En Ariège, on a trouvé des traces de glyphosate dans les urines de cent cinquante volontaires. Ils poursuivent en justice ceux qui ont produit le pesticide.
L’affaire Dewayne Jonhson vs Monsanto l’a montré cet été : la lutte contre les pesticides entend elle aussi faire entendre sa cause par la justice. Y compris en France. En juin dernier étaient déposées, au tribunal de Foix, une série de plaintes pour mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée et atteintes à l’environnement. Toutes partent d’un constat simple, mais rude : il y a du glyphosate dans nos urines.
Une expérience menée en Ariège tend à le prouver. Sur les cent cinquante personnes qui ont déjà accepté une analyse, pas une seule n’est épargnée par l’herbicide. En moyenne, on décèle 1,43 nanogramme par millilitre. Aucune norme officielle n’est établie pour le glyphosate dans les urines mais il existe une norme européenne qui limite ce perturbateur endocrinien à 0,1 nanogramme par millilitre d’eau potable. Si une comparaison est possible, le taux moyen de glyphosate analysé en Ariège se situe donc à un niveau 14 fois supérieur. Même la personne présentant l’indice le plus bas (0,15 nanogramme) se situe au- desus. Indice le plus élevé : 3,55 nanogrammes.
« Aucun laboratoire français n’a accepté ce travail »
Deux cents volontaires sont en attente de prélèvement. Agnès Leclerc et Dominique Masset figurent parmi les instigateurs de cette « campagne glyphosate ». Ils ont établi une méthodologie pour ces prélèvements d’urine effectués en présence d’un huissier pour les hommes, d’une huissière pour les femmes. L’opération se tient immuablement entre 6 et 9 heures du matin. Chaque volontaire doit être à jeun et avoir renoncé à la cigarette depuis la veille. Les huissiers expédient ensuite les précieuses fioles à un laboratoire d’analyses à Leipzig, en Allemagne. « Aucun laboratoire français n’a accepté ce travail », confie Agnès Leclerc.
Le 15 juin, les premières plaintes sont déposées. Le 23 juin, le tribunal de Foix se dessaisit du dossier au profit du tribunal de Paris. « Celui-ci a davantage de moyens d’investigation et cela donne à l’affaire une portée nationale », se réjouit Dominique Masset. À ce jour, le nombre de plaintes avoisine les soixante. Chaque volontaire a dû débourser 85 euros pour couvrir les frais d’huissier et de laboratoire, auxquels s’ajoutent 50 euros pour la plainte. L’opération de financement participatif Helloasso, qui a déjà récolté 15 000 euros, permet quant à elle de payer les frais de justice et d’avocat. « Nous portons l’affaire au pénal et pas au civil, précise Dominique Masset. Nous ne demandons pas de dommages et intérêts. On ne peut pas dire que notre plainte est intéressée. »
Les plaintes ne visent pas directement les entreprises – tel Monsanto-Bayer – produisant le pesticide, pas plus que les pouvoirs publics. Sont dans le collimateur ceux qui occupent des responsabilités dans ces entreprises ou institutions publiques. La liste est longue. « Les présidents et membres des conseils d’administration de tous les fabricants de pesticides contenant du glyphosate ; les présidents et membres de la Commission européenne ; les présidents et membres de l’Agence nationale de sécurité sanitaire… » énumère Dominique Masset, qui prévient : « Nous voulons que ces personnes sortent de l’anonymat, rendent des comptes et soient condamnées. »
« S’attaquer à des personnes physiques et non des personnes morales, c’est moins politique », admet Manuel Meïer, militant PCF et participant à la « campagne glyphosate ». « Mais les institutions ne fonctionnent pas, alors on peut utiliser ce biais pour faire évoluer la situation. »
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