Une note de la direction générale du travail demande à ses inspecteurs de « réserver » leur avis lorsqu’ils sont saisis par les cheminots sur le décompte des jours de grève.
«Inqualifiable. » C’est en ces termes que la CGT a dénoncé, vendredi, la note de la direction générale du travail (DGT, autorité centrale de l’inspection du travail) donnant instruction à ses agents de « réserver leur réponse » en cas de saisine par les syndicats de cheminots dans l’affaire du décompte des jours de grève. « Surtout, n’accomplissez pas votre mission… C’est exactement l’injonction que la ministre du Travail adresse aux agents de l’inspection du travail en charge des établissements de la SNCF », dénonce le Syndicat national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (SNTEFP-CGT).
Et ce dans un contexte où « la direction de la SNCF a annoncé des modalités de retenue de jours de grève pour pénaliser au maximum les cheminots (notamment retenues sur les jours de repos) et tenter de briser leur grève », poursuit le syndicat.
« Une violation de la convention 81 de l’OIT »
Cette note interne, datée du 25 avril, est signée du directeur adjoint de la DGT, Laurent Vilboeuf, qui justifie sa demande aux inspecteurs sur le terrain en invoquant une « nécessaire concertation entre le ministère du Travail et le ministère chargé des transports afin d’arrêter une position commune ». Un scandale doublé d’un paradoxe, estime Simon Picou, du SNTEFP-CGT. Scandale, d’une part, car le ministère des Transports, « promoteur de la réforme ferroviaire », ne risque pas d’adouber la démarche des syndicats de cheminots auprès de l’inspection du travail. Paradoxe, d’autre part, car « cela fait partie de notre travail de donner un éclairage juridique, dans l’indépendance vis-à-vis du pouvoir qui caractérise notre action », note Simon Picou. Pour la CGT, « cette manœuvre gouvernementale » entre directement en « violation de la convention 81 de l’OIT qui donne (aux agents de l’inspection du travail) la libre décision sur les suites à donner aux sollicitations ».
Sur ce dernier point, Simon Picou assure que « plusieurs saisines ont été enregistrées dans différentes régions dans le cadre de la grève des cheminots », dont certaines ont déjà donné lieu à un avis de l’inspection du travail, attestant du bien-fondé de la démarche des syndicats de cheminots. C’est d’ailleurs ce précédent qui a présidé à la rédaction de la note interne de la DGT. Ainsi dans son courrier, Laurent Vilboeuf, qui rappelle que la CFDT cheminots « aurait décidé d’introduire deux procédures d’urgence » (l’audience en référé est fixée au 9 mai), fait valoir que « l’un des éléments à l’appui de ces procédures est un courrier de réponse de l’UD 13 » (voir l’Humanité des 27, 28 et 29 avril) qui donne explicitement raison aux grévistes. « La DGT est censée être la garante de l’application de la loi », poursuit Simon Picou, et cette note se révèle constitutive d’une « violation caractéristique de la loi par ceux qui sont en charge de la faire appliquer », résume le SNTEFP-CGT.
Plusieurs précédents « tous illégaux »
En remontant un peu le fil de l’histoire, force est de constater que cette « tentative de caporalisation des agents de l’inspection du travail » par le ministère du Travail n’est pas inédite. Et plusieurs précédents, « tous illégaux » rappelle la CGT, soutiennent la comparaison. Ainsi, en 2010, alors que La Poste voit son statut juridique transformé d’établissement public en société anonyme, le ministère demandait aux inspecteurs du travail de reporter leurs contrôles sur les questions de santé-sécurité. Le conseil d’État a par la suite annulé cette note d’instruction. Idem pour Pôle emploi, quand, en 2015, la DGT a estimé que des pans entiers du Code du travail ne sauraient s’appliquer aux salariés de l’établissement public, avec, pour conséquence, un arrêt des contrôles, « notamment sur des heures supplémentaires impayées », précise Simon Picou.
Face à cette nouvelle tentative de la direction générale du travail de museler celui de ses inspecteurs, le SNTEFP-CGT « ne s’interdit pas, dans le futur, d’attaquer cette directive », poursuit Simon Picou, même si « ce n’est pas à l’ordre du jour pour le moment », précise le syndicaliste. Quoi qu’il arrive, son syndicat « invite les agents à faire usage de leurs prérogatives et à fournir un avis juridique » lorsque l’inspection du travail est saisie.
Fo demande un moratoire
Pascal Pavageau a demandé hier « un moratoire » sur la réforme ferroviaire. « Si vous voulez que les choses se tassent, vous gelez la réforme et vous reprenez le dialogue, vous prenez le temps », a déclaré le tout nouveau secrétaire général de Force ouvrière, enjoignant le premier ministre à « reprendre les discussions sereinement ». FO, non représentatif à la SNCF, n’a pas été convié à la réunion du 7 mai à Matignon à la demande de l’intersyndicale CGT, Unsa, SUD, CFDT. Une décision que regrette Pascal Pavageau, qui rappelle que son syndicat est représentatif « au niveau de la branche » ferroviaire.
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