Forte mobilisation au lycée Gallieni : stop à la violence, aux insultes, au mépris institutionnel

PAR LUIS MIQUEL
‘NDLR de MAC: nous relayons les propos publics de Luis Miquel et nous invitons chacun-e à signer la pétition)


Bonjour,
je suis l’un des enseignants de ce beau lycée professionnel où le mouvement de grève prend une certaine ampleur médiatique. Nous symbolisons la déshérence d’une institution que les gouvernements successifs tuent à petit feu et refusons de sombrer.

Pétition: https://www.change.org/p/les-personnels-soutenez-le-lyc%C3%A9e-gallieni-31-pour-permettre-lar%C3%A9ussite-de-tous

J’écris les lignes suivante seul, çà n’engage que moi car je suis témoin quotidien de mes collègues qui s’effondrent en larmes en salle des profs, de la violence des jeunes qui ne sont plus élèves, de l’intolérance des jeunes des quartiers et de leur loi de la cité qu’ils importent dans l’enceinte délabrée de l’éducation nationale. (A tous ceux qui bondiront et hurleront que je stigmatise les jeunes des quartiers : je vous « emmerde », je travaille au quotidien avec ces jeunes, je voix ceux qui en veulent, ce qui souffrent, ceux qui harcèlent et dealent, ceux qui veulent juste qu’on leur foutent la paix et vivre leur vie… Je suis de gauche et je soutiens Mediapart mais j’y ai lu trop de commentaires de bigots niant les problèmes réels des quartiers au nom de l’antiracisme. )

Projets novateurs et moteurs que nous trainons en suant vers le succès car des succès il y en a, nous avons des jeunes géniaux et motivés Ce mépris institutionnel quand on nous dit que nous « manquons de formation » face aux jets de cailloux, aux armes blanches trouvées dans les sacs, aux harcèlements divers, aux jeunes filles en larmes etc. Il va de soi que cela fait des années qu’on leur signale ces problèmes et qu’ils répondent avec des meurettes. Je ne suis pas sûr qu’ils envoient leurs enfants dans ce lycée. Mais comme d’habitude on culpabilise le travailleur en lui faisant porter le poids des défauts structurels : 5 surveillants pour un lycée de 11 hectares avec tant de couloirs et de recoins où l’on peut dégrader ou racketter tranquillement.

Ce manque patent de reconnaissance : nous accueillons des publics en souffrance, en carences intellectuelles/affectives/culturelles (je parle des codes culturels tels que se taire pour écouter l’autre, patienter sans sortir son portable toutes les 5 secondes, ne pas couper la paroles, ne pas hurler etc.) et trop souvent issus de collèges classés REP+. Pourtant nous n’avons AUCUNE reconnaissance officielle de nos problèmes, on nous traite comme un lycée pro ordinaire : pas de moyens humains en plus ni de bonification pour les personnels. L’injustice est ressentie très amèrement. A vrai dire c’est NOUS qui devrions dispenser des formations pour gérer des classes violentes et racistes/antisémites ou hétérogènes : dans la même salle de cours vous avez autisme, handicaps divers, non francophones, dyslexie et tous les dys possibles, celui qui dort dehors, celle qui couche avec tous les garçons, celui qui deale, celui qui consomme… C’est un monde en folie et bien improbable. Bien sûr, de cette manière, on économise puisque les petites structures ont fermé et tant pis pour les lynchages et les tentatives de kidnapping, sans doute un problème de formation des profs.

Classes passives, inertes, où 2 élèves sur 30 travaillent. Grande solitude et démotivation et pourtant il faut animer le cours pour les quelques minutes dans l’année où l’un d’entre se réveille pour poser une question pertinente, égayant ainsi votre journée de manière mémorable.

L’absurdité de nous demander de combler les carences familiales. Je suis consterné par la vision ultra populiste voulant que l’enfant soit l’égal de l’adulte et n’ait à obéir à personne. Comment s’émanciper si l’on a pas appris à se maitriser, à contrôler ses frustrations surgissant lors de l’apprentissage des règles de vie communes, à obéir aux consignes respectables pour mieux désobéir aux ordres iniques ? Car si certains élèves sont incapables de se trouver un stage ou lire une consigne basique, soyez sûr qu’ils sont performants dès qu’il s’agit de dénoncer un prof qui a dit « la ferme », excédé après une journée (de plus) à subir mépris et moqueries. Ils n’ont même pas de cartable mais se découvrent une capacité à vous filmer ou vous enregistrer sur le portable en notant soigneusement l’heure et la date.

L’absence de prévention et de sanction efficaces. Qu’un élève Insulte un prof, cogne quelqu’un et il aura une sanction, une punition certes mais aussi le résultat,  la peur de faire des conseils de discipline pour renvoyer un élève (ce que les « spécialistes » dénoncent à longueur de temps). De toute façon çà ne fait que déplacer le problème. Certes. Mais nous avons des dizaines de « problèmes » à déplacer vu que trop d’élèves ici ont un casier judiciaire ou attendent de passer aux assises. Il est temps d’arrêter de se gargariser de neurosciences et faire face à la réalité : soit vous anticipez les problèmes dès la maternelle soit vous rouvrez les lycées militaires pour ceux qui partent en vrille. On aimerait tous que les profs motivés et les educs talentueux suffisent pour régler le problème mais ce n’est pas le cas.

Et voila, une fois de plus je me suis laissé emporter et j’ai écrit plus que je ne le voulais mais je suis épuisé comme les autres et écœuré par toute cette injuste, ces cadeaux fiscaux aux plus riches et aux plus corrompus sponsorisés par les coupes dans les budgets sociaux et culturels. Si vous avez lu jusque-là sachez que notre lutte est bien menée, dans une ambiance saine et coopérative et nous a fait du bien à tous.

Nous avons trouvé enfin un peu de compréhension… à partir du moment où la presse a relayé.


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