Moyen-Orient. De la Palestine à l’Iran, la cohérente stratégie de Trump

Photo : Reuters

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Les conservateurs américains soutiennent les manifestations en Iran tout en préparant une remise en cause de l’accord sur le nucléaire. Parallèlement le président américain menace les Palestiniens.
Après cinq jours d’importantes protestations du 28 décembre au 1er janvier, l’Iran a retrouvé généralement le calme au prix d’un déploiement important des forces de sécurité. Aucune protestation n’a eu lieu ces trois derniers jours à Téhéran. En province, de petites manifestations se sont produites à nouveau jeudi soir selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux sans que l’on puisse vérifier leur authenticité.
Durant ces protestations contre la vie chère et le pouvoir, qui ont touché plusieurs villes de province et dans une moindre mesure Téhéran, 21 personnes en majorité des manifestants ont été tuées et des centaines arrêtées. Des biens publics ont été endommagés ou incendiés.
En réponse, d’importantes manifestations ont été organisées mercredi et jeudi dans une quarantaine de villes de provinces en Iran pour soutenir le pouvoir et se poursuivaient vendredi, jour de la grande prière pour les Musulmans. A chaque fois, les manifestants ont scandé « Nous sommes tous ensemble, derrière le guide » suprême d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, ou les traditionnels « Mort à l’Amérique », « Mort à Israël » et « Mort à monafegh (hypocrite en persan) », ce dernier terme désignant dans la phraséologie des autorités les Moudjahidine du peuple (farouchement opposés au pouvoir, ils ont même combattu côté irakien durant la guerre Iran-Irak et entretiennent d’excellents liens avec les Etats-Unis).
L’examen de l’attitude américaine depuis les début des troubles ne manque pas d’intérêt. Les Etats-Unis voudraient profiter de la situation pour déstabiliser le pouvoir iranien voire – si les conditions s’y prêtent – le renverser. L’ambassadrice américaine à l’Onu, Nikki Haley, a demandé, elle, des réunions d’urgence d’organismes de l’Onu, structure qu’elle exècre pourtant.
Une « ingérence » dénoncée par l’Iran mais également par la Russie qui a demandé des consultations à huis clos du Conseil de sécurité. « Les Etats-Unis continuent à interférer ouvertement et de manière cachée dans les affaires intérieures des autres pays, ils le font sans aucune honte », a lancé le vice-ministre russe Sergueï Riabkov. « C’est de ce point de vue là que nous jugeons l’initiative américaine de réunir le Conseil de sécurité de l’ONU sur une situation purement nationale en Iran », a-t-il ajouté, accusant Washington d’« attaquer directement la souveraineté d’autres Etats sous prétexte d’être préoccupé par la démocratie et les droits de l’Homme ».
L’administration états-unienne sait très bien ce qu’elle fait. Les Tweet de Trump reflètent une manière de penser les choses qui ne visent pas que l’Iran mais s’inscrivent totalement dans la nouvelle stratégie en cours au Moyen-Orient. Les grands axes en sont: rapprochement entre Israël et un certain nombre de pays arabes particulièrement l’Arabie saoudite pour affronter l’ennemi commun qu’est l’Iran; dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, offre de garanties à Israël en reconnaissant Jérusalem comme sa capitale, enfin tordre le bras des Palestiniens qui s’acharnent à faire de la résistance.
«Nous payons les Palestiniens DES CENTAINES DE MILLIONS DE DOLLARS par an sans reconnaissance ou respect » de leur part, a ainsi tweeté Donald Trump. « Puisque les Palestiniens ne sont plus disposés à parler de paix, pourquoi devrions-nous leur verser des paiements massifs à l’avenir? ».
Il avait, il y a quelques jours, utilisés le même argumentaire contre le Pakistan, pas assez docile. Sans parler de l’Otan, de l’Onu, de l’Unesco… On est là dans l’ordre mafieux: « Je t’aide mais désormais tu m’es redevable ».
Les Palestiniens, par la voix de Mahmoud Abbas, ont vite répondu que « Jérusalem n’est pas à vendre ». D’autres ont rappelé que l’aide américaine (qui est néanmoins en deçà de celle fournie par l’Union européenne) permet une certaine stabilité de la société palestinienne au bénéfice d’Israël…
Concernant l’Iran, les Tweet de Trump sont sans équivoques et les conservateurs américains se sont engouffrés dans la brèche, oubliant qu’il y a quelques semaines encore ils applaudissaient aux mesures visant à empêcher à tout Iranien l’accès sur le sol des Etats-Unis! Au Congrès, où la majorité républicaine a dénoncé l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015, les faucons anti-iraniens ont été les premiers, dès le premier jour, à saluer les manifestations par des communiqués et des tweets, s’inscrivant dans la même ligne que Trump. «Ces manifestations montrent au monde que le régime iranien préfère exporter et financer le terrorisme au-delà de ses frontières – surtout avec ses alliés terroristes en Syrie, à Gaza, en Irak, au Liban et au Yémen – que répondre aux besoins élémentaires de ses propres citoyens», a clamé le sénateur ultra-conservateur du Texas Ted Cruz.
Les faucons du Congrès pourraient profiter des événements actuels pour tenter de durcir la loi que la majorité prépare (des négociations sont en cours entre le président républicain de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Bob Corker, le sénateur démocrate Ben Cardin et la Maison Blanche) pour changer de facto, unilatéralement, l’accord de 2015. L’objectif de cette future loi (qui pourrait être adoptée avant la prochaine échéance de certification de l’accord par le président américain, mi-janvier) est de rendre permanentes des restrictions imposées par l’accord sur le programme nucléaire iranien et qui doivent être progressivement levées à partir de 2025.
Les Etats-Unis menaceraient alors de sanctionner à nouveau Téhéran en fonction de critères exclusivement américains, notamment sur le développement de missiles intercontinentaux. Bref, on plaint le peuple iranien mais on le menace de nouvelles sanctions qui génèrent plus de difficultés et de corruption par le biais d’une économie parallèle.

Pierre Barbancey, Grand reporter

 


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