Ian Brossat : « Notre pays est une terre d’accueil. Ceux qui gouvernent doivent l’assumer et l’organiser »

Entretien réalisé par Émilien Urbach

Photo Joel Saget/AFP.

Photo Joel Saget/AFP.
Après le démantèlement mercredi matin du campement du « Millénaire », au nord de la capitale, l’adjoint (PCF) au Logement à la mairie de Paris appelle le gouvernement à assumer pleinement son rôle en matière d’accueil des exilés.
Mercredi, vers 6 heures, l’Etat a démantelé le campement d’exilés dit du « Millénaire », au nord de la capitale. Une opération de mise à l’abri réclamée depuis plus de deux mois par les élus de la majorité municipale. La mairie de Paris a fait ouvrir plusieurs gymnases pour y héberger provisoirement ceux qui, par manque de place dans les dispositifs de l’Etat, risquaient de ne pas pouvoir être pris en charge. Le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il lancerait bientôt le même type d’opération pour les campements situés porte de la Chapelle et le long du canal Saint-Martin. Ian Brossat, maire-adjoint communiste chargé du Logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence, fustige l’action du ministère de l’Intérieur et appelle l’exécutif à prendre toutes ses responsabilités pour un accueil digne de tous les réfugiés.
Quelle est votre réaction face au démantèlement du campement du « Millénaire » ?
Ian Brossat. Je suis soulagé que cette opération de mise à l’abri ait enfin eu lieu. Je regrette néanmoins le temps perdu pour sa mise en œuvre. Nous tirons la sonnette d’alarme depuis des mois sur les conditions de vie indignes et inhumaines dans lesquelles se trouvent ces réfugiés. Je regrette qu’il ait fallu autant de temps et d’interpellations pour que l’Etat assume enfin ses responsabilités au lieu de brandir, comme il l’a fait, toute une série de contre-vérités. Nous voyons bien qu’il n’y avait nul besoin de décision de justice et de demande d’évacuation de la part de la municipalité, contrairement à ce qu’affirmait Gérard Collomb pour fuir ses responsabilités. Il disait aussi que les réfugiés en question ne monteraient pas dans les bus en direction des centres d’hébergement. Or, l’écrasante majorité l’a fait. Le gouvernement doit sortir des postures politiciennes sur ce sujet.
Les dispositifs d‘hébergements existants sont-ils suffisant pour éviter que les nouveaux exilés arrivant dans la capitale n’aient d’autres choix que de vivre sous des toiles de tentes ?
Ian Brossat. Il n’y a évidemment pas assez de places d’hébergement aujourd’hui à Paris et en Ile-de-France. Mais il manque surtout un dispositif sérieux de premier accueil, dans lequel, lorsque les personnes arrivent, elles puissent accéder directement à leurs droits. La municipalité en avait mis un en place, porte de la Chapelle, et confié sa gestion à Emmaüs solidarité. Il a fonctionné de novembre 2016 à mars 2018 et a permis l’accueil de 25 000 personnes dans des conditions dignes. Le gouvernement a souhaité s’en passer. Et depuis sa fermeture, le nombre de campements, à Paris, a explosé. Il faut que la France soit à la hauteur des enjeux. Elle doit créer des centres de premier accueil dans toutes les grandes métropoles qui sont sur le parcours des réfugiés. A paris, nous sommes prêts à en ouvrir un nouveau. Et je souhaite que l’Etat nous entende plus rapidement que dans le passé.
Les associations pointent la méfiance d’une partie des demandeurs d’asile envers les infrastructures de l’Etat qui s’en servirait, notamment, pour identifier les « dublinés » et augmenter le nombre d’expulsions…
Ian Brossat. On nage en pleine hypocrisie concernant les demandeurs d’asile « dublinés ». Comment peut-on continuer à expliquer qu’il faut renvoyer ces personnes en Italie quand on connaît la situation politique dans laquelle se trouve ce pays ? Ils remplissent, pour la plupart, les conditions pour obtenir l’asile n’importe où en Europe. Ceux qui sont en France doivent y être convenablement accueillis, à défaut de quoi ils iront peupler de futurs campements.
Que vous inspire le lancement de cette opération de démantèlement le lendemain de la régularisation d’un jeune malien qui a sauvé un enfant d’une chute mortelle de quatre étages ?
Ian Brossat. L’hommage légitime rendu à Mamoudou Gassama ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. En l’occurrence, la politique cruelle du gouvernement à l’égard des réfugiés. Le geste de Mamadou Gassama doit au contraire permettre de changer les regards sur l’immigration et nous sortir de cette anesthésie de la sensibilité dans laquelle est plongée notre société. Notre pays est une terre d’accueil. Ceux qui gouvernent doivent l’assumer et l’organiser.

Emilien Urbach, Journaliste


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