Après l’entretien accordé par le discret PDG de Lactalis au Journal du Dimanche le 14 janvier, c’était au tour du ministre de l’Agriculture de recevoir hier les producteurs de lait et les transformateurs avant de publier un communiqué. Ses premières lignes disent que « cette réunion a permis de faire un point de situation sur la contamination par des salmonelles de l’usine du groupe Lacatalis de Craon, en Mayenne, sur les actions à conduire et le premier enseignement à tirer pour la filière». Cette soudaine communication semble avoir été motivée en prévision de la diffusion de Cash-Investigation, le soir même sur France 2.
Mais, au fait, pourquoi Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, est-il sorti du bois dimanche et pourquoi, après Bruno Le Maire la semaine dernière, Stéphane Travert a-t-il éprouvé le besoin de réunir les représentants syndicaux de producteurs de lait et les transformateurs mardi 16 janvier 2018 avant de faire cette communication ? Tout indique qu’il s’agissait d’un contre- feu pour convaincre le soir même les téléspectateurs qui ont regardé Cash-investigation sur France 2 que le gouvernement avait le dossier bien en main. Car France 2 a longuement parlé hier soir de Lactalis, de son patron milliardaire et cachotier qui ne rend pas public les comptes de son entreprise, mais qui figure parmi les plus mauvais payeurs concernant la rémunération des éleveurs.
La grosse arnaque du quota B chez Sodiaal
Dans ce dossier en trois volets, le second était consacré à Sodiaal. La plus grande coopérative laitière de France n’a pas donné aux téléspectateurs une meilleure image que la firme privée Lactalis. Mis sur le grill par Elise Lucet , Damien Lacombe, son président non exécutif, lui-même producteur de lait en Aveyron, fut de bout en bout à cours d’arguments pour justifier la politique d’une « coopérative » qui est gérée par des financiers et dont la politique est celle d’un firme cherchant à gagner des parts de marché dans le monde entier. Au moment de la sortie des quotas laitiers en 2015, elle a ainsi poussé ses adhérents à acheter de nouveaux droits à produire, le volume B, venant s’ajouter au volume A. Ce dernier était le quota annuel de chaque producteur jusqu’en mars 2015. Le B ajouté au A permettait de produire plus à partir d’avril 2015. Mais avec un prix nettement plus bas pour le volume supplémentaire. Au plus fort de la crise, le prix du litre de lait de ce volume B est tombé à 19 centimes quand celui du volume A était à 27 centimes alors qu’il aurait fallu un prix moyen de 34 à 35 centimes pour que les producteurs de lait puissent tirer un revenu à peine décent de leur travail.
Le troisième volet de Cash-Investigation nous a fait voyager jusqu’en Nouvelle Zélande où l’herbe est plus verte et plus abondante qu’en Europe, ce qui diminue les coûts de production. Les images ramenées des antipodes nous ont montré des élevages de plusieurs centaines de vaches et des paysans de plus en plus endettés à force d’acheter de la terre afin de produire plus pour l’exportation à des prix « compétitifs ». Nous avons vu aussi comment l’irrigation des prairies asséchait les rivières et faisait baisser le niveau des nappes phréatiques tandis que les résidus d’azote faisaient proliférer les algues vertes, comme dans certains de nos bassins laitiers et de production porcine.
Quand Fonterra oriente le prix mondial du lait
En Nouvelle Zélande, Fonterra , une « coopérative » laitière beaucoup plus grosse que Sodiaal, collecte 80% de la production laitière du pays et exporte plus de 90% de ses produits laitiers. Dans la France Agricole du 12 janvier 2018, Mélanie Richard, de l’Institut de l’élevage, annonce une nouvelle baisse du prix du lait en ces termes : « Suite à la reprise de la collecte et des fabrications de commodités laitières, on observe le premiers signes de repli du lait dans les grands bassins de production. Fonterra, la première coopérative laitière néo-zélandaise, a annoncé un recul de son prix prévisionnel de campagne au début de mois de décembre. Même scénario pour la coopérative néerlandaise Friesland Campina. En France, les éleveurs ont déjà expérimenté des baisses sur octobre et novembre, notamment liées à des coefficient de saisonnalité qui jouent négativement à cette période de l’année».
Ainsi fonctionne la mondialisation du marché des produits laitiers avec une course tous azimuts des entreprises coopératives et privée pour gagner de parts de marché. Avec des prix toujours plus bas pour les fournisseurs de matière première que sont les éleveurs. Avec la salmonelle en prime dans le lait infantile vendu par Lactalis !
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