L’impitoyable exode rural des services publics

Des lignes de chemin de fer aux bureaux de poste, de l’école à l’hôpital, le recul des services publics menace le développement des campagnes.

C’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Derrière l’annonce de la fermeture du service des urgences de nuit de l’hôpital de Clamecy (Nièvre), c’est en réalité l’aggravation de l’enclavement de tout un territoire qui se profile. Fermetures de bureaux de poste, de lignes SNCF, de classes, d’administrations… La désertification gagne du terrain dans les communes rurales, obérant gravement les possibilités de développement économique.

C’est dans ce contexte que la remise du rapport Spinetta – qui préfigure une nouvelle réforme du système ferroviaire – est venue, cette semaine, renforcer les craintes des élus et des usagers du train. Ainsi, les liaisons Clamecy-Avallon (Yonne) via Cravant-Bazarnes (Yonne) et Clamecy-Corbigny (Nièvre), qui irriguent tout un bassin, sont menacées de disparaître. « Il y a un danger imminent sur ces lignes », confirme Serge Fresneau, maire adjoint (PCF) de Clamecy. L’élu, qui juge la situation « très grave », rappelle en outre que la Nièvre « fait déjà face à d’énormes difficultés économiques et sociales, avec nombre de Nivernais qui ont du mal à se déplacer ».

Certes, la question de la desserte ferroviaire des territoires ruraux ne date pas d’hier. Et à Clamecy, l’association Rail Vaux d’Yonne a d’ailleurs vu le jour en 1995, alors que « le conseil régional de l’époque voulait carrément fermer les lignes du sud d’Auxerre », explique son président, Michel Belin. Mais si la mobilisation de tous a permis in fine de sauvegarder ces lignes, la vétusté du réseau, la politique de substitution par cars, la fermeture des guichets et des gares n’ont depuis cessé de dégrader le service rendu, faisant peser de nouvelles menaces. « Il y a quelques années, deux allers-retours par jour ont été supprimés entre Clamecy et Paris, ce sont pourtant des trajets domicile-travail, détaille Michel Belin. À Corbigny, la gare, pourtant tête de ligne, n’a plus ni guichet ni même de distributeur automatique. » Ubuesque, lorsqu’on sait que « le seul train quotidien à destination de Paris part à 5 heures du matin et que la seule possibilité d’acheter un billet est de se rendre à la maison des services publics, évidemment fermée à cette heure-là, se désole Michel Belin. C’est de pire en pire et les cars de substitution, trop lents, sont un désastre ».

La logique à l’œuvre revient à « éloigner les gens des services publics », résume Serge Fresneau. Et ce, y compris quand la réalité du terrain imposerait la démarche inverse. C’est le cas du lycée de Clamecy. L’établissement « fonctionne bien, il y a de plus en plus d’élèves et malgré cela, on ferme une classe », explique l’élu, qui dénonce, dans la foulée, la réduction des horaires d’ouverture de l’agence postale de la ville, la « disparition des bureaux de poste dans les petites communes du département » et, plus aberrant encore, « la fermeture de la sous-préfecture et son déménagement dans les bureaux de la maison des impôts de Cosne-sur-Loire ».

Pour Jany Siméon, maire (sans étiquette) de La Chapelle-Saint-André (Nièvre, 340 habitants) et président de la communauté de communes Haut Nivernais-Val d’Yonne, qui comprend Clamecy, « on est sur une attaque en règle de la ruralité au plan national ». Les urgences de nuit ne sont ni le premier ni le dernier service hospitalier attaqué : « Il y a Clamecy, mais il y a aussi Decize, Cosne-sur-Loire, Tonnerre, Avallon, égrène l’élu. Et on sait que partout où on ferme l’accueil de nuit, c’est l’accueil de jour qui finit par être touché. À Clamecy, il y a eu la fermeture de la maternité, on nous a garanti que la chirurgie n’allait pas suivre. Et la chirurgie a fermé. »

Marion d’Allard, journaliste

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