ministre de l’économie ne sont intervenus.

L’État, en tant qu’actionnaire majoritaire, doit prendre ses responsabilités et agir afin de stopper cette course à la rentabilité financière, qui dégrade à la fois le service rendu aux usagers et les conditions de travail des agents et employés.

Puisqu’il est nécessaire d’engager une réflexion sur La Poste d’aujourd’hui et de demain, ce que nous ne nions pas, faisons-le avec le personnel, les élus et l’ensemble des usagers. Voilà qui serait une vraie démarche démocratique et participative !

En 2009, élus et militants socialistes étaient à nos côtés devant les bureaux de poste pour organiser une votation citoyenne sur la privatisation de La Poste. Deux millions de citoyens s’étaient prononcés contre la loi Estrosi.

Après bientôt un quinquennat, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’a fait ce gouvernement pour la défense de La Poste, à laquelle il semblait pourtant bien attaché lorsqu’il était dans l’opposition.

La renégociation de la directive européenne sur les services publics est un préalable à tout changement de statut de La Poste.

Le Président de la République s’était engagé à ce que soit adoptée, au sein de l’Union européenne, une directive sur la protection des services publics. On nous a tant vanté, à la suite des attentats ou de la crise de 2008, ces services publics, mais qu’en est-il de cette promesse ?

Dans un tel contexte, nous regrettons que l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, ait signé, aujourd’hui, le nouveau contrat proposé par les dirigeants de La Poste, qui va dégrader un peu plus la situation et enfermer les maires dans des choix qui n’en sont pas : avoir un « point de contact » ou une maison de services au public et payer pour cela, ou bien voir La Poste quitter la commune. Seuls les maires communistes ont fait part de leur désaccord avec ce contrat de présence postale territoriale 2017–2019 et ont voté contre, fidèles aux engagements qu’ils portent localement.

D’ailleurs, dans tout le pays, des manifestations d’élus ont lieu : dans l’Aude, derrière Serge Lépine ; dans la Sarthe, avec Gilles Leproust, maire d’Allonnes.

Lorsque nous parlons d’usagers, de services publics et de proximité, La Poste nous répond « clients », « entreprise » et « rentabilité financière ». Nous appelons à prendre une autre direction, celle de la rentabilité sociale. Pour nous, élus communistes, aujourd’hui assez de paroles, assez de discours, il faut passer aux actes !

La Poste a longtemps été une fierté pour nous tous. Aujourd’hui, nous appelons nos concitoyens à mettre La Poste sous protection citoyenne et nous les invitons, avec leurs élus, à refuser toutes nouvelles fermetures et toutes nouvelles suppressions d’emplois !

 


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