Alors que le vote sur la loi agriculture et alimentation devrait avoir lieu mercredi en première lecture à l’Assemblée nationale, le député communiste Sébastien Jumel livre son analyse.
Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, qualifie la loi agriculture et alimentation de « révolution ». Visiblement, les agriculteurs ne sont pas de cet avis…
sébastien jumel Cette loi n’a rien de révolutionnaire. Elle est pavée de bonnes intentions et de générosité pour s’en prendre au mal-être de l’agriculture. Je pense notamment aux revenus qu’attendent les agriculteurs de leur travail. Sauf que cette loi, puisqu’elle est élaborée par des libéraux, ne donne pas la force de la loi qui régule, la force de la loi qui protège, ni la force de la loi qui se dote des indicateurs de formation des prix qui permettent de répondre à cet objectif. Je pense qu’il faut rappeler que le monde rural souffre. Le monde rural et agricole, ce sont 17 % des exploitations qui sont au bord de la faillite. Mais il a aussi compris qu’il fallait changer de modèle pour une meilleure alimentation.
Après les conclusions des états généraux de l’alimentation (EGA) qui mettaient en avant l’enjeu du prix rémunérateur, quelle analyse faites-vous de cette loi qui en découle ?
sébastien jumel Je crains que les espoirs créés par les EGA s’apparentent à de l’enfumage, faute d’une loi qui se donne les moyens législatifs d’inverser le rapport de forces entre les gros et les petits. Entre les distributeurs, les transformateurs et les producteurs. On dit aussi qu’il faut renforcer la part des produits bio dans les cantines scolaires pour les passer à 50 % et c’est bien. Mais quand il s’agit de mettre en place les moyens pour financer cela, le gouvernement nous renvoie dans les cordes. Stéphane Travert est confronté à la dure réalité de l’« en même temps ». On ne peut pas défendre d’un côté l’agriculture « made in France » et, de l’autre, laisser faire le marché, trinquer au Ceta comme il l’a fait avec Justin Trudeau, ou encore faire allégeance au libre-échange avec le Mercosur. Tout cela montre qu’on ne peut pas prétendre être au chevet des agriculteurs et « en même temps » être soumis à la loi du marché.
Donc, même ce qui est mis en place n’a pas de garantie d’être appliqué ?
sébastien jumel Oui, nous avons notamment interrogé Stéphane Travert sur les moyens dont bénéficieront, par exemple, les services vétérinaires et la DGCCRF (répression des fraudes – NDRL) pour effectuer leurs contrôles. Sans réponse. Et puis, nous notons un refus de reconnaître l’exception agriculturelle française de la part de la majorité. Tout ceci démontre l’impuissance des libéraux pour réguler et protéger.
Dans la bataille parlementaire, les députés communistes se sont battus pour faire infléchir la loi. Qu’avez-vous obtenu ?
sébastien jumel Nous avons déposé un grand nombre d’amendements pour mettre en place et encadrer un coefficient multiplicateur, pour donner à l’office public de formation et d’évaluation des prix des prérogatives dans la mise en œuvre des indicateurs permettant de construire les prix. Ces amendements-là, le ministre a dit en partager les objectifs mais a refusé de les inscrire dans la loi. Par contre, nous avons obtenu le renforcement des sanctions à l’égard de ceux qui ne jouent pas le jeu dans les négociations commerciales. Nous avons obtenu une sanction à 2 % du chiffre d’affaires, ce qui est un peu plus coercitif que prévu. Nous avons aussi permis d’empêcher à un acheteur de passer outre la conclusion d’un accord-cadre avec une organisation de producteurs malgré l’avis défavorable du gouvernement. Nous avons également déposé un amendement pour qu’on inscrive dans la loi la reconnaissance des petites fermes, de dimension humaine. Car ce sont elles qui permettent d’avoir une agriculture créatrice d’emplois et de valeurs. Cet amendement n’a pas prospéré. On a enfin permis la reconnaissance de la bataille menée par André Chassaigne sur l’origine du miel de France en contraignant les importations de miels mélangés. Mais tout cela n’est pas suffisant pour des paysans qui aspirent à vivre de leur travail. Si je suis attentif à ce qu’on veille au bien-être animal, à une alimentation saine et équilibrée pour nos enfants, cela ne peut néanmoins passer que par le bien-être des agriculteurs. C’est la priorité.
Sébastien Jumel, Député PCF de Seine-Maritime
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.