A Moissac, le manque de médecins commence à se faire ressentir… in DDM

La Santé près de chez vous

Comme partout en France, il est de plus en plus compliqué de trouver un médecin à Moissac./ Photo DDM archives, Sébastien Lapeyrère.
Comme partout en France, il est de plus en plus compliqué de trouver un médecin à Moissac./ Photo DDM archives, Sébastien Lapeyrère.
À en croire l’annuaire, il n’y a que l’embarras du choix. Avec dix généralistes en poste à ce jour, la ville ne semble pas en pénurie de médecins. Pour le moment. Car pour un nouveau patient, il est relativement compliqué d’arracher un rendez-vous. « Mon médecin a arrêté l’an dernier et depuis, c’est la galère. J’ai une toux qui dure depuis trois mois, besoin de suivi pour ma polyarthrite mais tout le monde m’envoie à 10 mètres ! Il y a bien le groupe Pasteur mais c’est 2, 3 heures d’attente le samedi matin : ils sont surbookés ! Et alors pour les faire déplacer…» Passablement agacé, ce retraité moissagais est loin d’être le seul dans cette situation.

À l’occasion de la dernière réunion publique à mi-mandat, c’est un sujet qui est revenu sur le devant de la scène du hall de Paris. « Et maintenant, il n’y a plus de dermato ! », pestait un participant. Avec trois médecins aux responsabilités, la municipalité est plus que sensibilisée au problème. « On explore beaucoup de pistes de travail mais on a besoin d’un état des lieux : il y a un grand déséquilibre entre les prospectives et les perspectives », explique-t-on. Il faut dire que les maux sont connus et aucun territoire n’est épargné, en ville comme en zones rurales.
Surcroît de travail, charges et gestion du cabinet, gardes et on en passe : rares sont les jeunes à prendre le relais des anciens. Sans oublier le numerus clausus du concours ou le système du médecin référent qui peut parfois piper les dés en cas d’urgence. Et même le secteur hospitalier peine à recruter. « Les modes de vie ont changé : les jeunes ne veulent plus travailler sur ces schémas traditionnels. Se pose désormais la question de la structure », estiment les élus.

Des spécialités désertifiées

Certes, des projets comme celui de la maison de santé pluridisciplinaire de Saint-Nicolas de la Grave pourront décongestionner la demande locale. Mais la solution ne peut venir que d’un traitement de fond systémique. « On travaille avec l’Ordre des médecins et les syndicats d’internes, sur le principe des stages en impliquant les confrères, l’articulation hôpital et périphérie ou encore, les centres de santé intégrés », signale la municipalité. Qui peut encore compter sur son service d’urgences. « Avec les fêtes, on n’a pas forcément eu de recrudescence d’appels mais il y a plus de passages aux urgences car les fermetures de cabinets médicaux sont plus importantes en ce moment », concède le Dr Pierre Mardegan, responsable des services d’urgences dans le département.
D’ailleurs, les urgences du Chic ont même enregistré une baisse de 20 % le 24 décembre. Un phénomène imputable à l’absence de pédiatre dans le secteur en pleine épidémie de bronchiolites et de gastro-entérite. « Mais cela s’est répercuté à Montauban avec une augmentation de 50 % par rapport aux jours précédents », explique le Dr Mardegan qui peut compter sur des équipes aussi investies que méritantes.
Et en effet, du côté des spécialistes, le tableau n’est guère plus reluisant. Avec le départ du dermatologue, restent désormais deux cardiologues, autant d’angiologues, dont un qui arrête en 2018, et un pneumologue.


Le chiffre

58>ans. D’âge moyen. À ce jour, Moissac compte 10 médecins généralistes avec une moyenne d’âge de 58 ans. Ils étaient 11 il y a quelques jours mais l’un d’eux vient juste de cesser son activité en fin d’année. Ils sont donc dix en 2018, soit 1 médecin pour environ 1 240 habitants. Selon l’Assurance maladie, un généraliste français avait en moyenne 864 patients en 2015.


Gynécologie : « C’est dramatique ! »

Le nombre de gynécologues médicaux a chuté de 41,6 % en dix ans entre 2007 et 2017. Ce sont les chiffres alarmants dévoilés cette semaine par l’Assurance maladie. Et Moissac n’est pas épargnée. Avec le départ de Maryse Baulu à la retraite, également élue, il ne reste désormais plus que le Dr Suzanne Dat et le Dr Anna Tournier qui vient de Montauban pour une consultation par semaine au centre hospitalier intercommunal (Chic). Rendez-vous possible « en mars, avril », ce qui va bien au-delà des 62 jours du délai moyen d’attente en Occitanie.
Si un praticien remplaçait le Dr Baulu, Castelsarrasin et sa seule gynécologue, le Dr Françoise Hurtevent, pourront difficilement pallier la demande, d’autant plus que ce praticien arrive en bout de carrière. En France, 62 % des gynécologues sont âgés de plus de 60 ans. « C’est dramatique! Je laisse un territoire de presque 75 000 habitants sans gynécologue de proximité. Certaines de mes patientes venaient du secteur d’Agen. Certaines iront maintenant à Montauban mais celles qui ne peuvent pas se déplacer arrêteront, regrette Maryse Baulu. De la pilule au dépistage du cancer : le suivi est très, très important ! »


Interview: Dr Marie-Christine Rossignol, généraliste et présidente de l’Ordre des médecins.
Révoltée relève de l’euphémisme pour qualifier l’état d’esprit de la patronne des médecins dans le département. À 65 ans et avec une activité « qui a augmenté chaque mois de cette année de 30 % », le Dr Rossignol est à bout. Et fustige « une volonté politique ».
Comment inciter les jeunes à s’installer dans les secteurs comme Moissac ?
Pourquoi on se pose la question ! Ils ont juste compris les signaux qu’on leur envoie. Ils travaillent de manière acharnée, dans des conditions de stress épouvantables et avec énormément de responsabilités mais peu d’argent, quoi qu’on en pense. Cela fait 30 ou 35 ans qu’on n’a aucune politique hospitalière et après, on s’étonne ? On commence à gagner sa vie à 30 ou 32 ans et en plus, il faudrait les contraindre à s’installer en zone rurale ? De qui se moque-t-on ?
Mais quelle est la solution ?
Imposer une consultation de base à 70 € cash, toujours remboursée au tiers payant, et imposer un plafonnement des actes. Cet argent peut servir à payer une secrétaire ou une formation, à faire du liant entre les aidants et la famille : bref, à rendre le métier plus attractif. Idem aux urgences. Cela ne pose de problème à personne – ni à la Cour des comptes, ni aux patients – de payer des fortunes pour des médecins douces mais aujourd’hui, il y a neuf généralistes qui ne seront pas remplacés dans le département, même s’il y a bien pire ailleurs. Alors j’ose espérer que cette situation a été sciemment organisée… Et la Sécurité sociale fera même des économies considérables !
Être mieux payé rime avec attractivité ?
Il faut faire confiance aux médecins : ce sont des gens compétents, intelligents et honnêtes.
Les regroupements de professionnels, comme le projet de la maison de santé à Saint-Nicolas de la Grave, sont-ils un des remèdes miracles ?
Tout projet porté par des professionnels de santé de terrain est soutenu par l’Ordre : il faut que cela émane d’eux. En Tarn-etGaronne, on déploie une énergie considérable depuis des années pour attirer les jeunes et ça paie : on n’est pas le département le plus misérable d’Occitanie !
Est-ce que des actions spécifiques vont viser le secteur ?
Le maire de Moissac a plein d’idées et on doit se rencontrer prochainement. On a plusieurs pistes mais on a besoin de mobiliser les médecins anciens. Sans eux, on ne fera rien.

 


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