Europe. Le Jefta, un nouvel accord commercial passé en douce

L’Europe avait promis la transparence pour les nouveaux accords de libre-échange. Mensonge. Celui avec le Japon vient de sortir. Avec la même logique, la même opacité mais présenté comme le lambeau de l’opposition au protectionnisme de Trump.

Le Ceta -accord de libre-échange entre l’Union eu- ropéenne et le Canada- avait provoqué une levée de bouclier. A tel point que la Commission européenne avait tenu des propos lénifiants pour s’engager à davantage de transparence. Mensonge ! Le Jefta est désormais sur les rails. Un accord de libre-échange entre l’UE et le Japon, présenté comme le plus important jamais signé car concernant 30% du PIB mondial et 600 millions de personnes.

Copie conforme du Ceta, il est présenté comme la quintessence de l’opposition à Trump. « Un message puissant contre le protectionniste », clame Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, lors de l’annonce officielle de mardi dernier. « Guider le monde dans cette direction alors que s’est répandu le protectionnisme » renchérit le Premier ministre japonais Shinzo Abe. « Une lumière dans la noirceur croissante de la politique internationale », ose même Donald Tusk, président du Conseil européen. Sans jamais mentionner le nom du président américain, les trois personnalités ont longuement insisté sur leur rôle de porte-drapeau du libre-échange au moment où Donald Trump fait planer la menace d’une guerre commerciale.

Pourtant, ce Jefta est la copie conforme du Ceta. Rédigé dans l’opacité la plus totale depuis 2013, il est même encore moins démocratique puisqu’il se passera du vote des parlements nationaux des différents pays européens pour une application dès 2019. Les auteurs sautent ainsi une étape démocratique qu’ils considèrent comme un obstacle depuis le Ceta. Pourquoi ? Parce que ce serait un accord non-mixte, ne couvrant pas les compétences des États nationaux.

Pour éviter les polémiques, les auteurs ont supprimé du programme les tribunaux d’arbitrage, ces tribunaux privés permettant aux multinationales d’attaquer un État si elles considèrent que sa politique gène ses profits. Victoire ? L’Europe a simplement décidé de créer un tribunal multilatéral qui s’appliquera à tous les accords, donnant un mandat en ce sens à la Commission européenne en mars dernier.

Le contenu de ce Jefta découvert à sa publication consiste globalement à « agriculture contre voiture ». Les produits agricoles européens se voient ouverts le marché japonais avec reconnaissance d’AOC à la clé et suppression de l’équivalent de 1 milliard de droits de douanes. La levée des obstacles faits aux fromages pourrait prendre une quinzaine d’années et le riz, production symbolique pour le Japon, est exclu du dispositif.

En retour, les automobiles ou les pièces détachées japonaises n’auront plus à s’acquitter des 10% de droits de douane pour pénétrer le marché européen. Une embellie concurrentielle en perspective qui n’a pas attendu l’assentiment du sec- teur automobile européen.

Comme le Ceta, le Jefta ne vise qu’à développer le commerce. Même si cela est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Conscient des attentes dans le domaine, un chapitre « développement durable » a été intégré au texte. Le seul à ne pas être contraignant. L’accord de Paris qui tout le monde brandit comme preuve de son engagement sur le sujet n’a même pas été intégré aux clauses essentielles.

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 19 juillet 2018)

Repères

14.000. Le nombre d’emplois en Europe « supporté » par chaque milliard d’exportation en direction du Japon.

37% du commerce mondial. Ce que représente les échanges actuels entre l’Union européenne et le Japon.

200 appellations d’origine contrôlée européennes seront reconnues par le Japon suite à l’accord de libre-échange.

10% de droits de douane sur les automobiles en provenance du Japon à leur entrée en UE, supprimés par le traité.

La Marseillaise, le 19 juillet 2018

Et le Ceta, on en est où ?

Lancé en 2010, l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Canada n’est toujours pas ratiié. Mais il est entré en vigueur.

Lancé en 2010, le projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada est d’abord développé en catimini. Le secret explose en 2013, découvert par les militants anti-TAFTA -son équivalent avec les États-Unis- qui vient alors d’être lancé.

Si le TAFTA est finalement abandonné par un Donald Trump qui prône le protectionnisme, le CETA va lui jusqu’au bout. Non sans peine car les opposants restent vent debout contre un texte qui a pour seule ambition de développer le commerce, en favorisant le dumping social et au détriment de l’exigence sanitaire ou du res- pect de l’environnement.

A tel point que le sujet s’impose dans la campagne présidentielle française. Seul Macron se dit officiellement pour. Choisissant Nicolas Hulot -qui en a été l’un des principaux opposants- comme ministre, il finit par concéder la nécessité d’un veto climatique. Mais repousse la ratification au maximum, programmée pour l’automne prochain.

Car ce CETA a besoin d’être ratifié par l’ensemble des pays pour être valable. Même s’il a une application provisoire depuis septembre. Aujourd’hui, seuls 11 l’ont fait. Le nouveau vice-premier ministre italien, Luigi di Mayo du mouvement 5 étoiles, vient d’annoncer qu’il ne le ratifierait pas.

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 19 juillet 2018)

Centrale nucléaire de Golfech : un périmètre de sécurité bientôt étendu in DDM

L’extension du PPI a été annoncée depuis deux ans mais devrait intervenir d’ici fin 2018, début 2019./ Photo DDM, archives
L’extension du PPI a été annoncée depuis deux ans mais devrait intervenir d’ici fin 2018, début 2019./ Photo DDM, archives

Le périmètre de sécurité autour de la centrale de Golfech dans le Tarn-et-Garonne, plus communément appelé PPI, devrait être étendu d’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine, à 30 nouvelles communes tarnais-et-garonnaises ainsi que plusieurs autres communes du Lot-et-Garonne et du Gers. Un plan d’intervention qui prévoit plusieurs mesures en cas d’incident nucléaire.

Déjà annoncée il y a deux ans de cela, l’extension du plan particulier d’intervention (PPI) autour de la centrale nucléaire de Golfech devrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année, début de l’année prochaine. De 10 kilomètres, son rayon d’action passera donc à 20 kilomètres. Il englobera ainsi 30 communes tarn-et-garonnaises supplémentaires (1). Parmi elles, Castelsarrasin et Moissac. « Cette extension s’inscrit dans le cadre d’une circulaire émise en 2016 par Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement et de l’Energie, rappelle Hermine Durand, cheffe de division à l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), à Bordeaux. Cette décision vise à renforcer la sécurité autour des centrales nucléaires françaises après le drame de Fukushima. » Continuer la lecture de Centrale nucléaire de Golfech : un périmètre de sécurité bientôt étendu in DDM

Sur les traces de Madiba, la lutte continue

Un siècle après la naissance du premier président de l’Afrique du Sud démocratique, son combat pour une société libérée de l’oppression raciste et de classe reste d’une brûlante actualité.

Il s’appelait Nelson Rolihlahla Mandela. Son destin était princier. Il est resté, pour tous les Sud-Africains, Madiba ou Tata. Un homme d’une envergure exceptionnelle, tant par son parcours que par son comportement. Aujourd’hui, il aurait eu 100 ans. La biographie de cet homme est si connue, retracée ici et là, surtout là par ceux qui l’ont ignoré lorsqu’il était enfermé dans le sinistre bagne de Robben Island, sur une île en face de la ville du Cap, qu’il n’est peut-être pas besoin d’y revenir. Lui, qui aimait à dire : « Je ne suis pas un saint », est, d’une certaine manière, canonisé. Mandela serait ainsi la bonne conscience de l’humanité. Faire oublier combien, lors du procès de Rivonia, qui l’a vu, lui et ses camarades, condamné à la prison à vie, il était totalement absent des radars du monde libre. En France, et ce n’est pas un hasard, c’est la députée du Parti communiste français (PCF) Marie-Claude Vaillant-Couturier, rescapée des camps nazis, qui monte à la tribune de l’Assemblée nationale pour dénoncer une sentence inique, un déni de justice, une volonté de punir ceux qui se battaient pour mettre fin au régime raciste de l’apartheid, qui avait le bon goût de se trouver dans le bon camp, celui des États-Unis et de l’atlantisme. Celui de la défense d’un monde se disant « libre » et qui n’était pourtant pas gêné par l’oppression des Noirs.

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Lilian Thuram : « Fêter les Bleus répond à un besoin profond de partage »

Photo : Yasuyoshi Chiba/AFP

Photo : Yasuyoshi Chiba/AFP

L’ex-défenseur, 142 sélections avec l’équipe de France, est engagé en faveur de l’égalité avec sa fondation d’éducation contre le racisme.

Les Bleus l’ont fait. Ils accrochent une seconde étoile à leur maillot. On peut dire que ce Mondial a renoué avec une équipe de France qui a touché les cœurs…

Lilian Thuram Oui. Il faut remercier les joueurs, l’encadrement, le staff pour ce merveilleux moment passé ensemble. Didier Deschamps a su patiemment ­reconstruire un collectif. Après la qualification au Mondial 2014, la finale perdue de peu face au Portugal lors du championnat d’Europe en France en 2016, l’équipe de France n’a cessé de monter en puissance à cette Coupe du monde. Elle a procuré beaucoup de joie et d’émotions bien au-delà des supporters classiques.

Au-delà des hommes en tout cas. L’intérêt des femmes pour ce type de compétition est-il une des traces laissées par la victoire des Bleus au Mondial de 1998 ?

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Le naufrage moral des gouvernements de l’UE

Sous les désaccords de façade, un Conseil européen unanime pour consolider la forteresse.

Sous les désaccords de façade, un Conseil européen unanime pour consolider la forteresse.
 

La chronique de Francis Wurtz, député honoraire au parlement euopéen : « Des centres contrôlés, des retours forcés, des centres de tri, y compris dans l’enfer libyen… Cruelle solidarité que celle des dirigeants européens ! »

«L’accord de Bruxelles est l’incarnation d’une Europe solidaire, responsable et digne » : on a beau se frotter les yeux, c’est bien Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, qui a, sans ironie, salué en ces termes le résultat du sommet des chefs d’État et de gouvernement du 28 juin dernier sur la question de l’accueil des migrants (1) !

Si solidarité il y eut entre les dirigeants des 28 États membres, ce fut une solidarité de voyous ! Leurs seuls points d’accord sont de verrouiller les frontières extérieures de l’UE aux réfugiés ; de transférer les personnes secourues en Méditerranée vers des « centres contrôlés » (à créer dans les pays européens volontaires) d’où la grande majorité sera vouée à la « reconduite » ; de tenter d’installer en Afrique du Nord – y compris dans l’enfer libyen – ou dans les Balkans des « plateformes de débarquement », sortes de centres de tri pour sélectionner hors des frontières européennes ceux des demandeurs d’asile jugés « éligibles » ; enfin, de n’imposer à aucun État membre d’accueillir le moindre réfugié !

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Mondial. Les Bleus champions du monde en suivant leur bonne étoile

Kai Pfaffenbach/Reuters

Malmenée par des Croates aussi brillants que malchanceux, l’équipe de France masculine conquiert son deuxième titre mondial grâce à deux coups du sort et à leur implacable réalisme (4-2). Un avenir prometteur s’ouvre pour cette jeune sélection.

Il y eut d’abord une respiration, vive, le souffle coupé par l’attente du coup de sifflet final. Un temps suspendu, alors que les remplaçants tricolores entamaient leur furieuse cavalcade vers des Bleus levant les bras au ciel. Seulement, alors, survint, à deux mille cinq cents kilomètres du stade moscovite de Loujniki, l’explosion de joie que les moins de 20 ans connaissent désormais. Les hurlements et Klaxon en France ont alors étreint une fin d’après-midi appelée à durer ce lundi et sans doute jusqu’à demain.

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Guerre sociale : le jeu dangereux

27 juin. fier de son passage en force, Macron promulgue la loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" à l'Elysée, tandis que sa cote de popularité ne cesse de dégrigoler

27 juin. fier de son passage en force, Macron promulgue la loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » à l’Elysée, tandis que sa cote de popularité ne cesse de dégrigoler
AFP

Macron se flatte d’aligner les « réformes » et rêve d’écraser les syndicats, au mépris de la démocratie sociale et quitte à fragiliser la démocratie politique. L’abus d’autorité du chef de l’état vire à l’inconscience.

Flanqué de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, et du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, le président de la République a apposé sa signature sur la loi « sur le nouveau pacte ferroviaire » devant les caméras de télévision convoquées pour l’occasion le 27 juin dernier à l’Élysée. Importé des États-Unis, ce cérémonial accompagne désormais chaque promulgation de texte. En se mettant en scène, Emmanuel Macron ne veut pas seulement montrer qu’il agit. Il prétend avoir le dernier mot. Après être parvenu à imposer ses ordonnances sur le Code du travail en 2017, il espère tourner la page du conflit à la SNCF et poursuivre son entreprise de détricotage des droits des salariés.

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Quand le feu couve

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Le philosophe Yvon Quiniou estime qu’en menant une politique qui favorise la classe capitaliste dominante, Macron rend visible la structuration en classes de la société et alimente la montée des conflits.

«Notre situation politique est paradoxale à plus d’un titre. Nous sommes dirigés par un président élu par seulement 43 % des inscrits et au surplus par défaut : pour éviter Marine Le Pen. Il en a à peine conscience puisqu’il prétend incarner “le peuple tout entier” dont il se croit parfois “le roi” (sic), et il règne comme un monarque de droit divin dans la toute-puissance et la verticalité absolue, étouffant le rôle légitime des diverses instances représentatives comme le Parlement, les corps intermédiaires et les syndicats.

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Congrès. Emmanuel Macron, un monarque satisfait mais insatiable

Hier, à Paris, le président a cherché à retrouver les accents de sa campagne pour recoller aux Français. Thibault Camus/AFP/Pool

Hier, à Paris, le président a cherché à retrouver les accents de sa campagne pour recoller aux Français. Thibault Camus/AFP/Pool

Pour sa seconde intervention devant les députés et sénateurs réunis en Congrès, le président de la République a défendu son bilan, pour ensuite cibler un modèle social qu’il entend démolir avec méthode.

Seul à table : le chef de l’État, qui souhaitait, avant son allocution devant les députés et les sénateurs réunis, convier à déjeuner les responsables de groupe, s’est heurté à un refus plus ou moins poli des élus d’opposition, Jean-Luc Mélenchon (FI) expliquant être retenu « par des activités hostiles à votre gouvernement ». « Je vais déjà subir le discours du trône, alors le souper du roi… », a ironisé Bruno Retailleau (LR). La longue attente des députés dans la cour du château de Versailles et les différentes galeries remplies de marbre et de statues ressemble étrangement, jusqu’à créer le malaise, à un aréopage de courtisans qui trépignent avant l’arrivée du roi.

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Rapport parlementaire sur le nucléaire : « On ne transige pas avec la sûreté »

Le rapport d’enquête parlementaire révèle une série de points faibles et de problèmes dans le fonctionnement de notre parc nucléaire. Ce rapport confirme ce que les organisations syndicales et les parlementaires communistes expriment de longue date, notamment en matière de recours massif à la sous-traitance pour assurer la maintenance des réacteurs (Cf. cahier d’acteur lors du débat public national sur la programmation pluriannuelle de l’énergie https://ppe.debatpublic.fr/node/4539)

En autorisant le bradage de secteurs industriels et énergétiques, l’État français abandonne des leviers stratégiques pour l’indépendance de notre pays. Cette situation ne peut perdurer au risque de provoquer un affaiblissement de la sécurité.

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