Ces dernier jours, tandis que des transporteurs de refusaient de charger durant une semaine des veaux et des jeunes bovins non vaccinés contre la fièvre catarrhale ovine (FCO), le ministre de l’Agriculture était en Chine pour tenter d’y exporter de la viande de bovins nés et engraissés en France avec une bonne part de soja brésilien. Ainsi va la mondialisation concernant le contenu de nos assiettes. Mais, à défaut d’être une réussite écologique, rien ne prouve que cette route de l’entrecôte connaîtra le même succès économique que naguère la route de la soie.
Nous avons appris le 7 novembre que la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) venait de mettre fin au mouvement de non collecte des veaux de moins de vingt jours qu’elle avait lancé le 29 octobre et qu’elle avait étendu le 2 novembre aux broutards, ces jeunes bovins d’une dizaine de mois, dont les naissances atteignent 4 millions de têtes en France tous les ans. Dans les deux cas, ces transporteurs refusaient d’embarquer des animaux non vaccinés.
Affiliée à la FNSEA, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) indiquait mercredi dans un communiqué qu’elle avait été à l’initiative de la rencontre interprofessionnelle qui a permis la fin de cette grève des transports de veaux et de jeunes bovins. Selon la FNPL, « l’enjeu est de retrouver, par l’intervention des négociants en bestiaux, un débouché export pérenne pour les jeunes veaux, en prenant en compte, pour cette commercialisation, les difficultés rencontrées par les éleveurs face aux contraintes sanitaires engendrées par la fièvre catarrhale ovine (FCO) ».
Cette FCO est une maladie transmise par certaines piqures d’insectes qui transportent un virus. La maladie touche de plus en plus d’ovins, de bovins et de caprins en Europe. C’est à la fois une conséquence de la mondialisation des échanges et du réchauffement climatique. Des insectes originaires des pays tropicaux s’adaptent et vivent désormais dans nos pays tempérés.
Suite à cette rencontre avec les marchands de bestiaux, la FNPL indique : « Il a été convenu d’une clause de rendez-vous, au premier trimestre 2019, afin d’anticiper l’évolution réglementaire européenne qui prévoit, à l’horizon 2021, la fin des accords bilatéraux entre la France et l’Espagne. L’Espagne constitue un marché de plus en plus important d’environ 300.000 veaux par an en 2018», précise la FNPL. Le lecteur peu au fait des réalités de l’élevage bovin en France à de quoi perdre son latin à la lecture de ces informations. Il doit toutefois savoir que le cheptel bovin français se divise en deux catégories au niveau des mères: les vaches laitières et les vaches allaitantes.
Près de 8 millions de vaches en France
Chez les laitières, nous avons quelques 3,7 millions de vaches qui donnent chacune un veau par an pour renouveler le cycle de la production laitière. La plupart des veaux femelles sont gardé sur l’exploitation pour devenir de nouvelles laitières. Elles mettent bas leur premier veau entre 24 et 30 mois après leur naissance et vont à l’abattoir comme vaches de réforme après trois à quatre années de lactations, voire moins. Plus de 70% de ces vaches sont de la race prim’ holstein, noire et blanche. Les autres laitières sont surtout normandes ou montbéliardes. Les veaux mâles des races laitières sont engraissés comme veaux de boucherie, d’où les ventes de 300.000 unités annuelles à l’Espagne, qui engraisse aussi des broutards français, tout comme l’Italie.
Les broutards justement, sont plus nombreux que les veaux laitiers puisque la France compte environ 4,2 milliards de mères dans les races charolaise, limousine, blonde d’Aquitaine, Aubrac, salers, rouge des prés, parthenaise, bazadaise et autres. Ces vaches doivent ce nom d’allaitantes au fait qu’elles allaitent leur veau, qui les suit au pré, et ne sont pas soumises à la traite. Sommes-nous arrivés à un stade où la France fait naître trop de veaux? Elle a du mal à trouver des débouchés pour tous les animaux qui sont engraissés sur le sol national, d’où les ventes de broutards maigres depuis déjà longtemps et aussi des veaux de quelques jours. Entre les vaches laitières de réforme destinées à la boucherie et les vaches allaitantes au même destin final sans oublier les jeunes bovins engraissés dans les fermes, cela fait beaucoup de viande bovine à vendre pour un seul pays, surtout quand la consommation est en baisse lente mais régulière.
La Chine, un marché difficile à conquérir
Voilà pourquoi Didier Guillaume, notre troisième ministre de l’Agriculture depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, s’est rendu en Chine au début de cette semaine. La Chine n’achetait plus de viande bovine française depuis 2001, suite à la maladie de la vache folle. Elle a récemment agréé deux abattoirs français qui peuvent désormais lui exporter de la viande bovine et l’Interprofession de la viande bovine en France espère qu’elle va en agréer d’autres. Selon les confidences de certains de ses responsables, qui étaient du voyage en Chine, la France aimerait à terme exporter 30.000 tonnes de bovins par an dans ce pays. Mais, pour le moment, 98% des importations chinoises de viande bovine proviennent de six pays qui sont le Brésil, l’Uruguay, l’Australie, l’Argentine, la Nouvelle Zélande et le Canada. Autant dire que gagner des parts de marchés en Chine ne sera pas de tout repos pour les exportateurs français.
La route de l’entrecôte et sa chaine du froid
Ajoutons que la France importe beaucoup de tourteaux de soja du Brésil et d’Argentine pour nourrir ses vaches laitières et pour engraisser ses bovins à viande. Parallèlement, l’Union européenne négocie toujours un accord de libre échange avec les pays du Mercosur et ces pays comptent sur une baisse des tarifs douaniers pour des volumes accrus d’exportation de viande bovine en Europe, comme cela a été obtenu par le Canada avec la signature du CETA.
Nous approchons enfin de la Cop 24 qui aura lieu au début du mois de décembre en Pologne pour tenter enfin de mettre en place des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. On sait aussi que les émissions de méthane des ruminants sont un vecteur puissant du réchauffement climatique et de la durabilité des émissions émises tandis l’extension des cultures de céréales et de soja pour nourrir ce surcroît de bétail réduit la superficie des forêts et le captage du carbone. Dans ce contexte, vouloir ouvrir une route de l’entrecôte entre la France et la Chine avec sa chaine du froid pour exporter quelques petits milliers de bovins n’est pas forcément un bon plan économique et environnemental.
Mieux vaudrait, en France, réduire progressivement et lentement le cheptel bovin et, en même temps, faire de sorte que les fermes d’élevage, laitières comme allaitantes, deviennent aussi, progressivement, plus autonomes en fourrages et importent moins de nourriture du bétail. Voilà un des débats qu’il conviendrait d’avoir dans le cadre de la nouvelle réforme de la politique agricole commune qui se prépare pour 2020.
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