Drame de Lucas Belvaux
Avec Emilie Duquenne, André Dussolier …
Durée: 1h54
Synopsis: Pauline, infirmière à domicile, s’occupe seule de ses deux enfants et de son père. Elle est dévouée et généreuse. Profitant de sa popularité, les dirigeants d’un parti vont lui proposer d’être la candidate aux prochaines élections…
A voir sans restriction…..
L’article parut dans Telerama….
Une simple bande-annonce peut provoquer les foudres d’un parti politique. C’est le cas depuis, après la découverte par plusieurs cadres du Front national des premières images du nouveau long métrage de Lucas Belvaux, Chez nous, dont la sortie en salles est prévue le 22 février 2017.
La bande-annonce du film a notamment provoqué l’ire de Florian Philippot, numéro 2 du FN, et conseiller régional du Grand Est, qui a tweeté qu’un film « anti-FN » allait sortir « en pleine présidentielle ».
Encore plus virulent, l’avocat Gilbert Collard, secrétaire général du Rassemblement bleu marine, a osé la comparaison avec Goebbels, le ministre de la propagande du troisième Reich :
Émules de Goebbels, les productions du système produisent « Chez nous », à nos frais, film de propagande anti-FN : rideau ! pic.twitter.com/AU9KGXUcsB
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) 31 décembre 2016
Mais pourquoi tant de haine ? Le film de Lucas Belvaux suit le parcours de Pauline (Emilie Dequenne), une infirmière à domicile qui travaille dans le Nord de la France, entre Lens et Lille, et qui est très appréciée de ses patients. Une popularité et une proximité auprès des « petites gens » dont va vouloir se servir le parti d’extrême droite fictionnel Le Bloc patriotique, clairement inspiré du Front national, et présidé par une blonde aux cheveux raides, capable de galvaniser les foules. Cela vous fait penser à quelqu’un ? Pour Steeve Briois, maire FN d’Hénin-Beaumont, il ne fait aucun doute qu’il s’agit de Marine Le Pen. Il s’est donc empressé de publier un élégant tweet dans lequel il compare l’actrice Catherine Jacob à un « pot à tabac ». Chic. Autre réaction surprenante enfin, celle de Gilles Pennelle, président du groupe Front national au conseil régional de Bretagne, qui a qualifié Chez nous de « film de bobos avec des bobos pour les bobos ».
Polémique à peu de prix
Le réalisateur du film, Lucas Belvaux, n’a pas souhaité s’exprimer plus qu’il ne l’a fait sur RMC lundi 2 janvier, afin de ne pas « faire enfler la polémique », comme nous a expliqué son attaché de presse. « Le problème, c’est qu’il [Florian Philippot] n’a vu que la bande-annonce. C’est une polémique à peu de prix, qui évite le débat sur le fond du film », a ainsi analysé le réalisateur au micro de Jean-Jacques Bourdin. « C’est un peu comme un slogan électoral, on ne parle pas du fond, a-t-il poursuivi. Le film n’est pas tant un film anti-FN qu’un film sur le discours populiste, et sur comment et pourquoi les gens s’engagent […] Moi [ce sont] les électeurs qui m’intéressent, c’est pas tant les partis politiques. » Lucas Belvaux s’est ensuite dit « amusé » par la réaction de Philippot – et des autres : « Ils me taxent de caricature, alors que mes personnages sont finalement moins caricaturaux qu’eux. La brutalité de leur discours en quelques mots [sur Twitter, ndlr] m’a surpris. Les personnages du Bloc patriotique dans mon film sont moins violents que ça », a-t-il conclu.
C’est également le point de vue du producteur du film, David Frenkel, qui s’est dit « surpris » par la virulence des réactions des dirigeants du FN. « On ne pensait pas que ça allait prendre une telle ampleur », nous a-t-il expliqué. Il a «même été choqué par certains propos, notamment ceux de monsieur Briois », sans parler de la comparaison de Gilbert Collard avec Goebbels qui, cette fois, l’a plutôt fait sourire, David Frenkel étant co-producteur du film Le Dernier des injustes, réalisé par Claude Lanzmann en 2013, sur Benjamin Murmelstein, le dernier président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt. « Je pense d’ailleurs lui envoyer un DVD du documentaire », s’amuse-t-il. « Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est le fait que ces personnes s’expriment sur un film… qu’ils n’ont pas encore vu ! C’est comme si je parlais d’un programme de campagne politique à partir d’un slogan. Ils ne savent pas ce qu’il y a dedans ! »
Faire bouger les lignes
David Frenkel s’emporte aussi sur le fait que l’on accuse régulièrement le cinéma français de nombrilisme. « On propose un film politique, un film qui provoque le débat, et il ne faudrait pas le faire ? Le cinéma aussi doit être politique, tout en restant un divertissement. Le cinéma ne doit pas être l’opium du peuple », s’insurge-t-il. Chez nous sortira le 22 février, soit deux mois avant le premier tour de l’élection présidentielle, car il ne fallait pas arriver « après la bataille », explique David Frenkel : « On a envie que le film provoque le débat, fasse bouger les lignes, suscite des questions. On n’a été manipulés par personne ». Et le producteur d’insister : « On a fait attention à ne pas faire un film caricatural. »
Pour ce faire, Lucas Belvaux a notamment travaillé avec le romancier Jérôme Leroy (co-crédité au scénario), auteur du livre Le Bloc, qui, selon David Frenkel, connaît très bien la thématique de l’implantation du Front national dans le Nord. « Il s’est également beaucoup documenté sur Internet et a regardé des documentaires comme Danse avec le FN, de Paul Moreira, qui évoque toutes les composantes de l’électorat frontiste. Ce que l’on veut montrer, c’est que le FN aujourd’hui essaie de se refaire une image mais que son idéologie n’est pas très éloignée de “l’ère Jean-Marie”. »
David Frenkel se souvient d’une autre polémique, provoquée par le court métrage Ce n’est pas un film de cow-boy, qui montrait des adolescents discutant du film Le Secret de Brokeback Moutain. Le film, qui avait été présenté à la Semaine de la critique à Cannes en 2012, et dans d’autres nombreux festivals, devait être diffusé à des lycéens dans le cadre du Festival du film d’éducation des Pays de la Loire. La Manif pour tous avait envoyé un courrier aux proviseurs des lycées pour qu’ils empêchent la diffusion du court métrage. David Frenkel avait alors décidé de laisser le film en libre accès sur Internet et attiré encore plus de lycéens que prévu lors des projections.
Parions que la polémique autour de Chez nous aura le même effet sur les entrées du film en salle.
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