Une femme sur trois a déjà été confrontée à une situation de harcèlement ou d’agression sexuels sur le lieu de travail, selon une étude Ifop rendue publique hier.
Depuis l’éclatement de l’affaire Weinstein, le 5 octobre 2016, et l’immense vague de témoignages sur les réseaux sociaux qu’elle a provoquée, notamment via les hashtags tels #BalanceTonPorc ou #MeToo, une toute première étude sur le harcèlement sexuel au travail a été rendue publique, hier, par l’Ifop pour le compte du site VieHealthy.com. Le constat est sans appel : l’ampleur du phénomène dans le monde du travail n’a rien à envier à celui constaté dans l’espace public. 32 %, presque une femme sur trois, indique avoir été victime au moins une fois de harcèlement sexuel, voire d’agression sexuelle au cours de sa carrière.
L’enquête fait apparaître qu’en la matière les harceleurs ne manquent pas d’imagination, jouant sur tous les registres : verbal, visuel, psychologique, physique. Sifflements, gestes ou paroles grossières, remarques déplacées sur la silhouette ou la tenue vestimentaire, les formes verbales ou visuelles de harcèlement, sont les atteintes les plus répandues. 27 % des femmes subissent des commentaires et gestes déplacés, dont 14 % de manière répétée. Les enquêtées sont un peu moins nombreuses à souffrir des formes « physiques » de harcèlement. Soit des contacts légers (11 % à plusieurs reprises) soit des attouchements sur les parties intimes du corps, notamment des mains aux fesses (13 % au moins une fois). Enfin, si les pressions psychologiques visant, dans une logique « promotion canapé », à obtenir un recrutement en échange d’un rapport sexuel sont moins fréquentes, elles concernent tout de même 8 % des femmes.
Qui sont les harceleurs ? Le panel des auteurs de harcèlement sexuel est assez large et ils varient selon la nature de l’acte. Contrairement aux idées reçues, une minorité de femmes déclarent que l’auteur des faits est un supérieur hiérarchique. Si 62 % des femmes confrontées à des pressions psychologiques exercées pour obtenir un acte sexuel en échange d’une promotion ou d’un recrutement désignent leur « chef », les autres formes de harcèlement sexuel (verbaux, physiques) sont soit le fait de collègues – notamment les remarques gênantes sur le physique (55 %) ou les propos à connotation sexuelle (49 %) –, soit le fait de personnes extérieures à l’entreprise, des clients ou des fournisseurs. Par ailleurs, l’enquête révèle une liste de facteurs aggravants, comme le statut marital (les femmes seules subissent plus de harcèlement à caractère sexuel (35 %) que les femmes en couple (31 %). De même, plus surprenant, l’indice de masse corporelle qui joue à la défaveur des « minces ». L’Ifop constate à ce propos que « dans le monde du travail, la ségrégation sur l’apparence joue généralement en faveur des personnes souscrivant aux stéréotypes morphologiques dominants ; elle joue logiquement en leur défaveur en matière de harcèlement sexuel ».
Les femmes cadres, premières victimes
La catégorie professionnelle semble également discriminer les victimes en fonction de leur place dans la hiérarchie. Ainsi, 40 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont victimes de harcèlement, soit 8 points de plus que la moyenne des femmes confrontées à des actes de harcèlement sexuel. Elles sont deux fois plus nombreuses que les ouvrières (23 %). L’Ifop note qu’une étude de 2009 arrivait déjà à cette conclusion que le harcèlement n’était « pas seulement l’expression d’un désir sexuel mais aussi d’un désir de contrôle et de domination. Le harcèlement servant d’égaliseur dans les relations avec les femmes en position de pouvoir ». Enfin et sans surprise, l’étude montre, ce qui est le cas également des actes subis dans l’espace public, que la plupart des femmes minorent le harcèlement. Elles en parlent peu souvent et de façon privilégiée à des proches ou collègues de même rang. Les femmes qui osent le plus parler à un supérieur sont plus jeunes, plus diplômées et plus aisées que la moyenne. Ou agents de la fonction publique (26 %), se sentant sans doute mieux protégées par leur statut. En revanche, seules 12 % des salariées du privé osent se défendre d’une agression. Si la parole des femmes victimes s’est incontestablement libérée ces dernières semaines, l’étude montre qu’une majorité n’ose pas agir, « tout particulièrement les femmes ne disposant pas d’un niveau de formation, d’un statut ou d’un confort matériel leur permettant de prendre le risque d’un conflit avec leur hiérarchie », analyse l’Ifop.
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D’abord annoncé pour le 7 mars, le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles sera finalement présenté en Conseil des ministres « fin mars », a annoncé hier Marlène Schiappa. Le texte comprendra notamment une nouvelle mesure pénalisant le harcèlement de rue. Un rapport parlementaire, remis hier, préconise la création d’ « une amende pour outrage sexiste », qui serait « une contravention de 4e classe », correspondant à un montant « entre 90 euros, quand l’amende est minorée, et 750 euros, quand il y a des relances et qu’elle n’a pas été payée immédiatement ».
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