Street art. Banksy vient à Paris défier Macron

Porte de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris, sur des murs désaffectés contre lesquels dorment des réfugiés, un dessin interpelle, «    l’artivist  » est passé par là& Philippe Lopez/AFP

Porte de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris, sur des murs désaffectés contre lesquels dorment des réfugiés, un dessin interpelle, « l’artivist » est passé par là& Philippe Lopez/AFP
 

L’artiste de rue, aussi connu que la reine d’Angleterre, s’est manifesté ces derniers jours pour faire passer un message de colère envers le gouvernement, qui traite mal les pauvres et les migrants.

Les premiers indices remontent au 20 juin, Journée mondiale des réfugiés. Porte de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris, aux abords de l’ancien centre de premier accueil des migrants, démantelé le 31 mars dernier, des passants remarquent, sur des murs désaffectés contre lesquels dorment des réfugiés, un dessin très interpellant. Il représente une fillette noire, perchée sur un escabeau, qui bombe une croix gammée noire pour la recouvrir d’un motif décoratif rose.

Les jours suivants, il se confirme que la position indigne du gouvernement français, qui refuse d’accueillir l’Aquarius, bateau humanitaire sauvant les migrants naufragés en Méditerranée, déjà refoulé par l’Italie, indigne Banksy au point de le faire venir pour la première fois à Paris où, ni une ni deux, il s’empare de l’espace public et passe à l’action.

Il grandit une bombe d’aérosol à la main

Le week-end dernier, l’artiste, aussi mondial qu’Ernest Pignon-Ernest mais plus mystérieux, fait parler d’autres murs. Dans la rue de Flandre, l’une des artères les plus populaires du 19e arrondissement, il s’approprie Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, tableau de Jacques-Louis David, de 1801. Son cheval cabré, Napoléon a le visage caché dans son manteau retourné par le vent, comme la honte s’emparant de la France…

Rue du Mont-Cenis, dans le 18e, et rue Rambuteau, dans le 4e, les rats chers à Banksy s’en donnent à cœur joie, tenant le fil électrique d’un engin de vidéosurveillance, dansant sur le bouchon d’un magnum de champagne ouvert un peu plus loin… Près de la Sorbonne, rue Victor-Cousin, dans le 5e, le pirate redevient saignant : un homme tend un os à un chien, tout en tenant dans son dos la scie avec laquelle il lui a tranché une patte encore sanguinolente…

Tout indique que ces œuvres non signées peuvent être attribuées au dessinateur clandestin : les thématiques des migrants, des inégalités, de l’hypocrisie face à la pauvreté qui sont parmi ses sujets favoris ; la technique du pochoir noir ; son trait ; ses couleurs, notamment le rose qu’il affectionne ; le fait d’adapter des photographies au graphisme ; sans compter cette opposition qu’il aime installer entre l’innocence de l’enfance et la barbarie de certains adultes. C’est sûr « l’artivist » est passé par là…

La légende Banksy vient de loin. On le signale, petit, à Bristol (Grande-Bretagne) où, déjà, il se fait engueuler parce qu’il dessine, dans la cuisine, des lapins. Il grandit une bombe d’aérosol à la main, avec cette façon ultra-efficace de décamper lorsque les flics se pointent. Après, on ne sait plus rien de lui. Sinon que son pseudonyme pourrait venir de Bankside, berge de la Tamise aux murs recouverts de graffitis.

Il pourrait aussi avoir un lien – à moins que ce ne soit lui – avec 3D, fondateur du groupe de trip-hop Massive Attack, natif de la ville où Banksy a dessiné un Christ en croix ployant sous le poids de ses achats et où il a eu droit à une exposition muséale fréquentée par plus de 300 000 visiteurs. Mais la rumeur dit qu’il pourrait aussi s’appeler tout simplement Robert Gunningham, enfant de la classe moyenne né en 1974…

La posture d’un activiste exprimant l’anticapitalisme

Il sévira à Londres, Los Angeles, New York, avant d’être signalé notamment en Palestine. Là-bas, il couvre les murs de Gaza, il achète à Bethléem, « pour faire entendre la voix des Palestiniens », « l’hôtel à la pire vue du monde » – ses fenêtres ne donnent-elles pas sur le mur de séparation construit par Israël ? Au-dessus d’un lit, l’un de ses pochoirs montre un soldat israélien et un manifestant palestinien se livrant une bataille de polochons. Ainsi s’affiche l’humour naïf de Bansky… qui n’en acquiert pas moins la posture d’un activiste exprimant l’anticapitalisme, l’anti-autoritarisme, l’anticonsumérisme, tous sentiments accessibles au plus grand nombre mais que beaucoup n’ont pas les moyens d’exprimer.

Il sera aussi le porte-voix des migrants coincés dans la jungle de Calais. En 2015 et 2016, il se mettra à leur service, dessinant Steve Jobs sur les palissades du campement pour rappeler que, avant d’être le patron d’Apple, il avait été le fils d’un jeune homme de Homs, migrant syrien. Il y eut aussi le fameux Radeau de la Méduse, d’après Géricault, l’embarcation étant remplacée par le ferry, inaccessible aux migrants. Et aussi la fillette regardant la côte anglaise avec sa longue-vue sur laquelle est juché un vautour… de bien mauvais augure. Un jour que la police avait mené une action de force, il a représenté à Londres, face à l’ambassade de France, Cosette, des Misérables de Victor Hugo, se tenant devant un drapeau français déchiqueté, tandis qu’à ses pieds, une bombe lacrymogène répandait ses vapeurs toxiques. La honte !

Il est comme ça, Banksy ! Et lorsqu’on lui demande ce que ça lui fait que certaines de ses œuvres découpées dans le mur soient vendues des millions aux enchères, il continue de jouer avec le feu : « J’utilise l’art pour contester l’ordre établi, mais peut-être que j’utilise simplement la contestation pour promouvoir mes œuvres. »

Magali Jauffret


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