Les disparités sont omniprésentes dans l’économie mondiale, et le secteur agroalimentaire ne fait pas exception à la règle, comme le révèle une étude d’Oxfam.
Pour un kilo de jus d’orange du Brésil vendu 1,27 euro dans un supermarché français en 2015, à peine 7 centimes en moyenne revenaient au producteur, tandis que 58 centimes étaient empochés par le supermarché français. Dans un rapport publié jeudi, l’ONG Oxfam révèle comment agriculteurs et producteurs du monde entier gagnent toujours moins, alors que la grande distribution, elle, accumule les bénéfices. « Les résultats de notre enquête montrent que les géants de la grande distribution empochent une proportion croissante de l’argent dépensé par leurs clients, tandis que la part modique réservée aux producteurs de leurs denrées alimentaires se réduit comme peau de chagrin », résume Winnie Byanyima, la directrice générale d’Oxfam International.
Selon un calcul de l’ONG, les huit premières chaînes mondiales de supermarchés cotées en Bourse ont réalisé 22 milliards de bénéfices, dont 15 milliards de dollars ont été reversés à leurs actionnaires, au lieu d’être réinvestis dans leurs fournisseurs. Résultat : « À l’autre bout de la chaîne, les personnes qui nous font vivre n’ont même pas de quoi vivre », précise Pauline Leclère, porte-parole d’Oxfam. Ainsi, pour des produits comme le jus d’orange brésilien, les haricots verts du Kenya, le thé indien ou encore le thon en conserves thaïlandais, la part du prix final à la consommation revenant aux paysans s’élevait à moins de 5 % en 2015 ! Ce rapport international, intitulé « Derrière le code-barres, des inégalités à la chaîne », qui a passé au crible douze produits de consommation courante dans plusieurs pays, donne des exemples très précis : sur un kilo de crevettes provenant du Vietnam vendues en France en 2015 à 15,68 euros, seuls 48 centimes ont été reversés à l’ouvrier vietnamien.
Les producteurs ne touchent qu’une infime partie du prix de vente final
Ce modèle économique « alimente les inégalités et génère des souffrances humaines parmi les travailleurs », pointe l’étude. « Que ce soit le travail forcé à bord de bateaux de pêche d’Asie du Sud-Est, les salaires de misère dans les plantations de thé indiennes et la faim dont souffrent les travailleurs des exploitations de raisin en Afrique du Sud, les violations des droits humains et des droits du travail ne sont que trop répandues dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire », égrène Oxfam. Et ce sont les femmes qui restent le plus durement touchées.
Le marché français des produits alimentaires ne se distingue pas du reste du secteur au niveau international : les producteurs et travailleurs ne touchent qu’une infime partie du prix de vente final, et l’écart entre ce qu’ils touchent effectivement et ce qui représenterait un revenu vital n’est que de l’ordre de quelques pour cent (0,8 % à 4 % pour les produits étudiés) du prix de vente au consommateur. Entre 1996 et 1998, les producteurs touchaient en moyenne 8,8 % du prix final. En 2015, ils n’en recevaient plus que 6,5 %. « Dans le même temps, la grande distribution a vu sa part gonfler à 48,3 % du prix final, contre 43,5 % vingt ans plus tôt », déplore Pauline Leclère.
Pourtant, Oxfam juge « tout à fait possible » que « les paysans et travailleurs gagnent un revenu minimum vital ». « Il suffirait d’investissements minimes pour que la situation change. En reventilant seulement 13 centimes du prix de vente du kilo de crevettes, soit moins de 1 % du prix, on garantirait un salaire décent aux travailleurs vietnamiens en bout de chaîne de production », illustre la militante. L’étude préconise notamment que les pouvoirs publics reprennent la main. Ainsi, en France, alors que le projet Pacte sur les entreprises va être prochainement étudié au Parlement, « il est urgent de poser la question du partage des richesses au sein des grandes entreprises. La loi doit exiger de ces géants économiques qu’ils distribuent plus équitablement les bénéfices qu’ils génèrent, en commençant par verser un salaire décent à l’ensemble de leurs salariés, et en garantissant un prix d’achat permettant d’offrir un salaire vital aux producteurs et ouvriers en bout de chaîne ».
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