Violences faites aux femmes. « Adhérer ne suffit pas à devenir féministe »

Des référents nationaux seront mis en place pour accompagner les victimes au sein du PCF. Patrick Nussbaum

Des référents nationaux seront mis en place pour accompagner les victimes au sein du PCF. Patrick Nussbaum

Camille Lainé (MJCF) et Pierre Laurent (PCF) appellent le mouvement communiste à mener un travail de fond après les révélations de plusieurs cas d’agressions sexuelles et de viol en son sein.

Aude (1) vivait sans doute l’un de ses premiers grands rassemblements politiques. En juin 2016, elle se rend au congrès du PCF, accompagnée de deux autres jeunes adhérents du Mouvement des jeunes communistes français, l’autre nom des « JC ». Ils prolongent les débats tard le soir avec un responsable de section de Limoges âgé de 25 ans, qui les impressionne. Celui-ci invite la petite troupe à finir la soirée dans sa chambre d’hôtel. Il poursuit la discussion avec la jeune fille, tandis que ses compères, ivres, s’endorment. C’est à ce moment qu’il se jette sur elle. Elle le repousse une première fois. « Il a continué, il glissait la main sous mon pull, me caressant. Je l’ai repoussé. Il a stoppé puis recommencé », raconte la jeune femme, qui passera la nuit transie « de peur ».

Son témoignage a été révélé par le journal le Monde, qui a publié une enquête ce week-end sur les violences sexuelles au sein des Jeunesses communistes. Un militant du PCF est visé par une plainte pour viol, déposée le 19 novembre 2017 par une doctorante qui est paniquée dès qu’elle raconte son histoire. Une autre militante raconte aussi s’être fait violer par son ex-petit-ami, un soir de Nuit debout.

« Tolérance zéro » contre les violences faites aux femmes

Après le MJS et l’Unef, qui ont connu leur lot de révélations, la parole des femmes se libère également au sein du mouvement communiste et de sa principale organisation de jeunesse. Les témoignages cités par le Monde ont été recueillis, dans leur grande majorité, à la suite de la vague #balancetonporc sur les réseaux sociaux. « Des comportements inacceptables se sont aussi déroulés lors de nos événements nationaux », explique à l’Humanité Camille Lainé, secrétaire générale des Jeunesses communistes. Elle a eu connaissance d’une dizaine d’affaires « allant de l’insulte sexiste à l’agression sexuelle, voire le viol, depuis son entrée en fonction, en mars 2016. Et il ne s’agit là, tient-elle à souligner, que des cas qui nous ont été rapportés ». « Certaines victimes ne font pas la démarche de nous en parler », confie cette jeune dirigeante, consciente de l’enjeu.

Elle annonce aujourd’hui un grand débat lors du prochain Conseil national, des formations systématisées auprès des jeunes militants et l’intervention de militants du Collectif national pour le droit des femmes visant à aider les cadres du mouvement à mieux accompagner les victimes. « Certains ont pu croire que, parce qu’on se disait communistes, on était automatiquement féministes. C’est faux. Nos jeunes militants et notre organisation vivent dans une société patriarcale, et n’échappent pas à certaines contradictions. Adhérer ne suffit pas à devenir progressiste sur ces questions-là, c’est aussi à nous de mener ce travail. »

Pierre Laurent, secrétaire général du PCF, affiche la même fermeté. « Parce que nous sommes une organisation féministe, par humanité et respect pour celles qui peuvent être victimes, nous avons le devoir de mener ce combat dans nos organisations elles-mêmes. » « Face au harcèlement sexiste et sexuel, c’est tolérance zéro ! » prévient-il dans un communiqué cosigné par Laurence Cohen et Hélène Bidard, coresponsables des droits des femmes et du féminisme.

Une brochure diffusée dès le 18 novembre à tous les militants (à télécharger ici)

« Maintenant que les femmes se sont exprimées, il faut que leur parole puisse être écoutée, et des mesures concrètes pour tordre le cou aux violences », insiste aussi Laurence Cohen. Le parti ne part pas de zéro. Le 18 novembre dernier, bien avant les révélations dans la presse, une brochure de prévention contre les violences faites aux femmes a été distribuée aux animatrices et animateurs de sections. Ce document, destiné à permettre à chaque militant de connaître « ses droits et à savoir ce qui n’est pas acceptable comme comportement », sera distribué « à tout-e nouvel-le adhérent-e ». « Il y a une démarche d’accompagnement des victimes à améliorer et à amplifier, dans le Parti comme au niveau national, souligne aussi Pierre Laurent. Si nous avons très vite réagi dès que ces témoignages ont été portés à notre connaissance, il est difficile de mener à bien un accompagnement juridique et psychologique nécessaire dans ce genre de situation », explique Pierre Laurent, regrettant qu’une seule agression ait donné lieu à une plainte.

Raison pour laquelle une équipe de référents nationaux formés à ces problématiques sera mise en place la semaine prochaine et bénéficiera d’une adresse mail spécifique. La formation sur le droit des femmes devrait être systématisée, appuie Laurence Cohen. « On ne peut pas lutter pour une société de l’émancipation humaine si on ne met pas en avant le fait que chaque être humain doit être l’égal de l’autre. On ne peut avoir la prétention de transformer la société, y compris sur le plan social, si on ne prend pas conscience que le capitalisme et le patriarcat sont deux systèmes d’oppression qui se nourrissent mutuellement mais qui ne se confondent pas. » Or, cet aspect de l’exploitation, dans sa double dimension, beaucoup de militants « ne l’ont pas encore appréhendé ».

Pierre Duquesne

Journaliste

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