C’est dans l’enceinte de la médiathèque des Mureaux, dans les Yvelines, que l’académicien a remis au président de la République son rapport « Voyage au pays des bibliothèques ».
C’est un rapport dense, condensé. Un diagnostic au plus près du terrain émaillé de nombreux exemples, fruit de plus de trois mois de pérégrinations sur l’ensemble du territoire, y compris l’outre-mer. Des chiffres, des expérimentations, des objectifs : tel est le « Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd’hui, lire demain » d’Erik Orsenna. Le texte affiche l’ambition de faire des bibliothèques et médiathèques « l’accès des accès » à l’ensemble des connaissances, « des maisons de service public de la culture », épicentres d’une dynamique non seulement en faveur de la lecture, mais aussi en faveur de l’accès à d’autres œuvres de l’esprit, selon le précepte de Malraux. Orsenna appelle de ses vœux « un plan national pour les bibliothèques ». Il était temps.
40 % des Français fréquentent les bibliothèques
La France compte 16 500 lieux de lecture (7 700 bibliothèques, 8 800 points d’accès aux livres), 38 000 agents et 82 000 bénévoles. Cela représente 1,7 milliard de dépenses pour les collectivités territoriales. 40 % des Français fréquentent les bibliothèques, chiffre en constante augmentation depuis 2005, même s’ils ne sont que 12 % à y emprunter des ouvrages. Ces chiffres tiennent compte de plusieurs paramètres qui viennent illustrer des contrastes saisissants en matière d’inégalités/disparités territoriales, selon que l’on soit en zone urbaine, périurbaine, rurale ou ultramarine. Et les inégalités ne sont pas forcément où l’on croit.
Orsenna souligne l’évolution des bibliothèques, lieux de vie, de partage, d’échange, dont la mission va bien plus loin que le seul prêt de livre ou conseil de lecture. Les liens tissés dès la plus petite enfance via les PMI, avec les écoles, les centres de loisirs, les collèges, les lycées. Ceux qui se nouent avec les dizaines d’associations qui servent de relais entre des populations éloignées ou défavorisées et luttent contre l’illettrisme. Orsenna note l’énergie et le désir des personnels, leur capacité à innover, à inventer. Un hommage à la mesure de leur engagement au long cours. Il était temps.
La question de l’amplitude des horaires d’ouverture est posée en des termes plutôt pertinents. Orsenna réfute une ouverture uniformisée des bibliothèques. Il insiste sur une ouverture qui tienne compte des besoins des populations, qui diffèrent d’un bassin de vie à un autre, sur la nécessité de renforcer le fonctionnement en réseau (commune, intercommunalités) et plaide pour une meilleure complémentarité du réseau existant, dans « le respect des conditions de travail des personnels » et « de la qualité de fonctionnement de service ». « Ouvrir plus, ouvrir mieux », clame-t-il. Avant de rappeler que cela sera rendu possible si l’État « accompagne financièrement » la mise en œuvre de ces objectifs, aux côtés des collectivités territoriales déjà très impliquées et dorénavant asphyxiées. Il prend ainsi au mot le chef de l’État qui, lors d’un récent discours prononcé à Roubaix, avait déclaré : « Partout où les collectivités le jugeront nécessaire, l’État les accompagnera en finançant ces ouvertures complémentaires. »
Il y aurait donc urgence à ce que les ambitions affichées bénéficient des moyens adéquats. Le rapport Orsenna pointe aussi des points noirs (accès des handicapés, des étudiants et des détenus). La question de la gratuité n’est pas abordée. Il propose de faire circuler les livres entre bibliothèques, La Poste, Pôle emploi, dans les trains, comme cela commence à exister. Alerte sur l’importance des bibliothèques pour lutter contre la fracture culturelle, sociale, sociétale et numérique. Et d’impliquer toujours plus l’éducation nationale, mais aussi les autres domaines de la création, pour faciliter l’accès et la circulation des livres. Il était temps, grand temps, de s’arrêter sur ce formidable outil d’émancipation humaine que sont les bibliothèques et de le remettre au cœur de la politique culturelle.
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