Plan Hôpital : le pire est à craindre

Devant la colère qui monte dans les Hôpitaux et les EHPAD, le ras-le-bol grandissant que nos parlementaires recueillent dans leur « Tour de France » démarré ce 12 février, Édouard Philippe a dû annoncer le lancement prochain d’une nouvelle réforme « globale, cohérente, méthodique » de l’ensemble du système de santé.

On verra ce que l’on verra. Mais, cette fois-ci, ce sera, paraît-il, la bonne, « le temps des rafistolages est révolu. Il faut mettre de l’ordre » pour l’équipe Macron.

Quand on connaît le goût de ce gouvernement pour l’austérité, la pensée de Mme Buzyn sur les 30% de soins hospitaliers qui ne seraient pas pertinents, les 4 milliards d’euros en moins en 2018 sur le budget de la santé, dont au moins 1,6 pour l’Hôpital … le pire est à craindre quand on nous parle d’un vaste plan de « transformation de l’offre de soins et qu’il ne s’agit pas de dépenser plus mais mieux ». Un plan qui risque d’être aussi funeste que celui de la réforme de l’action publique, « CAP 2022 » annoncée en septembre dernier.

L’enveloppe annoncée de « 100 millions d’euros par an en plus de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie » va grossir les entreprises du numérique. C’est une insulte aux personnels de santé maltraités par un manque criant de personnels et de moyens. La réforme du financement à l’activité (T2A) est un leurre, l’arbre cachant la forêt : une offre de soins publique peau de chagrin ! Plus grave encore, le tout ambulatoire est réaffirmé alors que chacun voit bien s’étendre, en zone rurale comme urbaine, la désertification médicale. La seule remise en cause du Numérus clausus ne saurait suffire à répondre aux maux créés, car il faut plus de dix ans pour former un généraliste et quinze pour un spécialiste. Et que dire de l’état de nos universités sélectives et sans moyens suffisants pour accueillir plus d’étudiants médicaux ou paramédicaux.

Lors de leur États généraux du progrès social, le 3 février dernier, les communistes ont invité largement à faire état des 1700 luttes, selon la CGT, qui poussent le Premier ministre à sortir du bois. Ils ont décidé de tout faire pour aider à cette convergence des luttes, mais aussi à donner les bonnes réponses à la crise que rencontrent personnels et malades. Il y a urgence à changer de logiciel, à reprendre l’argent qui depuis des décennies passe de la Sécu dans les poches du Patronat, à la financiarisation de la santé et de la protection sociale.

Il est possible et urgent de restaurer des budgets de fonctionnement des hôpitaux publics, d’effacer la dette inique, de mettre en place un vaste plan d’embauche d’emplois stables et formés, d’engager de véritables négociations avec les formations syndicales sur l’organisation et les conditions de travail.

Nutella: un laboratoire du malaise social

Photo : Damien Meyer/AFP

Photo : Damien Meyer/AFP
Une tribune d’Olivia Bianchi, philosophe.

Certains faits anodins possèdent une valeur – ou, vu le contexte, une saveur – qui excède leur caractère anodin. Sans importance, ces faits ne nécessitent en principe aucun traitement urgent, un traitement d’appoint suffit, Dans la presse quotidienne, les faits anodins ne méritent pas d’être rapportés publiquement, ils intéressent peu et se distinguent des faits divers, par leur absence d’affect. Précisons l’étymologie du mot « anodin », il signifie « contre la douleur ». Les faits anodins, les histoires anodines possèdent donc une vertu comparable à celle d’une analgésie, ils ne blessent pas, ils apaisent, ce qui explique qu’ils trouvent rarement leur place dans des rubriques journalistiques à sensation. Mais qu’est-ce qui est anodin et qu’est-ce qui ne l’est pas?

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Solidarité: les artistes s'adressent à la ministre de la Culture

Le comédien britannique Jude Law dans un théâtre informel de la "jungle" de Calais, en février 2016. Photo : Philippe Huguen/AFP

Le comédien britannique Jude Law dans un théâtre informel de la « jungle » de Calais, en février 2016. Photo : Philippe Huguen/AFP

Des directeurs et directrices de théâtres et d’institutions, des personnalités du monde des arts et de la culture d’horizons différents apportent une réponse au discours de Madame Françoise Nyssen, ministre de la Culture aux BIS de Nantes le 17 janvier dernier.

Madame la ministre de la Culture,  
 
Vous avez convié certain.e.s  d’entre nous à la fin de l’automne à un dîner pour parler de nos différentes actions auprès des exilé.e.s qui cherchent actuellement refuge en France. Nous vous avons proposé alors d’organiser une commission dont nous étions prêt.e.s à prendre la charge, afin d’établir un dialogue avec le ministère de l’Intérieur. Nous avons insisté sur la nécessité et l’urgence d’ouvrir ce dialogue entre les artistes, les acteur.trice.s culturel.le.s et le ministère de l’Intérieur, dialogue sans lequel tous nos efforts, tout notre travail en direction des milliers d’exilé.e.s restent une goutte d’eau dans l’océan des violences qu’ils et elles subissent aujourd’hui sur notre territoire, dans cette France qui pour elles et eux représentait pourtant la patrie des droits de l’homme, une terre d’asile et de refuge, et qui n’est plus aujourd’hui, pour ces femmes, ces enfants et ces hommes, qu’un endroit de violence et de rejet.  Notre demande est restée lettre morte.

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Marx et l’écologie au XXIe siècle

Entretien réalisé et traduit de l’anglais par Jérôme Skalski
Photo : iStockphoto/GettyImages

Photo : iStockphoto/GettyImages

Kohei Saito, professeur d’économie politique à l’université de la ville d’Osaka, montre que Marx fournit un fondement méthodologique essentiel et incontournable à une analyse critique de la crise écologique mondiale actuelle.

En quoi la crise environnementale contemporaine et le réchauffement climatique en particulier impliquent-ils le capitalisme en tant que mode de production ?

Légende calée par le llamet il iriliqputpat, sllamet il am. Ero. Crédit photoKohei Saito Le capitalisme ne peut réaliser aucune production durable en raison de son système de production et de consommation de masse axé sur le profit. La logique de l’accumulation du capital s’avère incompatible avec les conditions matérielles de la reproduction de la nature à long terme. La nécessité urgente d’aujourd’hui de prévenir le changement climatique et de faire de notre planète un espace habitable pour les générations à venir exige une transformation radicale de notre mode de vie actuel. Le temps qui nous reste n’est pas si long. Continuer la lecture de Marx et l’écologie au XXIe siècle

Faut-il reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle ?

Entretiens croisés réalisés par Nicolas Dutent

Photo : Getty Images

Photo : Getty Images

Table ronde avec Danièle Linhart, sociologue du travail, directrice de recherches émérite au CNRS, Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet Technologia et Philippe Zawieja, chercheur associé à l’université de Sherbrooke (Québec).

Rappel des faits. Une proposition de loi, à l’initiative de la France insoumise, a été rejetée et à peine examinée. Sujet débattu depuis quarante ans, l’état d’épuisement professionnel n’est toujours pas considéré comme une maladie.

Une proposition de loi visant la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle vient d’être à nouveau rejetée. On parle d’un phénomène qui, selon une estimation admise par l’Inserm, la Sécurité sociale ainsi que l’Académie nationale de médecine, concernerait 400 000 cas réels. Comment analysez-vous ce rejet ?

Paris - Le 15 novembre 2010 - DANIELLE LINHARDT - - Débat entre Bernard Friot, economiste, sociologue et professeur emérite à l'université Paris Nanterre, et Danielle Linhardt sociologue du travail Dr recherche au CNRS - Photo Patrick NussbaumDanièle Linhart Nombre de cas de burn-out qu’on est amenés à connaître remettent en question le retour à leur travail des personnes concernées (notamment celles qui sont salariées). Le plus souvent, il ne leur suffit pas de « se reposer » quelques semaines, quelques mois, parfois même quelques années pour être en mesure de reprendre sereinement le chemin de leur bureau ou de leur atelier. Elles font part du profond malaise qui peut les envahir aussitôt qu’elles approchent de leur lieu de travail. Continuer la lecture de Faut-il reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle ?