Peut-on préparer puis faire voter une loi en France dans le but affiché d’améliorer les relations commerciales entre les distributeurs, les transformateurs et producteurs de viande bovine et, en même temps, conclure un accord de libre échange avec les pays du Mercosur pour importer 90 000 tonnes de viande bovine par an en Europe? La réponse est non et les dirigeants français tiennent un double langage aux éleveurs.
La conjoncture va-t-elle s’améliorer pour les éleveurs de bovins à viande en 2018 ? A en juger par l’analyse fournie au début de ce mois de février par le « conseil spécialisé pour les filières viande rouge de FranceAgriMer », il semblerait que cette année encore sera difficile pour les éleveurs spécialisés en races à viande. Cette analyse nous dit d’abord que « la consommation de viande bovine a continué de décliner en 2017» dans notre pays, même si la consommation par habitant reste la plus importante en Europe devant le Danemark et l’Irlande.
Elle nous dit ensuite que « la Pologne constitue un compétiteur de plus en plus sérieux avec des exportations qui explosent depuis deux ans et progressent encore en 2017 ». Qui plus est, selon FranceAgriMer, « la filière bovine reste également confrontée au manque de visibilité sur le secteur laitier qui pourrait à nouveau décapitaliser du cheptel et abonder le marché de la viande en 2018, face aux excédents de stocks de poudre de lait qui pèsent sur les marchés laitiers ».
Le stock de poudre de lait peut faire baisser le prix de la viande
Il faut ici comprendre que le stock de poudre a été, en 2015-2016, la conséquence d’une trop forte augmentation de la production laitière en Europe, suite à la sortie des quotas de production par pays en avril 2015. Ce stock de poudre demeure élevé, de l’ordre de 350 000 tonnes au niveau européen. Alors que la production laitière européenne est repartie à la hausse depuis des mois, après avoir baissé en 2016, les laiteries pourraient prendre prétexte de ce stock élevé de poudre qui se vend mal pour faire baisser le prix du lait en 2018. Une nouvelle baisse pousserait les éleveurs laitiers à vendre plus de vaches de réforme que prévu et cette offre accrue d’animaux de boucherie ferait à nouveau baisser le prix de toutes les viandes bovines sur les marchés.
On voit mal comment le texte de loi que prépare le gouvernement sur la formation des prix d’ici l’été prochain pourrait avoir la moindre efficacité dès lors que l’offre européenne en viande bovine dépassera la demande. Les analystes de FranceAgriMer écrivent à ce propos : « Le texte prévoit, à ce stade, que la proposition de contrat écrit devra désormais émaner de l’exploitant agricole et non de l’acheteur. La mesure est destinée à faire évoluer la construction du prix en redonnant la main à l’amont agricole. En cas de contrat écrit, qu’il soit obligatoire ou volontaire, des indicateurs de coûts de production et de marchés devront être pris en compte dans la formule de fixation du prix».
Mais que vaudra cette construction intellectuelle sur la formation des prix dans une Europe à 28 pays sans tarifs douaniers si une nouvelle décapitalisation dans le cheptel laitier devait conduire les éleveurs allemands, polonais, irlandais, néerlandais et autres à proposer plus de viande bovine à nos enseignes de la grande distribution qui sont libres de s’approvisionner où bon leur semble ? Peut-on, dans ce contexte, espérer une meilleure rémunération des éleveurs de bovins à viande dans une France prise isolément ? D’autant que, comme l’a dit Bruno Dufayet devant Stéphane Travert « les nouvelles obligations contractuelles sont encore trop floues, la référence aux coûts de production imprécise, les contrôles et sanctions insuffisants », dans le projet de loi.
Le pire est à venir en cas d’accord entre l’Europe et le Mercosur
Sans compter que le pire est encore à venir en cas de signature d’un accord de libre échange très prochainement entre l’Union européenne et le pays du Mercosur. « La France, a dénoncé le président de la FNB, apporte son plein soutient à la conclusion d’accords de libre échange qui, selon l’Institut de l’Elevage, pourraient aboutir à la disparition de 30 000 éleveurs sur nos territoires ! Le CETA est déjà appliqué avant même d’avoir été ratifié par nos parlementaires et a ouvert le marché européen à 65 000 tonnes de viandes canadiennes. Des viandes issues de feedlots de 26 000 bovins en moyenne, engraissés aux OGM, aux farines animales, aux antibiotiques! Un accord avec le Mercosur portant sur un nouveau contingent de 90 000 tonnes pourrait être signé dans les prochains jours, alors même que ces viandes ne présentent aucune garantie sur le plan sanitaire».
Ajoutons que cette abondance de l’offre de viande bovine importée est le plus sûr moyen de rendre totalement inefficace la loi que prépare gouvernement sur l’amélioration des relations commerciales.
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