La visite de Marine Le Pen en Russie, où elle a rencontré Vladimir Poutine, troisième chef d’Etat à recevoir la candidate frontiste à la présidentielle, relance les questions sur la politique internationale de son parti.
« Je sais que vous représentez un spectre politique en Europe qui croît rapidement. » Vladimir Poutine, qui recevait récemment Marine Le Pen au Kremlin, ne fait pas seulement le pari de voir accéder à l’Elysée un futur partenaire sous influence, mais reconnaît dans la même phrase Le Pen comme la représentante de l’internationale brune, européenne plus particulièrement.
Selon l’agence russe Tass, Poutine a déclaré durant l’échange trouver « intéressant d’échanger (leurs) points de vue sur le développement de (leurs) relations bilatérales et sur la situation qui se crée en Europe ». Lui qui est un fervent constructeur d’une Union eurasiatique « pour renforcer (les) économies (1) et assurer leur développement harmonieux et leur rapprochement » ne verrait pas d’un mauvais œil l’Union européenne s’affaiblir un peu plus en parallèle. En ce sens, le projet frontiste de faire sortir la France de l’Union européenne lui convient. « Face à un joueur comme la Russie qui maîtrise l’ensemble des pièces sur l’échiquier des négociations, les Européens, qui déplacent chacun leur pièce en ordre dispersé, ne peuvent espérer l’emporter », expliquait déjà un rapport de la Délégation pour l’Union européenne en 2007 (2). Au Brexit, Poutine sait que l’ajout d’un Frexit fracturerait un peu plus l’Europe et amoindrirait ses moyens de peser dans les relations internationales avec son voisin géant.
Selon l’agence russe Tass, Poutine a déclaré durant l’échange trouver « intéressant d’échanger (leurs) points de vue sur le développement de (leurs) relations bilatérales et sur la situation qui se crée en Europe ». Lui qui est un fervent constructeur d’une Union eurasiatique « pour renforcer (les) économies (1) et assurer leur développement harmonieux et leur rapprochement » ne verrait pas d’un mauvais œil l’Union européenne s’affaiblir un peu plus en parallèle. En ce sens, le projet frontiste de faire sortir la France de l’Union européenne lui convient. « Face à un joueur comme la Russie qui maîtrise l’ensemble des pièces sur l’échiquier des négociations, les Européens, qui déplacent chacun leur pièce en ordre dispersé, ne peuvent espérer l’emporter », expliquait déjà un rapport de la Délégation pour l’Union européenne en 2007 (2). Au Brexit, Poutine sait que l’ajout d’un Frexit fracturerait un peu plus l’Europe et amoindrirait ses moyens de peser dans les relations internationales avec son voisin géant.
Mais c’est surtout l’obsession lepéniste qui s’est trouvée confortée par l’entretien avec le président russe. Tous deux partagent la même aversion du terrorisme… islamiste. Et si Poutine a évoqué les « événements en Syrie et en Irak, autour de Mossoul où des milliers de réfugiés ont été forcés de quitter leurs maisons », nul embryon de politique d’accueil au-delà de la compassion de façade. Logique que Marine Le Pen se soit reconnue dans cette rhétorique qu’elle partage. D’ailleurs, les « convergences » de points de vue s’étendent à la politique de développement africaine… du moment qu’ils restent chez eux. Quand Marine Le Pen parle « d’aider la région africaine, (elle) pense en particulier au Sahara et au Sahel », où les conflits militaires pousseraient des « jeunes, désespérés » dans les bras « des organisations terroristes ». Qu’entend-elle lorsqu’elle parle, approuvée par Poutine, de « combiner (leurs) actions stratégiques au niveau international » pour développer la région ? En s’appuyant sur ses rencontres récentes avec d’autres chefs d’Etat et représentants, on peut se faire une idée de la question.
Au Tchad, Marine Le Pen a rencontré Idriss Déby le lendemain du Grand débat de TF1. Elle venait y porter, a-t-elle dit, « une condamnation de la politique de la Françafrique », et la fin du franc CFA, une proposition « symétrique au projet de sortie de l’Euro », selon l’historien Amzat Boukari-Yabara, auteur du livre Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme, interrogé par le site internet Konbini. « Sans doute le FN cherche-t-il à se donner une crédibilité anti-système et anti-mondialiste. » Sur ce point, Marine Le Pen n’est pas différente des autres candidats qui cherchent à se doter d’une stature internationale (elle est la seule pour l’instant, avec Emmanuel Macron ou François Fillon, à s’être rendue en Afrique en tant que candidate à la présidentielle), mais « elle ne fait que s’aligner sur des déclarations de bonnes intentions qui avaient déjà été formulées en 2007 par Sarkozy qui promettait aussi la fermeture des bases militaires françaises et en 2012 par Hollande qui a poursuivi les guerres […] lancées par son prédécesseur », rappelle Amzat Boukari-Yabara. Elle suit donc « le même parcours que des candidats ‘’normaux’’ ». Mais c’est toujours sur la même question qu’elle fait jouer sa « différence » : l’immigration.
A Ndjamena, la candidate a surtout délivré un message aux étrangers qui voudraient « profiter » de la France : « La France entend toujours accueillir des étudiants francophones dans ses universités, bien entendu, mais dans la vision que je développe, ces étudiants africains n’ont pas vocation à rester en France. Ils ont vocation à retourner, forts du bagage qui leur a été transmis, dans leur pays pour participer au développement économique de ceux-ci. » Une source proche de la présidence tchadienne, citée par Le Monde, lui a répondu sans illusions: « Qu’elle ne nous aime pas, qu’elle veuille chasser les Africains de France, cela regarde les Africains qui sont en France. Ce n’est pas notre sujet. Si elle vient reconnaître le rôle du Tchad dans la lutte anti-terroriste, c’est déjà une bonne pub pour nous. » Le leader de l’Union pour la démocratie et le renouveau, parti d’opposition socialiste, Saleh Kebzabo, est plus combatif. « Pour Le Pen, tous les problèmes de la France ce sont les étrangers, mais les étrangers ce sont nous autres à qui l’on ferme la porte. » Il s’agit, expliquait en août 2016 Jean-Yves Camus dans une note de la fondation Jean Jaurès (« Le FN et les relations internationales ») de « traiter les questions géopolitiques comme du management et les conflits entre nations comme des questions à traiter en termes de sécurité, donc en termes policiers ». Marine Le Pen n’avait-elle pas défendu en son temps le régime de Sissi, en Egypte, le présentant comme « une tour qui nous défendra contre les migrants » ?
« Que vient-elle faire dans notre pays où, en dehors des militaires, il n’y a pas mille Français ? », se demandait également Saleh Kebzabo. La réponse est dans la question : les tournées internationales de Marine Le Pen et de ses affidés portent essentiellement un message national. A l’automne 2016, le déplacement d’une délégation FN au Bénin, menée par le responsable de la « prospective », Loup Viallet, n’avait pas d’autre but que de souligner le « bon sens » des propositions frontistes… en France. Les jeunes cadres d’extrême droite étaient allés saluer l’initiative d’une société de Télécom, Moov Bénin, de « pratiquer la priorité nationale dans sa politique de recrutement ». Dans un communiqué d’octobre 2016, le FN se délectait de la suite des événements : « Il est désormais clairement établi que les personnels étrangers vont être progressivement être licenciés, afin de permettre aux nationaux d’accéder à la majorité des emplois de l’entreprise de téléphonie au Bénin. » Et de rappeler qu’en France, seule Marine Le Pen propose une telle « mesure de patriotisme économique et social ». Pire, ils ont trouvé un partenaire, le PJUD (Prévention jeunesse unie pour le développement) pour signer la charte du collectif Mer et francophonie du Front national (Comef), cyniquement intitulée « Bien chez soi », qui met en garde contre le « leurre les conduisant à mal vivre ailleurs plutôt qu’être bien chez soi, tout en perturbant fréquemment la vie quotidienne des pays d’accueil par des comportements inadaptés »… Une charte que le FN emporte dans ses bagages quand il le peut. Dans Causeur, Loup Viallet expliquait en décembre 2015 la « conviction » du Comef : « que la crise migratoire trouvera sa résolution par les Etats, et hors de l’idéologie mondialiste sans frontières ». Pour se débarrasser de cette idéologie, « les candidats FN proposent que leurs exécutifs régionaux fassent l’économie du budget alloué à la coopération internationale ou décentralisée », continuait-il, citant Marine Le Pen dans le Nord, Florian Philippot en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine ou Wallerand de Saint-Just en Île-de-France. Puis il livre le fin mot de l’histoire : « Cette proposition n’affaiblit en rien l’ouverture des régions sur le monde, puisque les compétences en matière de commerce extérieur ne sont pas remises en cause. » Voilà comment « pas à pas, sur tous les continents, les idées patriotes prennent corps », selon le Comef : en privilégiant les échanges commerciaux aux échanges culturels et à la libre circulation des êtres humains.
A mille lieues d’une vision internationaliste, c’est la multiplication des nationalismes que proposent Le Pen et le Front national. « Le FN pense que ce siècle sera celui du retour de l’affirmation des nationalismes et de la volonté de puissance, régionale ou mondiale, de nouveaux acteurs majeurs d’un monde multipolaire, Etats ou blocs se réclamant d’une identité commune », expliquait Jean-Yves Camus dans la note citée plus haut. Ce que confirmait Marine Le Pen lors de sa conférence présidentielle sur la « citoyenneté », mi-mars. Ayant évolué vers une conception ethno-différentialiste, « consistant à ne plus postuler les rapports entre cultures en termes de hiérarchie mais d’irréductibles différences », explique Camus. Partant, « le mélange des cultures, comme celui des peuples, serait un facteur pathogène ». L’étranger, ce malade qu’il convient de garder « Bien chez lui ».
(1) des pays candidats à cette union comme le Tadjikistan et le Kirghisistan ou de probables candidats comme le Turkménistan, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Moldavie.
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