« Je présenterai une loi pour un changement du statut des directeurs d’école ». Sur LCP le 12 novembre, le ministre de l’éducation nationale semble avoir tranché une question qui restait en suspens depuis son arrivée rue de Grenelle. Il entend mettre fin à une particularité française : celle d’écoles qui s’administrent en collectif dans un système éducatif partout ailleurs étroitement hiérarchisé.
Un vieux débat
A vrai dire cette décision ministérielle vient de loin. En une année, pas moins de 4 rapports officiels ont préconisé une évolution du statut des directeurs d’école. Le sujet est encore plus ancien et penche nettement à droite. A chaque fois que celle ci s’est trouvée au pouvoir elle a tenté de créer une hiérarchie dans les écoles primaires. Mais jusque là elle a du reculer devant une réalité simple qui tient à la taille des écoles : changer le statut actuel du directeur d’école revient à les confier aux principaux de collège. Une perspective que les maires , attachés à l’école de leur commune, n’aiment pas.
L’idée de transformer les écoles en établissements publics de l’enseignement primaire (EPEP) vient de François Fillon, le ministre de l’éducation nationale qui a mis le pied à l’étrier de JM Blanquer. Il insère cette réforme dans la loi du 13 août 2004. Elle prévoit que « les établissements publics de coopération intercommunale ou plusieurs communes d’un commun accord, ou une commune, peuvent, après avis des conseils des écoles concernées et accord de l’autorité académique, mener, pour une durée maximum de cinq ans, une expérimentation tendant à créer des établissements publics d’enseignement primaire ». F Fillon est remplacé par G de Robien qui tente de faire passer le décret d’application, ce qui occupe les années 2006-2007. Finalement le décret n’est pas publié. C’est l’époque où tous les syndicats d’enseignants s’opposent à la mesure avec l’aide du parti socialiste.
En 2010, l’Institut Montaigne, un autre ami de JM Blanquer, relance le débat sur l’EPEP et une seconde tentative de glisser l’EPEP dans une loi échoue à son tour en 2011. Pourtant il n’y a déjà plus d’unanimité syndicale sur la question. La même année, un sondage publié par le Snuipp montre un net rejet des Epep par les enseignants avec la crainte de voir un échelon hiérarchique plus présent que les IEN peser sur les enseignants. Mais un an plus tard le Se Unsa publie un autre sondage qui montre une majorité de directeurs en faveur de l’Epep.
En 2015 le rapport Leloup et Caraglia, deux inspectrices générales, évoque l’EPEP comme solution aux dysfonctionnements des circonscriptions du 1er degré. Enfin début mars 2017, la ministre publie des « engagements » en faveur des directeurs pour alléger leurs taches administratives. Ce qui revient à enterrer les Epep.
Ravivé depuis 2017
La question agite encore la campagne électorale des présidentielles de 2017. Plusieurs candidats se montrent favorables aux EPEP ou à l’intégration des écoles dans un réseau piloté par un collège. Jean-Michel Blanquer lui-même, dans « L’école de demain », prend position en faveur des EPEP et de directeurs qui soient de véritables chefs d’établissement.
Un autre acteur n’a cessé de défendre l’idée de réduire fortement le nombre d’écoles et de mettre de vrais chefs d’établissement : la Cour des Comptes. Depuis 2010 elle a multiplié les recommandations en ce sens avec une grande constance. Ainsi en 2017, la Cour demandait : » Dans le premier degré, associer les directeurs d’école à l’évaluation des enseignants par l’IEN ; donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la responsabilité, dans certaines limites, de moduler la répartition annuelle des heures de service devant la classe en fonction des postes occupés et des besoins des élèves ».
Depuis 2017 les rapports se sont multipliés mais pas forcément en gardant l’idée d’EPEP. En août 2018, le rapport des députées Valérie Bazin-Malgras et Cécile Rilhac proposent de créer un corps nouveau de directeurs d’école recrutés sur concours à qui seraient confiées des écoles de plus de 10 classes. Les autres seraient regroupées et confiées à la gestion des principaux de collège. En septembre 2018, c’est l’OCDE qui s’en mêle pour demander elle aussi un statut de directeur d’école , supérieur hiérarchique capable de gérer une école autonome. Puis en octobre 2018 c’est le rapport de Marie Blanche Mauhourat et Ariane Azéma qui invite à regrouper les écoles rurales et les collèges dans des « écoles du socle ».
Des écoles trop petites pour avoir un personnel de direction
Pour des raisons qui tiennent à la répartition de la population, à la construction communale de la République au village, et aussi à la volonté démocratique des pères fondateurs de l’école républicaine, la France compte de nombreuses écoles (45 400 écoles publiques) souvent de petite taille. Près de 4000 écoles sont en classe unique. La moitié comptent moins de 5 classes.
Seulement 5000 dépassent 10 classes et pourraient bénéficier d’un directeur issu du nouveau corps imaginé par V Bazin-Malgras et C Rilhac. Les autres perdraient leur directeur et seraient noyées dans des écoles du socle où la culture de l’enseignement secondaire dominerait probablement.
Une bataille culturelle
Réunir ainsi les écoles est évidemment un moyen de faire des économies et c’est ce qui motive les rapports de la Cour des comptes depuis une décennie. Mais la bataille est aussi culturelle. Que deviendra la culture spécifique du primaire dans une structure pilotée par un principal de collège ? Le système hiérarchique propre au second degré donne-t-il vraiment de meilleurs résultats que les mini républiques que constituent les conseils d’école ? En quoi supprimer des collectifs enseignants et leur appliquer les règles du management va-t-il améliorer la gestion des écoles ?
Les directeurs d’école ont des besoins pour mieux gérer leur école. On vient de leur retirer les emplois aidés. N’améliorerait-on pas surement leur fonctionnement en dotant les directeurs de décharges et d’aides administratifs comme le demande le Snuipp ?
François Jarraud
Les contre propositions du Snuipp
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