Biodiversité. Le réchauffement menace près d’une espèce sur deux dans les écosystèmes remarquables

35 « Ecorégions prioritaires, - l’Australie, l’Amazonie (photo), l’Est de l’Himalaya, les Galápagos ou encore le bassin du Yang-Tsé-Kiang- ont été étudiées WWF pour leur richesse variétale ou le nombre d’espèces en voie de disparitions qu’elles abritent. Photo : AFP

35 « Ecorégions prioritaires, – l’Australie, l’Amazonie (photo), l’Est de l’Himalaya, les Galápagos ou encore le bassin du Yang-Tsé-Kiang- ont été étudiées WWF pour leur richesse variétale ou le nombre d’espèces en voie de disparitions qu’elles abritent. Photo : AFP

Selon une étude portant sur 35 régions emblématiques de par leur biodiversité, un réchauffement global de 4,5°C conduirait à voir disparaître localement jusqu’à 48% des espèces. Les plantes et les amphibiens sont les plus menacées.

Le réchauffement climatique ne fera pas de quartier aux écosystèmes les plus singuliers de la planète. C’est le résultat inquiétant de la recherche réalisée par le WWF et le Tyndall Centre for Climate Change de l’Université d’East Anglia, en Grande Bretagne, et publiée ce 14 mars dans la revue scientifique Climatic Change.

Selon les projections réalisées dans 35 régions du monde, sélectionnées pour leur biodiversité emblématique, un réchauffement global de 4,5°C, soit celui vers lequel nous nous dirigeons si rien n’est entrepris, pourrait conduire à voir disparaître localement jusqu’à 48% des espèces vivant dans ces zones. Même limité à 2°C, comme le préconise l’Accord de Paris sur le climat conclue en 2015, le réchauffement global pourrait engendrer une perte de 25% de ces espèces.

69% à des espèces de plantes d’Amazonie Guyane courent le risque de disparaitre localement dans le cas d’un réchauffement global de 4,5°C

Entre ces deux scénarios – le pire et le moins pire -, chercheurs et écologistes ont étudié une multitude de cas de figures. Tous confirment des perspectives maintes fois exposées scientifiquement : plus le réchauffement sera rapide et conséquent, plus le nombre d’espèces impactées sera important. Les moins mobiles et les plus lentes – à savoir les plantes, les amphibiens et les reptiles – s’éteindront les premières, dans une proportion qui dépendra aussi de notre capacité à ne pas en rajouter avec, par exemple, de la déforestation.

Partout, des températures saisonnières à la hausse

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont étudié 35 « Ecorégions prioritaires », ciblées par le WWF pour leur richesse variétale, le nombre d’espèces en voie de disparitions qu’elles abritent ou encore celles qui leur sont endémiques (que l’on ne trouve nulle part ailleurs). Parmi ces écorégions, on retiendra pêle-mêle l’Australie, l’Amazonie, l’Est de l’Himalaya, les Galápagos ou encore le bassin du Yang-Tsé-Kiang.

S’appuyant sur les niveaux de réchauffement global envisagés selon l’importance des actions menées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ils ont ensuite modélisé les conditions climatiques futures spécifiques à chacune de ces régions. « Dans un grand nombre d’Ecorégions prioritaires, il est prévu que les températures saisonnières moyennes dépassent celles qui n’avaient été préalablement observées qu’à l’occasion des années les plus chaudes des cinquante dernières années », relate la synthèse de l’étude réalisée par le WWF. Dans certains cas, ces coups de chaud pourraient se produire « dès 2030 », avec à la clé, une pluviométrie plus faible et des épisodes de sécheresses plus longs.

A Madagascar, la température a déjà augmenté de 0,4°C depuis 1961. A +2°C, 31% des espèces d’amphibiens pourraient disparaitre localement.

Des bouleversements, rappellent les chercheurs, surviendront même si la hausse des températures moyennes à l’échelle mondiale est contenue à 2°C d’ici la fin du siècle, soit l’engagement minimal qu’ont pris les Etats dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat (l’ambition forte étant de limiter le réchauffement à 1,5°C). L’intensité du branle-bas météorologique, en revanche, empirera pour chaque degré en plus qui n’aura pas pu être empêché.

Ainsi, si le réchauffement mondial atteint en moyenne 3,2°C à l’horizon 2080 – soit la température envisagée si les Etats se contentent des promesses d’actions actuellement mises sur la table (et les tiennent) -, 28% des espèces d’oiseaux de Madagascar courent, localement, un risque d’extinction. Si la hausse est au contraire limitée à 2°C, ce risque est divisé par deux, tombant à 14%. Si, au contraire, résolument rien n’est entrepris et que les températures grimpent en moyenne de 4,5°C, ce sont 40% des espèces d’oiseaux de l’île qui courent un grave danger.

La capacité à fuir, déterminante mais inégale

Encore est-ce là les perspectives les moins douloureuses, soit celles qui envisagent que les espèces disposeront d’une capacité de dispersion. Autrement dit, d’une possibilité de migrer vers d’autres zones moins hostiles et de s’y acclimater, le tout dans un laps de temps relativement rapide.

Or, cette capacité à fuir face au réchauffement est loin d’être garantie dans tous les cas de figures. « Ces déplacements se heurtent à d’importantes difficultés », relève ainsi l’étude. Des obstacles naturels, telles que les chaînes montagneuses, peuvent l’empêcher. L’artificialisation des habitats, surtout, peut freiner le cheminement. « L’habitat adapté vers lequel se déplacer peut ne pas exister, avoir déjà été converti en terres agricoles ou faire l’objet d’une autre forme d’utilisation des terres qui s’avère incompatible avec la survie d’une espèce donnée. » En d’autres termes avoir été bétonné, déboisé ou pollué d’une quelconque façon. Et là encore, cela change tout : « En l’absence de possibilité de dispersion, la part d’espèces exposées à une extinction au niveau local progresse de 20 % à près de 25 % » dans le cadre d’un réchauffement de 2°C. Le pire des scénarii, celui qui conjuguera une absence de dispersion et une hausse de 4,5°C, voit ce chiffre bondir jusqu’à 50 %.

Si les Etats se contentent de limiter la hausse des températures globales à 3,2°C, 55% des espèces de plantes et 43% des espèces d’amphibiens courent le risquent de disparaitre de la Méditerranée.

Toutes les espèces, en outre, n’ont, intrinsèquement, pas les mêmes capacités à se sauver. Anthropique, c’est-à-dire induit par l’activité humaine, le réchauffement auquel nous assistons se produit dans un délai bien plus court que les précédents bouleversements géologiques. De fait, plantes et animaux disposent, pour migrer, d’un temps bien plus limité que par le passé. Sans surprises, ce sont donc les espèces les plus « lentes », celles dépendant du vent pour se disséminer ou dont les aptitudes physiques n’offrent pas la possibilité de se mouvoir sur des distances très longues, qui ont le plus de risques de disparaître. Dans ces courses, les grands perdants sont, dans l’ordre d’arrivée, les reptiles, les plantes et les amphibiens. L’exemple de la région Amazonie Guyane est en ce sens éloquent. Dans le cas d’un réchauffement à 2°C avec possibilité de dispersion, 0% des espèces de mammifères et d’oiseaux courent, localement, un risque d’extinction. Ce taux monte à 35% pour les reptiles, à 43% pour les plantes et à 47% pour les amphibiens.

Marie-Noëlle Bertrand, Chef de rubrique Planète


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