Espagne. Cinq millions de grévistes pour un 8 mars historique

La mobilisation massive pour les droits des femmes, comme ici à Bilbao, « doit être interprétée comme un mandat du monde du travail et des citoyens au gouvernement pour qu’il prenne des mesures contre le fossé de genre et l’inégalité », estiment les deux grandes centrales syndicales.V. West/Reuters

La mobilisation massive pour les droits des femmes, comme ici à Bilbao, « doit être interprétée comme un mandat du monde du travail et des citoyens au gouvernement pour qu’il prenne des mesures contre le fossé de genre et l’inégalité », estiment les deux grandes centrales syndicales.V. West/Reuters

L’appel à cesser le travail pour la Journée internationale des droits des femmes, hier, a été accompagné de rassemblements très suivis.

Machisme, harcèlement, inégalités de salaires, féminicides. « Il n’y a pas qu’une raison de faire grève, il y en a trop ! » proféraient les organisations féministes qui appelaient à arrêter le travail en Espagne à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Il y avait au moins 5,9 millions de raisons de faire grève. C’est le nombre d’arrêts de travail de deux heures, jeudi, comptabilisés par les syndicats Commissions ouvrières (CCOO) et Union générale du travail (UGT). Femmes et hommes ont croisé les bras. Un chiffre impressionnant, à la mesure de la formidable mobilisation.

Selon le décompte des deux centrales, 60 assemblées se sont tenues dans les administrations des communautés autonomes. 3 000 réunions ont eu lieu dans les entreprises et administrations publiques. 20 000 comités d’entreprise ou sections syndicales ont fait au moins une déclaration. En Catalogne, les syndicats d’enseignants ont fait état d’une participation de 20 % dans les établissements primaires et secondaires. En Andalousie, selon l’UGT, la grève a été suivie par 65 % des salariés, avec des pointes de 84 % dans l’administration locale et les services postaux. Dans la métallurgie, secteur pourtant très masculin, la participation à la grève serait nationalement de 20 %, et de 50 % dans celui du télémarketing, selon les petits syndicats CNT et CGT qui appelaient, eux, à un arrêt de travail de 24 heures. Le mouvement social a également touché les médias : aucune voix féminine hier sur Cadena Ser, la radio la plus écoutée de l’autre côté des Pyrénées. Par ailleurs, 300 trains ont été annulés et des métros manquaient à l’appel à Madrid et à Barcelone. La Renfe, l’entreprise nationale de chemins de fer, a enregistré une baisse de son trafic de 25 %.

Jeudi à Portugalete. Photo : Vincent West/Reuters

Au total, 300 manifestations ont été organisées dans 200 villes. À Bilbao, elles étaient des milliers à entonner des chants féministes. À Murcie, on trouvait un millier de personnes. Selon les CCOO et l’UGT, plus de 100 000 salariés ont participé aux différents rassemblements. « Cela doit être interprété comme un mandat du monde du travail et des citoyens au gouvernement pour qu’il prenne des mesures contre le fossé de genre et l’inégalité », estiment les représentants des deux centrales. Dans les grandes villes, Madrid, Barcelone, des rassemblements étaient organisés jeudi soir, qui s’annonçaient massifs.

L’écart de salaire entre hommes et femmes est de 23 % en Espagne. Selon les Commissions ouvrières, 75 % des postes à temps partiel sont occupés par des femmes, et les compléments de salaires sont 44 % plus élevés pour les hommes que pour les femmes.

La mobilisation a aussi pris des formes plus humoristiques. L’évêque de San Sebastian, José Ignacio Munilla, qui avait critiqué en début de semaine sur Radio Marie la grève du 8 mars, attribuant au « démon » le fait que les féministes se soient emparées de la « théorie du genre », a été accueilli jeudi à sa sortie de la cathédrale par des militantes seins nus. Plusieurs statues masculines de la capitale, Madrid, ont été recouvertes d’un tablier, et certains grands hommes tenaient ainsi un plumeau dans leur main. La question de l’inégalité de la charge des tâches domestiques faisait partie, comme les années précédentes, des préoccupations au cœur de la journée du 8 mars. Les conjoints étaient invités à s’occuper, ce jour-là au moins, des enfants ou parents à charge. Cette journée de mobilisation ne visait pas que les inégalités au travail. Les Espagnoles étaient aussi invitées à une « grève de la consommation », pour protester contre le taux de TVA appliqué à des produits féminins indispensables tels que les serviettes hygiéniques.

Jeudi à Bilbao. Photo : Vincent West/Reuters

L’Espagne est l’un des pays où la journée du 8 mars a été la plus suivie dans le monde. Des manifestations ont été organisées à New Delhi en Inde, à Séoul en Corée du Sud, à Manille aux Philippines, à Melbourne en Australie, au Népal et dans bien d’autres pays.

Gaël De Santis

journaliste

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