Dans L’instinct de vie, l’urgentiste raconte sa lente reconstruction psychique, depuis le 7 janvier 2015.
Comment continuer à vivre après avoir vu les corps de ses amis éclatés par les balles de kalachnikov? Comment renaître, après avoir compris que c’est dans leur sang que les secours viennent de marcher? Comment retrouver goût à l’existence après un tel traumatisme?
Patrick Pelloux, le 7 janvier 2015, a été l’un des premiers arrivés sur les lieux de l’attentat à Charlie Hebdo, rue Nicolas Appert à Paris. Quand il est entré dans cette salle de réunion, son cerveau s’est scindé en deux : les gestes, automatiques, pour prévenir les secours. Et la douleur, immense, indicible, même pas racontable. Comme Luz avec « Catharsis », Catherine Meurisse avec « La légèreté » ou Valérie Manteau avec « Calme et Tranquille », l’urgentiste s’est mis à écrire. Pour exorciser. Et comme Luz et Catherine Meurisse, il s’est servi de ce qu’il est pour rédiger cet ouvrage : un médecin. Qui donc a une vision médicale des suites de l’énorme psycho-traumatisme subi. Il prend à témoin le lecteur de sa chute, et de sa lente, très lente, reconstruction.
Mais il n’en reste pas là : il explique ce qui se passe, chimiquement, dans le cerveau. «C’est comme une fracture. Ou comme un bug informatique», raconte-t-il, dans un café douillet, la mine chiffonnée de ceux qui ne dorment pas assez ou trop mal. Il parle de lui, avec beaucoup de pudeur. Mais aussi d’autres cas de psycho-traumatismes, rencontrés dans sa carrière, restes de guerre, suites d’un suicide, d’un accident, voire d’un autre attentat. IL raconte aussi le parcours de reconstruction : la psychothérapie, le renoncement à l’alcool et aux médicaments, ces faux-amis, certes bien tentants. Le rôle de la psychothérapie, des vrais professionnels du traumatisme, et surtout, de la bienveillance. Le cerveau va mettre, dans ce genre de circonstances, des jours, des semaines, voire des mois, au mieux, pour se reconstruire. La seule façon de l’aider, c’est à la fois d’être bien entouré et de savoir se faire du bien. Pour Pelloux, c’est le yoga qui a joué ce rôle. Il faut aussi savoir écarter les fâcheux. Ceux qui par exemple, au lendemain de l’attentat à Charlie, ont plaisanté sur le mode «Ils ont raté Pelloux», ou qui ont demandé qu’il ne travaille plus pour le Samu de Paris, parce qu’il les « met en danger». «Un crotale reste un crotale», s’agace le docteur.
Bref, il avoue aller mieux, reprendre goût à la vie. Se reconstruire. Lentement mais sûrement. Grâce à l’art. A la bienveillance de son entourage. Et à la vie, tout court, qu’il plébiscite dans une exclamation : « La vie, la vie, la vie ! »
L’instinct de vie, de Patrick Pelloux, Editions du Cherche-Midi, 15 euros.
Lire l’entretien avec Patrick Pelloux de notre édition du lundi 3 avril.
Patrick Pelloux, le 7 janvier 2015, a été l’un des premiers arrivés sur les lieux de l’attentat à Charlie Hebdo, rue Nicolas Appert à Paris. Quand il est entré dans cette salle de réunion, son cerveau s’est scindé en deux : les gestes, automatiques, pour prévenir les secours. Et la douleur, immense, indicible, même pas racontable. Comme Luz avec « Catharsis », Catherine Meurisse avec « La légèreté » ou Valérie Manteau avec « Calme et Tranquille », l’urgentiste s’est mis à écrire. Pour exorciser. Et comme Luz et Catherine Meurisse, il s’est servi de ce qu’il est pour rédiger cet ouvrage : un médecin. Qui donc a une vision médicale des suites de l’énorme psycho-traumatisme subi. Il prend à témoin le lecteur de sa chute, et de sa lente, très lente, reconstruction.
Mais il n’en reste pas là : il explique ce qui se passe, chimiquement, dans le cerveau. «C’est comme une fracture. Ou comme un bug informatique», raconte-t-il, dans un café douillet, la mine chiffonnée de ceux qui ne dorment pas assez ou trop mal. Il parle de lui, avec beaucoup de pudeur. Mais aussi d’autres cas de psycho-traumatismes, rencontrés dans sa carrière, restes de guerre, suites d’un suicide, d’un accident, voire d’un autre attentat. IL raconte aussi le parcours de reconstruction : la psychothérapie, le renoncement à l’alcool et aux médicaments, ces faux-amis, certes bien tentants. Le rôle de la psychothérapie, des vrais professionnels du traumatisme, et surtout, de la bienveillance. Le cerveau va mettre, dans ce genre de circonstances, des jours, des semaines, voire des mois, au mieux, pour se reconstruire. La seule façon de l’aider, c’est à la fois d’être bien entouré et de savoir se faire du bien. Pour Pelloux, c’est le yoga qui a joué ce rôle. Il faut aussi savoir écarter les fâcheux. Ceux qui par exemple, au lendemain de l’attentat à Charlie, ont plaisanté sur le mode «Ils ont raté Pelloux», ou qui ont demandé qu’il ne travaille plus pour le Samu de Paris, parce qu’il les « met en danger». «Un crotale reste un crotale», s’agace le docteur.
Bref, il avoue aller mieux, reprendre goût à la vie. Se reconstruire. Lentement mais sûrement. Grâce à l’art. A la bienveillance de son entourage. Et à la vie, tout court, qu’il plébiscite dans une exclamation : « La vie, la vie, la vie ! »
L’instinct de vie, de Patrick Pelloux, Editions du Cherche-Midi, 15 euros.
Lire l’entretien avec Patrick Pelloux de notre édition du lundi 3 avril.
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